Le MR dépose une proposition de loi qui vise à tripler le plafond d’exonération de cotisations pour les pompiers volontaires. La mesure est saluée par les gestionnaires de zones, les syndicats en conditionnent la réussite à d’autres mesures.
Les pompiers volontaires seront bientôt exonérés de cotisations sociales sur les 18.000 premiers euros gagnés annuellement. C’est ce que promet une proposition de loi déposée par le MR ce mardi en commission Finances de la Chambre, et dont son auteur, Benoît Piedboeuf, assure avoir la bénédiction de tous les partis. Le libéral avait déjà fait en sorte de relever ce plafond en 2018 à hauteur de 6.000 euros pour égaliser le système fiscal des pompiers volontaires sur celui du travail bénévole. «Comme on a relevé l’exonération de cotisations sociales à hauteur de 18.000 euros pour les flexi-jobs, ce texte s’inscrit dans le même esprit.» Les ambulanciers volontaires sont également concernés par le texte.
Pour rappel, les pompiers volontaires sont des citoyens qui ne sont pas (forcément) pompiers professionnels mais qui se rendent disponibles (après quelques formations) pour une zone de secours. Le pompier volontaire intervient sur son temps libre, et parfois sur son temps de travail avec l’accord de l’employeur.
La mesure fiscale en question s’inscrit dans un contexte spécial pour les pompiers de Belgique, dont environ deux tiers sont des pompiers volontaires. «On en recense 17.500 en Belgique aujourd’hui, compte le président de la Fédération royale des corps de sapeurs-pompiers de Belgique, qui avait appelé à la mesure portée par le MR. Sans les pompiers volontaires, les zones, et particulièrement les plus rurales, ne tourneraient pas.» Celui qui est également député provincial socialiste et colonel-commandant de la zone de secours Val de Sambre estime cependant que ce régime favorable pourrait (et devrait) être appliqué aux pompiers professionnels. «Pourquoi les professionnels n’ont pas droit à cette exonération? Les pompiers professionnels sont payés au même taux horaire que les pompiers volontaires, et pourtant ils n’ont pas le même système fiscal. Ce n’est pas normal.»
L’impossibilité budgétaire de convertir les pompiers volontaires en professionnels
Benoît Piedboeuf l’écrit dans l’introduction de son texte de loi: «On peut ainsi rendre le volontariat dans les zones de secours plus attractif et durable». C’est tout l’enjeu, et il va encore s’accroître. Avec une garde simple rémunérée à 250 euros, et des week-ends à parfois 1.000 euros, les pompiers volontaires atteignent le plafond actuel de 6.000 euros très rapidement, et se désinscrivent une fois celui-ci atteint. «On a énormément de candidats professionnels, mais on en demande beaucoup aux volontaires, même si c’est plus compliqué à gérer, admet le colonel Bocca, commandant de la zone Nage (Namur-Andenne-Gembloux-Eghezée), et qui salue tout de même la mesure. Le taux de disponibilité des pompiers volontaires diminue d’année en année. Actuellement on est à une grosse centaine d’heures par mois, en moyenne.» Sauf que les zones de secours font face à une contestation croissante de la part des pompiers volontaires qui réclament désormais d’ être rémunérés non plus pour les missions effectuées, mais pour les heures où ils sont disponibles. En 2023, la zone Dinaphi (Dinant-Philippeville) a été condamnée en ce sens, et de plus en plus de zones (pas toutes) lui emboîtent le pas.
A l’échelon syndical, on accueille le rehaussement de l’exonération fiscale des pompiers volontaires avec moins d’enthousiasme. La CSC appelle à relever le plafond des heures de disponibilité pour les pompiers volontaires qui stagne actuellement à 1.280 heures par an, et une législation plus encadrée sur ces volontaires et leurs heures de travail, avance la secrétaire permanente, Julie Happaerts. Son confrère de la CGSP, Olivier Nyssen, est beaucoup plus critique. «Cela renforce l’idée que les pompiers volontaires devraient devenir des professionnels. Pour l’instant, il y a des pompiers qui sont volontaires dans une zone et professionnels dans une autre, et cette mesure va encore augmenter le temps de travail qui est déjà accru.»
L’absence gênante du financement fédéral
Des syndicalistes aux professionnels, tout le monde appelle à rendre la professionnalisation du métier plus attirante. «Une réserve permet déjà de professionnaliser certains volontaires, mais le budget ne suffit pas pour généraliser ce régime, pointe le Colonel Bocca. Dans les années à venir, on devra réfléchir à cadrer les volontaires en les faisant prester leurs heures disponibles en caserne. Cela va considérablement alourdir le budget.»
Un budget que les zones n’ont généralement pas. «La professionnalisation des pompiers volontaires implique un coût pour les zones de secours, financées par les communes, les provinces et le Fédéral, mais de manière insuffisante», reconnaît Benoît Piedboeuf. Depuis 2014 et la réforme de la prise en charge budgétaire des zones de secours, le fédéral est censé assurer 50% des surcoûts des zones, ce qu’il n’a jamais fait, dénonce Olivier Nyssen. «La mesure présentée par le MR ne règle pas le souci, conclut le syndicaliste. Elle contribue même à définancer la sécurité sociale puisque l’Etat touchera moins de cotisations sociales. A défaut d’avoir des rentrées fiscales, l’Arizona définancera un peu plus les services publics, dont les zones de secours. C’est le serpent qui se mord la queue.» Selon les estimations, la mesure devrait en effet induire un manque à gagner d’une dizaine de millions d’euros mais, avertit Benoit Piedboeuf, cette estimation n’est pas fiable car le comportement des pompiers volontaires risque bien d’évoluer.