
«Une déclaration de guerre»: en colère, les universités se mobilisent contre la réforme des pensions
Le mouvement «Université en colère» s’inquiète de la réforme des pensions initiée par l’Arizona, qui pourrait entraîner jusqu’à 40% de pertes pour les académiques. Face à cette «menace» pour la qualité et l’accessibilité de l’enseignement, un premier rassemblement est prévu sur le site de l’ULiège, mercredi.
Après les magistrats, les universitaires. Le bras de fer entre les fonctionnaires et le ministre fédéral des Pensions, Jan Jambon (N-VA), se poursuit. La contestation gagne cette fois les membres du personnel de l’ULiège, qui s’inquiètent des nouvelles règles annoncées par l’Arizona dans son accord de Pâques.
Concrètement, la réforme portée par l’exécutif modifie trois variables du calcul de la pension du personnel universitaire, à savoir le système des tantièmes, le traitement de référence ainsi que le blocage du plafond Wijninckx. Avec des pertes qui grimperaient jusqu’à 40% pour les futurs retraités, selon les calculs de l’université.
«Ces mesures ont fait l’effet d’une véritable onde de choc chez nous, réagit Grégory Cormann, professeur de philosophie à l’ULiège. D’abord, car elles sont d’une brutalité inédite. Mais surtout car elles concernent l’ensemble du personnel de l’université, que ce soit le personnel académique, scientifique, administratif ou ouvrier, et même les médecins de l’hôpital universitaire.» Dans le détail, les pertes (minimales) sont chiffrées entre 30% à 40% selon la catégorie d’âge pour le personnel académique, à 26% pour le personnel scientifique et de 9% à 12% pour le personnel administratif, technique et ouvrier (PATO).
Un appel aux autres universités
Face à cette «déclaration de guerre» du gouvernement, le personnel se serre les coudes. De la solidarité entre les différentes catégories de travailleurs est né le mouvement «Université en colère», qui rassemble aujourd’hui plus de 780 abonnés sur sa page Facebook. «En à peine une semaine, notre visibilité a explosé, commente Geoffrey Geuens, porte-parole du mouvement et professeur à l’ULiège. Ce qui témoigne d’un mécontentement palpable au sein de la classe universitaire et au-delà.»
Après une phase d’information ces derniers jours, tant à destination du personnel que des étudiants, une première action concrète sera organisée mercredi à 12 heures, sur la symbolique place du Vingt-Août. Un rassemblement avec des prises de parole, auquel sont conviées les autres universités du pays. «Les réalités auxquelles nous sommes confrontées dépassent de loin le cadre de l’ULiège», insiste Grégory Cormann, qui assure être «en contact permanent» avec des représentants de l’UMons, de l’UNamur, de l’ULB et de l’UCLouvain pour «unir nos forces».
Un minerval à 4.500 euros?
L’appel est également lancé à d’autres métiers mis en péril par les réformes, comme les magistrats, les diplomates ou les militaires. Il est également dirigé vers l’ensemble des citoyens. «Car ce qui se joue ici, ce n’est pas seulement l’avenir des professeurs ou des chercheurs, c’est celui de tout un chacun, rappelle Geoffrey Geuens. Les réformes de l’Arizona menacent le modèle de l’université publique dans son ensemble. Elles compromettent sa qualité, son accessibilité et son indépendance.»
Car qui va compenser ces coupes prévues dans les pensions? Pas la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont les finances exsangues seront incapables d’assurer une résorption, estime le mouvement Université en Colère. Les droits d’inscription pourraient-ils être impactés? Pour compenser ces retraites revues à la baisse, le minerval devrait monter à plus de 4.500 euros, selon les calculs du mouvement. «Ce serait la porte ouverte à un enseignement à deux vitesses, où seuls les plus riches auraient accès au savoir», fustige Geoffrey Geuens.
Si les pertes ne sont pas compensées, l’attractivité des carrières universitaires risque de sérieusement en pâtir. En particulier celles des académiques, les plus touchés par les pensions rabotées. Avec une crainte de fuites de talents vers le privé, voire vers des fonctions similaires à l’étranger. «L’impact sur la qualité de nos futurs chercheurs et enseignants risque d’être significatif, alors que par ailleurs, le contexte national et international souligne plus que jamais la nécessité d’investir dans la formation, la recherche et le développement qui constituent le cœur des missions des universités», notait à ce propos le Cref (Conseil des rectrices et recteurs des universités francophones) dans un communiqué publié le 28 avril.
Faire converger les luttes
De son côté, «Université en colère» redoute également une «ubérisation» des carrières, contraignant certains chercheurs à multiplier les activités complémentaires pour compenser les pertes. Une conséquence de la «politique anti-sociale» de l’Arizona au sens large. «Ce gouvernement a comme fil rouge la destruction du service public et de tout ce qui reste de l’Etat social en Belgique, insiste Geoffrey Geuens. Nous ne sommes malheureusement pas les seules cibles.»
Avec le rassemblement de mercredi, le mouvement espère ainsi «faire converger» les luttes de tous les opposants à la réforme des pensions. Avec comme seul objectif son retrait unilatéral. «Si le gouvernement refuse, nous durcirons nos actions, promet le porte-parole. Il faut installer un véritable rapport de force, qui semble être le seul langage de négociation du ministre Jambon.» Une grève des enseignants lors des examens, des délibérations ou de la diplomation n’est ainsi pas exclue.
Bien qu’elles ne soient pas à l’origine de la manifestation prévue mercredi, les autorités officielles de l’ULiège disent «partager» les inquiétudes du membre du personnel concernant les pensions. La rectrice Anne-Sophie Nyssen sera ainsi présente au rassemblement, sans toutefois prononcer de discours officiel.
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