Le kern de l’Arizona se réunira ce vendredi pour clore le chapitre budgétaire, dont la concrétisation des hausses de TVA qui s’annonce risquée. BELGA PHOTO EMILE WINDAL © BELGA

Cinéma, concerts et sushis à emporter: comment l’Arizona doit trancher sur les exemptions à la hausse de la TVA

Sylvain Anciaux

Bart De Wever et son équipe rapprochée doivent mettre, ce vendredi, un point final au chapitre budgétaire en définissant concrètement chaque service soumis à une hausse de la TVA. Le moment est crucial pour les secteurs concernés, et les téléphones chauffent.

Le kern convoqué par le Premier ministre Bart De Wever (N-VA) ce vendredi sera décisif: les vice-premiers devront trancher ensemble sur des définitions qui, depuis l’annonce du budget fédéral, enflamment le secteur de la restauration à emporter, du cinéma ou du sport. Pour rappel, ces catégories sont visées par un rehaussement de la TVA de 6 à 12% afin de rapporter 1,313 milliard d’euros à l’horizon 2029. Jan Jambon, ministre des Finances (N-Va) compte (déjà) par milliers les mails reçus lui demandant de revoir sa copie.

Certains émanent certainement du monde des loisirs… notion juridiquement complexe à définir. Le parc animalier Pairi Daiza revendique par exemple une valeur plus pédagogique que divertissante afin d’échapper à l’augmentation de la TVA. La complainte du parc hennuyer aurait trouvé écho au sein du MR qui, via David Clarinval, tenterait de défendre la dérogation pour ce cas précis. Le libéral pourrait trouver un argument en sa faveur du côté d’Anvers, où le zoo de la ville échapperait également à la TVA sur sa vente de tickets pour le moment. «Depuis l’annonce du gouvernement, tous les partis sont lobbyisés par les secteurs qui leur expliquent pourquoi c’est une mauvaise idée et qu’il faut prévoir des exemptions. L’état d’esprit autour de la table est de considérer que l’on ne doit pas mettre le doigt dans l’engrenage pour ne pas détricoter toutes les mesures budgétaires», prévient une source gouvernementale. Sauf que garder le doigt en dehors de l’engrenage pourrait provoquer d’ennuyeux remous.

Une négociation et 1.000 questions

La négociation ne sera pas facile, tant de multiples questions se posent. «Il faut définir avec précision: quid des repas scolaires livrés? Des maisons de repos avec livraison? Des plats préparés par les restaurateurs, les grands magasins, etc.? Tout ça doit être clair, précis et juste. On ne peut pas établir une concurrence déloyale à l’occasion de mesures difficiles, estime un libéral bien informé. Par contre, on peut prévoir des exemptions justifiées, tout cela doit être débattu.» Et c’est vrai. Dès le premier janvier, une boîte de sushis confectionnée par un restaurateur, de manière artisanale, mais vendue par une grande enseigne pourrait être imposée à 12%. De l’autre côté, une boîte de sushis industriels produits à la chaîne échapperait à ce taux. Voilà de quoi s’arracher les cheveux pour les législateurs.

Des exemptions, le cinéma en a donc demandées, via l’ancien sénateur MR, Alain Courtois, aujourd’hui directeur honorifique de la fédération des cinémas. Le libéral ne cache pas une certaine colère, et a même menacé de recourir au Conseil d’Etat s’il n’avait pas droit au même traitement que Pairi Daiza, alors que le secteur culturel plus large a échappé à une augmentation de la TVA à 12% dans la dernière nuit de négociations budgétaires. «Partout où la TVA sur les cinémas a augmenté, comme en Espagne ou aux Pays-Bas, elle a baissé six mois après, tonne le représentant du grand écran. Cela fait deux ans que l’on entend cette menace. Lors de l’attaque, j’ai rameuté les représentants des festivals, les vendeurs de tickets de foot, les artistes, et on a créé un front commun. Rien que ces secteurs représentent 23 millions de consommateurs (NDLR : comprendre 23 millions de tickets vendus par an), je ne sais pas qui peut faire mieux.»

Alain Courtois y croit dur comme fer, puisque son interlocuteur au sein du gouvernement lui assure que le texte n’est pas gravé dans le marbre. Sauf que, pour l’heure, l’ambiance générale est plutôt à un rehaussement général qu’à un nivellement par le bas de la TVA. «Il faut porter une attention particulière à l’équité et l’équilibre des mesures en traitant tous les prestataires de la même manière, pas en avantageant des opérateurs subsidiés au détriment des opérateurs privés, comme cela a été, hélas, le cas en période Covid», poursuit la source politique.

Le lobbyisme et l’Arizona : clé des échanges sur la TVA

Le lobbyisme sera la clé de cette ultime négociation, puisque parmi le front commun réuni par Alain Courtois, figure Herman Schueremans, le boss de Rock Werchter et Live Nation Belgium (qui détient Tomorrowland, Pukkelpop, Graspop, ou le Sportpaleis d’Anvers). L’ancien député flamand Open VLD est réputé pour connaître à peu près toute la Flandre. Le tandem Courtois – Schueuremans détient un carnet d’adresses probablement plus conséquent que le patron de Pairi Daiza, Eric Domb, qui n’a jamais arboré d’étiquette politique malgré son passage à la tête de la Société Régionale d’Investissement de Wallonie, devenue Wallonie Entreprendre.

Tout le monde n’aura pas cette chance. C’est par exemple le cas des vendeurs de plats à emporter, représentés par l’Union Professionnelle des Traiteurs. «On n’est pas en contact avec le monde politique, et donc on subit un peu cette mesure, regrette Arnaud Tabery, porte-parole de la fédération et directeur de la société de traiteur événementiel, Food Lovers. Pour nous, la hausse de la TVA concerne le côté visible de l’iceberg, soit les événements pour les privés. Entre 60 et 80% de l’activité est destinée au B2B (NDLR : Business to Business, du commerçant au commerçant, et donc non soumis à un taux de TVA).» Il s’agit par exemple des repas dans les homes ou dans les cantines scolaires. L’entrepreneur a donc peu d’espoir pour peser sur les décisions prises cette nuit. «Mais au bout du compte, si tous les taux montent à 12%, c’est le consommateur qui paiera.»

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