En gommant le Sénat du paysage politique belge, l’Etat épargnerait près de 45 millions d’euros. Ce n’est pourtant pas la principale raison de sa mort annoncée.
Supprimer le Sénat? L’idée est dans l’air depuis des années. Mais elle se précise désormais sur le plan politique, même si l’affaire est loin d’être conclue. Les partis de la majorité se sont mis d’accord sur le principe. Il leur faudra toutefois arracher une majorité des deux tiers, donc des voix sur les bancs de l’opposition, pour que le texte passe. Celui-ci devra aussi être approuvé par la Chambre et par le Sénat. Ce qui revient à dire que les sénateurs, au moment du vote, signeront leur hara-kiri.
Accusé d’être désormais une coquille vide, alors que ce sont les gouvernements successifs qui l’ont peu à peu privé de missions, le Sénat pourrait donc disparaître du champ politique belge qu’il occupait depuis 1831. A l’heure où le gouvernement fédéral tente de boucler un budget pour 2026, certaines voix se font entendre, pour qui toute mesure d’économie est bonne à prendre. Or le Sénat coûte quelque 45 millions par an au budget de l’Etat. Une paille par rapport aux dix milliards que l’exécutif de Bart De Wever recherche depuis des semaines. L’argument financier n’est donc pas celui qui pèsera le plus au moment de décider, ou non, de se passer à l’avenir de la deuxième chambre parlementaire du pays.
Un petit tour dans le texte consacré à la dotation du Sénat, voté en novembre 2024, permet d’en apprendre beaucoup sur les dépenses de cette assemblée aux sièges de velours rouge. L’exercice clôturé le 30 juin 2024 fait ainsi état de dépenses à hauteur de 45,7 millions d’euros, en déficit de 2,5 millions. En 2025, une dotation de 44,6 millions d’euros était prévue.
Dix ans plus tôt, en 2014, cette dotation avait grimpé à 64,4 millions d’euros. Durant l’année du Covid, en 2020, elle avait plongé à 39 millions d’euros avant de remonter peu à peu jusqu’à quelque 44,5 millions d’euros actuellement. En cause, les indexations salariales du personnel et l’explosion des coûts de l’énergie. Le Sénat a traversé ce que tous les Belges ont connu à cette époque… En dix ans toujours, cette institution se sera aussi serré la ceinture: alors qu’en 2014, elle comptait 289 équivalents temps pleins, il n’en reste que 160 aujourd’hui. Le Sénat a également décidé de mettre un terme au versement de subsides à la caisse de retraite des sénateurs à partir de 2025.
Sans surprise, c’est le poste consacré aux dépenses de personnel qui engloutit la plus grande part de sa dotation, à hauteur de 88%. «Le budget est particulièrement sensible aux indexations des salaires, précise le document sénatorial. Chaque indexation de salaires entraîne ainsi un surcoût d’environ 700.000 euros.»
En 2023, donc, les dépenses consenties pour les salaires du personnel attaché au Sénat, du personnel politique et des sénateurs se sont élevées à 35,8 millions d’euros. En 2025, cette enveloppe devait passer à 39,3 millions. Le personnel statuaire et contractuel du Sénat s’adjuge 49% de ce montant, les collaborateurs politiques 30% et les sénateurs, 5%. Seuls les dix sénateurs cooptés sont en effet rétribués par l’institution.
Le personnel non politique du Sénat, statuaire ou contractuel, coûte 21,6 millions d’euros, 3% de moins qu’en 2024. Vient ensuite le personnel politique (secrétaires des groupes politiques, collaborateurs des sénateurs cooptés et des groupes, collaborateurs des présidents de commission et collaborateurs de la présidence): 13,4 millions d’euros leur sont consacrés. Les indemnités de préavis pour le personnel politique devant quitter l’assemblée à la suite des dernières élections législatives y sont intégrées.
Les indemnités sénatoriales sont, elles, fixées à 1,1 million pour 2025. Seuls les dix sénateurs cooptés perçoivent une indemnité à charge du Sénat, équivalant à 50% de l’indemnité parlementaire. Les autres élus sont uniquement et entièrement payés par l’assemblée qui les délègue au Sénat. Ces élus bénéficient toutefois d’une intervention dans leurs frais informatiques, à hauteur de 4.000 euros par législature pour les sénateurs cooptés et de 2.500 euros pour leurs collègues. Ils ont aussi droit à un remboursement partiel de leurs frais de déplacement entre leur domicile et le Palais de la Nation. Cette intervention représente 0,44 euro par kilomètre, à raison de 60 déplacements par an pour les sénateurs cooptés et de 40 déplacements par an pour les sénateurs des entités fédérées.
Après les dernières élections, une série de sénateurs ont quitté l’enceinte. Des indemnités de départ leur ont été versées à hauteur de 1,1 million d’euros.
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Gaz, combles et cours d’anglais
Selon la note du Sénat consacrée à sa dotation, ses frais de fonctionnement représentent 7% de ses dépenses: fournitures de bureau, entretien, nettoyage, achat de matériel informatique, assurances, téléphonie, etc, lui coûtent 3,1 millions en 2025.
Quelque 21.000 euros sont inscrits pour payer des fournitures de bureau, 310.000 pour un abonnement aux services journalistiques de l’agence de presse Belga, 414.000 pour les frais liés au matériel informatique, 238.000 euros pour les factures de gaz, d’eau et d’électricité (verte), dont les prix peuvent évoluer de manière imprévisible même si l’installation de panneaux photovoltaïques limite le risque, 16.600 euros pour des fleurs et cadeaux protocolaires ou encore 51.000 euros pour les frais d’expédition et de télécommunications.
Un budget de 146.000 euros est aussi consacré aux frais de mission des sénateurs qui participent à différentes assemblées et conférences interparlementaires comme Europol ou le Partenariat parlementaire Asie-Europe. Une autre enveloppe de 490.000 euros est destinée au service social du Sénat. Cet argent permet de verser des primes de naissance ou de mariage au personnel, ainsi que des allocations familiales complémentaires. Une somme de 134.000 euros est encore prévue pour isoler les combles du Palais de la Nation, propriété de l’Etat belge.
Quelque 1,3 million d’euros est inscrit au budget 2025 pour financer divers avantages proposés au petit peuple du Sénat. En matière d’assurances, par exemple, mais aussi pour des cours de langue –les leçons de français et de néerlandais sont assurées par des gens de la maison mais on prévoit d’engager des professeurs externes pour les cours d’anglais et d’allemand– pour le médecin du travail, le moniteur de sport (sic) et la sécurité militaire. Un mécanisme de compensation des émissions de CO2 résultant des missions nécessitant des voyages en avion a également été mis en place. Enfin, 711.000 euros sont prévus pour rétribuer des tiers, dont des nettoyeurs, des traducteurs, des architectes, des avocats et des …. carillonneurs.