Georges-Louis Bouchez (MR) et le président des Engagés Yvan Verougstraete. MR et Engagés, la rupture sur les malades longue durée qui bloque le budget. © Belga Images

Entre MR et Engagés, le blocage sur les malades de longue durée: «La course aux faux malades est dangereuse»

Le conclave budgétaire de l’Arizona tourne au ralenti. De gros chantiers bloquent les négociations des partenaires de la majorité, comme celui des malades longue durée. Le MR et Les Engagés buttent à trouver une position commune.

«Sur la fiscalité nous sommes proches, sur la santé c’est la discorde», pose d’emblée Jean-François Gatelier, député fédéral Les Engagés, médecin de formation et habitué des commissions santé. Les négociations pour l’élaboration d’un budget fédéral censé donner un cap aux dix milliards d’économies souhaitées par le gouvernement sont au point mort. La question des malades de longue durée continue de cliver les deux partenaires francophones de l’Arizona, qui n’arrivent pour le moment pas à convenir d’un accord et bloquent le conclave budgétaire. «Les négociations sont tenues au secret, mais ça fait des mois que j’informe mon parti (Les Engagés) sur l’importance de ne pas pénaliser deux fois les malades. Le MR veut diminuer les investissements en soins de santé. Nous pensons l’inverse, même si nous sommes les seuls autour de la table à tenir cette position. Peut-être faudra-t-il concéder certaines choses. Mais pas sans obtenir au moins une victoire», promet Jean-François Gatelier.

L’objectif annoncé dans l’accord de gouvernement est de «réactiver les travailleurs malades ou en invalidité». Selon les chiffres de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (Inami), 526.507 personnes salariées, indépendantes et chômeuses sont reconnues en incapacité de travail depuis au moins un an. Ne sont pas compris dans ce total les Belges porteurs de handicaps, les fonctionnaires et les cas relevant des régimes accidents du travail/maladies professionnelles. Toujours selon les données de l’Inami, le coût des malades de longue durée est estimé à douze milliards d’euros par an. L’ambition de l’Arizona est d’économiser plus d’un milliard d’euros, là où le MR demande à ce qu’on vise les cinq milliards.

«Il y a un problème de calcul. Dire que l’on va couper en deux le budget pour les malades longue durée me semble totalement impossible et même inhumain», nuance le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit).

Les termes du divorce

Dans leurs ambitions de coupures budgétaires dans la santé, les libéraux francophones, soutenus par la N-VA, Vooruit et le CD&V, proposent de retirer aux mutualités le contrôle des malades pour le confier à l’Inami . Le vice-Premier ministre David Clarinval, en charge de l’Emploi (MR), estime qu’un nombre important de dépenses sont liées à des syndicats «juge et parti». Favorisant les faux malades. Un contrôle révèle qu’un quart des personnes ne sont pas réellement invalides».

Les Engagés s’y opposent et défendent une logique de «retour au travail» qui renforce la médecine du travail sans déposséder les mutualités. Concrètement, cela passe par une intervention plus précoce du médecin du travail où le certificat d’incapacité sera transmis automatiquement à la médecine du travail dès le début de 2026, des contacts et réévaluations plus réguliers et une coordination outillée entre médecin traitant, médecin-conseil et médecin du travail. Les employeurs seraient davantage mis à contribution, avec l’obligation de proposer un plan d’adaptation dans les six mois d’absence.

Les Engagés proposent aussi la mise en place de plans de prévention contre les troubles musculosquelettiques et le burn-out, qui sont les deux principales causes des maladies longue durée.

Autre mesure à l’initiative du MR, cette fois partagée par Les Engagés, est de limiter le premier certificat médical à quinze jours d’arrêt. Pour une prolongation, le patient sera invité à consulter un spécialiste en fonction de sa pathologie. Les libéraux souhaitent davantage que leurs partenaires renforcer les contrôles et les sanctions en cas de fraude avérée.

«La course aux faux malades est dangereuse et il faut s’intéresser aux causes du problème qui engendre de tels chiffres d’invalidité. Sans ça, cela reviendrait juste à augmenter la précarité et à faire endosser une charge immense aux CPAS.»

Faire payer les employeurs?

Quand un salarié est en arrêt maladie, son employeur doit le rémunérer à 100% pendant le premier mois. Passé ce délai, le malade est dirigé vers sa mutuelle qui lui verse des indemnités d’incapacité de travail. L’accord de gouvernement prévoit une évolution et propose que l’employeur honore 30% du montant de l’indemnité le deuxième et troisième mois suivant l’arrêt de travail. Le financement des mutualités, lui, se ferait en fonction de leur taux de remise à l’emploi des malades longue durée, a indiqué le cabinet du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit), en restant flou sur le mécanisme exact en discussion.

Sur ce point de l’indemnisation des malades longue durée, les deux partenaires francophones divergent encore. Les Engagés se disent plus favorables à s’inspirer du système hollandais, visant à responsabiliser financièrement les employeurs. Il y a 20 ans, les Pays-Bas ont été confrontés à un taux important d’incapacité de travail avec près d’un million de bénéficiaires d’une allocation maladie ou d’invalidité. Pour diminuer leur ratio, le gouvernement néerlandais a instauré une loi responsabilisant les employeurs. Ceux-ci ont dû verser les salaires de leurs employés malades jusqu’à deux ans à partir de l’arrêt. Selon les chiffres de l’économiste de l’université libre d’Amsterdam, Pierre Koning, cette mesure a fait baisser le nombre de demandes d’invalidité de 35% «du jour au lendemain».

«Ce qui est sûr, c’est qu’en tant que bourgmestre, entre autre, je suis contre le fait de pénaliser deux fois les travailleurs. La course aux faux malades est dangereuse et il faut s’intéresser aux causes du problème qui engendre de tels chiffres d’invalidité. Sans ça, cela reviendrait juste à augmenter la précarité et à faire endosser une charge immense aux CPAS», complète Jean-François Gatelier, le député des Engagés.

A noter qu’une telle mesure pose tout de même la question du risque de pressions croissantes de l’employeur sur ses équipes ou de discrimination à l’emploi de profils à la santé fragile. Selon une étude récente des Mutualités Libres, les cas de burn-out ont doublé en six ans avec une surreprésentation des femmes et des jeunes. «De plus en plus d’analyses établissent un lien entre stress, conditions de travail, manque d’intérêt pour le travail d’une part, et incapacité de travail d’autre part.» explique l’Inami.

Du côté du MR, l’exemple hollandais n’est pas vu comme une mesure idéale pour d’autres raisons: «C’est une solution inspirante mais risquée. Ce n’est pas une bonne idée de rajouter de la pression sur les épaules des acteurs qui dynamisent l’entreprise et l’économie du pays», juge une parlementaire libéral.

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