Les réformes décidées par le gouvernement fédéral cet été font planer de lourdes inquiétudes sur les communes. Le dossier des pensions en est l’exemple criant: la facture explose, au point de dépasser bientôt les frais du personnel.
Le sujet du financement des pensions constitue une hantise, pour bien des mandataires communaux. Le gouvernement fédéral a décidé d’apporter son coup de pouce. «Merci pour l’argent, c’est mieux que rien», entend-on. Mais déjà, les pouvoirs locaux s’estimant lésés annoncent qu’ils ne lâcheront pas l’affaire. Le dossier est épineux.
Les pouvoirs locaux sont soumis à une exception, à savoir qu’ils sont tenus de financer eux-mêmes et dans un système fermé les pensions de leurs agents statutaires à la retraite.
Dans les villes et communes, la facture n’a cessé d’augmenter ces dernières années, à tel point que, selon les projections de Belfius, les montants globaux pour les charges de pension dépasseront les frais de salaires des agents statutaires encore actifs, dès 2026. Et ce, dans les trois Régions du pays.
Le financement de pensions, historiquement, s’autofinançait à partir d’une cotisation de base prélevée auprès des agents statutaires actifs. Une cotisation de responsabilisation s’y est ajoutée pour combler le solde entre la cotisation de base et la charge réelle de pensions.
A cela s’est greffé un système de bonus-malus en 2018. En résumé, il s’agit d’octroyer des réductions aux pouvoirs locaux ayant mis en place un plan de pension complémentaire (deuxième pilier). «Le système de bonus-malus a en quelque sorte été victime de son propre succès», explique-t-on au cabinet du ministre des Pensions, Jan Jambon (N-VA). Le montant des réductions a à ce point gonflé que le système est devenu déficitaire.
Jan Jambon ne compte pas remettre en cause le principe de base, mais entend remettre le fonds de pension des pouvoirs locaux à flot. «La technique de la réduction est maintenue, mais celle-ci s’élèvera à 30% (au lieu de 50% auparavant) et un déficit éventuel du fonds sera financé par une dotation fédérale.» Une enveloppe de 50 millions d’euros est prévue en 2025 et le projet de loi sera déposé au Parlement à la rentrée, au plus tard à l’automne.
Il y a cependant un hic, qui suscite bien des frustrations dans les villes moyennes. En effet, le projet de loi prévoit d’accorder ce coup de pouce fédéral aux entités comptant au moins 100.000 habitants. Pour le ministre Jambon, cela se justifie par le fait que les grandes villes concentrent le plus de besoins en la matière.
Le Conseil d’Etat a d’ores et déjà recalé l’argument, forcément jugé comme arbitraire par les villes qui se trouvent en dessous du seuil. Molenbeek et Mons seraient les premières lésées. Les autorités de Genk, dans le Limbourg, ont menacé d’introduire un recours devant la Cour constitutionnelle.
D’autres institutions concernées par ces charges de pension seront lésées, parce que leur siège social se trouve dans une commune de moins de 100.000 habitants. C’est le cas, par exemple, du réseau hospitalier bruxellois Iris, dont les sites sont pourtant implantés dans plusieurs entités de la Région.
Du côté de Mons, chef-lieu de province comptant 97.000 habitants, le bourgmestre Nicolas Martin (PS) n’accueille pas la nouvelle avec enthousiasme et se prépare lui aussi à un éventuel recours. «La difficulté, c’est que nous n’avons pas encore de texte de loi adopté. J’ai déjà mis notre service juridique en veille, la grande question étant de savoir comment sera motivée la décision de fixer la barre à 100.000 habitants.» Le dossier n’est assurément pas clos.