Les réformes fédérales de l’Arizona inquiètent les pouvoirs locaux. Les communes redoutent surtout l’impact du rehaussement de la quotité exemptée d’impôt: un gain de pouvoir d’achat pour les travailleurs, certes, mais une perte pour leurs finances, dépendantes de l’IPP.
Récompenser le travail, diminuer la pression fiscale sur les salaires et, au passage, instaurer une différence de revenus plus sensible entre le travail et l’inactivité: c’étaient quelques-uns des engagements les plus audibles de l’accord du gouvernement fédéral. L’accord de l’été, présenté le 21 juillet dernier, a permis à l’exécutif de s’entendre sur la principale mesure en la matière, à savoir le rehaussement de la quotité exemptée d’impôt, qui doit octroyer davantage de pouvoir d’achat aux travailleurs. Il s’agit de la tranche la plus basse des revenus, qui échappe à l’imposition. Cette part immunisée de revenus est plafonnée à 10.910 euros en 2025, puis sera très progressivement augmentée dès 2026 et les années suivantes, pour adopter son vrai rythme de croisière en 2029, lorsqu’elle sera portée à 15.300 euros. Une majoration est aussi prévue pour le premier enfant à charge. Au total, en fin de législature, le pouvoir d’achat des travailleurs s’en trouvera augmenté d’une petite centaine d’euros mensuels.
Voilà qui est réjouissant, sans doute, mais qui fait aussi apparaître une série de craintes auprès des pouvoirs communaux. Toucher à l’impôt des personnes physiques (IPP) finit nécessairement par avoir des conséquences sur les finances locales, puisque les communes prélèvent une taxe additionnelle.
Elle est loin d’être anecdotique. En 2025, selon les données budgétaires collectées par Belfius, les recettes de la taxe additionnelle à l’IPP s’élèvent à 1,4 milliard d’euros pour l’ensemble des communes wallonnes, soit environ 19% du total des recettes ordinaires. En 2024, cette proportion était d’un peu moins de 10% pour les communes bruxelloises. Mécaniquement, la diminution de l’assiette fiscale conduira donc à un amoindrissement des recettes. «Dans un premier temps, il est possible que les effets soient en partie compensés par une série d’exonérations fiscales qui ont également été décidées. Mais la réforme produira ses pleins effets à partir de 2030. On peut tabler sur une trentaine de millions d’euros en moins pour les communes bruxelloises», évalue William Verstappen, conseiller en finances locales chez Brulocalis, l’association des communes bruxelloises.
«Il y a forcément une part d’incertitude. Les différentes prévisions situent les pertes autour de 85 à 90 millions pour les communes wallonnes.»
Julien Flagothier, expert à l’Union des villes et communes de Wallonie
Selon les estimations d’Arnaud Dessoy, responsable des études sur les finances locales réalisées par Belfius, les communes devraient voir leurs recettes de la taxe additionnelle à l’IPP diminuer de 5% à 6% en régime de croisière (à partir de 2030).
«Il y a forcément une part d’incertitude. Les différentes prévisions situent les pertes autour de 85 à 90 millions pour les communes wallonnes», confirme Julien Flagothier, expert à l’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW). Le gouvernement considère que la réforme produira son lot d’effets retour positifs, y compris pour les communes, «mais c’est le discours théorique. Et les effets retour ne seront pas uniformes, selon qu’on se trouve près d’un bassin d’emploi ou non, si la commune est rurale et isolée, etc. On a connu deux autres tax shifts, sous Di Rupo et sous Michel, qui ont eu des effets considérables. Le second a provoqué un peu plus de 100 millions de pertes annuelles pour les communes wallonnes, qui ne seront jamais recouvrées.»
Que se passera-t-il alors, dans les villes et communes? L’équation classique, probablement, à savoir les traditionnelles diminutions de dépenses et augmentations de recettes. On voit déjà venir des augmentations de taux d’additionnels à l’IPP, que nombre d’échevins des finances devront assumer en bout de course. Voilà le principe du report de charge: endosser la responsabilité finale d’une mesure prise ailleurs et quelques années auparavant.