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En Wallonie, seules 41 communes sur 261 proposent l’accès à FixMyStreet aux citoyens: toutes n’ont pas les effectifs pour traiter rapidement les signalements. © Be Wapp

Dépôts sauvages, nids de poule, incivilités… Pourquoi l’appli FixMyStreet gagne du terrain

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Plus de 150.000 signalements en un an dans la capitale, près de 22.000 en Wallonie: des milliers de citoyens signalent des problèmes en tout genre avec FixMyStreet. Une aide précieuse pour lutter, entre autres, contre les incivilités.

Un lampadaire cassé, une poubelle qui déborde, un dépôt clandestin de déchets, des graffitis… De telles nuisances contrarient tant les citoyens que les services publics qui ont la coûteuse charge d’y remédier, sans pouvoir être partout au bon moment. C’est pourquoi les initiatives baptisées FixMyStreet ont vu le jour ces dernières années, notamment en Région bruxelloise (depuis 2013), puis en Wallonie (depuis 2020). Développées en Belgique grâce au code open source du projet FixMyStreet du Canada, elles s’inscrivent dans la droite lignée du crowdsourcing, un terme qui désigne la contribution de la participation citoyenne à la résolution d’un problème.

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Photo et géolocalisation

Via un smartphone ou un ordinateur, les utilisateurs sont invités à envoyer la photo de leur signalement sur l’espace public, en activant au passage la géolocalisation. Celui-ci parvient directement au département du service compétent (Région, commune, intercommunale…), qui doit alors prendre les mesures nécessaires pour y remédier. Le citoyen, lui, est informé du statut de l’incident rapporté (en attente, en cours de traitement, traité…). D’année en année, le nombre de signalements n’a cessé de croître en Région bruxelloise, où FixMyStreet est opérationnel dans les 19 communes. Même constat en Wallonie, où la marge de progression est bien plus importante: si 80 pouvoirs locaux utilisent ce service, seules 41 communes (sur 261) l’ouvrent aux citoyens, renseigne l’asbl en charge de l’application au sud du pays, Be Wapp. Elle totalisait près de 22.000 signalements en 2024 et en Région bruxelloise, plus de 150.000. La majorité (82% en Wallonie, 53% dans la capitale) concerne un problème de propreté publique.

«Cet outil permet aussi d’éviter le petit jeu de services publics qui seraient tentés de rediriger les demandes vers d’autres.»

Sur les six premiers mois de l’année 2025, la Ville de Bruxelles a déjà traité près de 14.000 plaintes. «Grâce à cet outil, les citoyens ne doivent pas chercher quel est le service compétent pour signaler un problème, commente Andreas De Kerpel, porte-parole de l’échevin bruxellois de la Propreté publique, Anas Ben Abdelmoumen (PS). Cela évite aussi le petit jeu de services publics qui seraient tentés de rediriger les demandes vers d’autres.» Au départ, l’initiative bruxelloise portait essentiellement sur les problèmes de voiries, raison pour laquelle elle fut portée par Bruxelles Mobilité. «Les autres administrations, comme Bruxelles-Propreté et toutes les communes, sont montées dans le train au fur et à mesure, et les catégories de notification ont été fortement élargies», retrace Camille Thiry, sa responsable communication.

Une intervention dans les 72 heures

Pour sa part, le service de la propreté publique de la Ville de Bruxelles s’engage à intervenir dans un délai de 24 à 72 heures maximum. «On sait que la saleté attire la saleté, poursuit le porte-parole de l’échevin de la Propreté publique. Il y a aussi le risque que des déchets alimentaires attirent les rats. Mais le temps d’intervention dépend aussi de la nature du problème.» Outre la résolution de l’incivilité, la cellule de verbalisation se met alors en quête d’indices pour retrouver les auteurs des méfaits. En 2024, la Ville a émis des amendes pour près d’un tiers des cas de dépôts clandestins. La Ville pratique aussi la médiation pour des problématiques moins graves. «Tout le monde doit apporter sa pierre à l’édifice», résume Andreas De Kerpel.

En Wallonie, la commune de Sambreville a ouvert FixMyStreet aux citoyens en 2024. «En un an, nous avons reçu un peu plus de 900 signalements, dont environ 600 portent sur les dépôts clandestins, souligne Pierre Falisse, son échevin de la Propreté publique (liste Ensemble, apparenté Les Engagés). Contrairement à d’autres communes plus petites, nous avons la chance d’avoir des effectifs suffisants et polyvalents pour traiter les signalements. En général, le délai d’intervention est de 48h pour un problème de propreté publique. Pour des trous dans une voirie, et donc de sécurité, le bourgmestre reste l’interlocuteur de référence. Logiquement, les délais peuvent être plus longs pour certaines problématiques: l’entretien d’un sentier communal où la nature a repris ses droits, par exemple.» Marche-en-Famenne, de son côté, fut l’une des deux premières communes wallonnes à sauter le pas. «Nous consacrions déjà des moyens importants en matière de propreté, nous sommes souvent reconnus comme tels, souligne le bourgmestre Nicolas Grégoire (Les Engagés). Assurer un suivi des signalements, c’est une question de crédibilité. Nos services s’emploient à résoudre chaque problème dans la semaine.»

Un suivi parfois compliqué

Au sud de la Province de Namur, la vaste commune de Couvin a précisément dû mettre en pause la communication autour de l’application ces derniers mois. «Dans certaines zones boisées, nous étions confrontés à des problèmes de réseau, témoigne l’échevin de la Propreté publique, Alexandre Fortemps (liste Unis). Et depuis décembre, nous n’avions plus d’agent constatateur. Nous avons toutefois engagé deux nouvelles personnes qui arrivent en septembre. J’espère que nous pourrons ainsi refaire un topo dans un an.» Entre les déjections canines dans les centres-villes et les dépôts sauvages dans les villages, Couvin mise en effet beaucoup sur FixMyStreet pour remédier aux incivilités.

Pour les pouvoirs publics, l’intérêt de FixMyStreet ne réside pas que dans le rapportage d’incivilités ou de dégâts divers. L’application permet aussi d’identifier les points noirs du territoire et autant de solutions plus structurelles. Face aux bulles à vêtements qui débordent, il peut s’agir de déplacer le point de collecte à un endroit plus propice au contrôle social, ou d’en installer un de plus quand c’est justifié. Il existe aussi des panneaux rappelant le montant des amendes relatives aux dépôts sauvages ou à diverses incivilités. Mais toutes les communes ne peuvent se permettre d’adopter FixMyStreet. Ouvrir les signalements aux citoyens serait contre-productif si les services techniques ne sont pas en mesure de suivre la cadence. Face à l’ampleur du problème des dépôts clandestins, certains collèges communaux optent pour une politique axée sur la répression ou la vidéosurveillance.

Une initiative sociodémographiquement imparfaite

Sur le plan collectif, FixMyStreet présente trois avantages, mais aussi un défaut notable. Au rayon des avantages, l’application facilite l’introduction et le suivi d’un problème, accélère leur résolution avant une éventuelle aggravation et insuffle une dimension pédagogique à la lutte contre les incivilités. A cet égard, les utilisateurs ayant encodé un premier signalement semblent plus enclins à refaire l’expérience par la suite. En revanche, une étude publiée en 2017 portant sur FixMyStreet Brussels, à laquelle la KU Leuven a contribué, avait mis en lumière une accessibilité inégale à ce type d’outil. «Les plateformes de participation citoyenne tendent à marginaliser les communautés à faibles revenus et à forte diversité ethnique, notaient les chercheurs. A cet égard, nos résultats fournissent des éléments probants opportuns pour éclairer la conception de plateformes de participation citoyenne plus inclusives à l’avenir.» De même, les personnes plus éloignées des canaux numériques doivent, elles, continuer à contacter les services de manière plus classique.

De son côté, le gouvernement wallon prépare, à l’initiative du ministre de l’Environnement Yves Coppieters (Les Engagés), une réforme visant à renforcer la lutte contre les infractions environnementales. Au menu, notamment: rétablir la qualité d’agent constatateur des agents du Département de la nature et des forêts (DNF), permettre aux intercommunales de faire de même et ouvrir la fonction à des contrats à temps partiel.

En Wallonie, bon nombre de communes mettent à disposition un numéro vert pour signaler un problème. Dans la capitale, Bruxelles-Propreté peut centraliser les demandes en matière de dépôts de déchets au 0800/981 81.

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