Inculpé pour blanchiment, Didier Reynders est l’épicentre d’un scandale. Privé ou… politique? C’est la ligne de défense sur laquelle orbitent les proches de l’ancien vice-Premier ministre.
Didier Reynders dans la tourmente. C’est encore un peu plus vrai depuis ce mardi soir et la révélation, par Le Vif, de son inculpation pour «blanchiment» d’argent. Didier Reynders, ancien ministre fédéral des Finances, vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, ministre de la Défense et commissaire européen à la Justice, est suspecté d’avoir blanchi 200.000 euros d’argent via des e-tickets de la Loterie Nationale, le tout après avoir déposé près de 700.000 euros en cash sur un compte ouvert à la banque ING. Il est important de le rappeler, Didier Reynders est présumé innocent, mais ni son innocence présumée ni ses arguments n’ont suffi à convaincre le magistrat Olivier Leroux de ne pas l’inculper.
Didier Reynders a beau ne plus être membre du MR, il n’en est pas moins un ancien homme d’Etat portant une carrière longue de 25 ans, et les faits questionnés remontent à sa période d’hyperactivité politique. Pourtant, politiquement, les réactions sont rares. Ni en interne, puisque Georges-Louis Bouchez ne s’estime pas concerné en tant que président du MR. Ni en externe, puisqu’aucune communication officielle du parti n’a récemment été publiée ces dernières heures.
Un secret (d’instruction) bien gardé
Membres du parti, collègues de gouvernement, membres d’un de ses cabinets… Ses amis politiques, ses détracteurs, ses interlocuteurs déchus se taisent tous, ou bougonnent sobrement quelques formules toutes faites. Dans les rangs du MR, aucune consigne de communication n’a été donnée à ce sujet non plus, et certains constatent que l’ancien homme fort du parti ne représente plus grand chose qu’un souvenir.
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«C’est une stratégie difficile à comprendre, bien qu’on puisse l’imaginer concertée entre Reynders et le MR, pose le politologue du Crisp, Jean Faniel. Le premier veut se faire oublier et n’a pas communiqué (ou presque) depuis un an, et le MR agite l’argument de l’affaire privée.» Pour l’instant, en réalité, on ne sait pas si l’affaire relève exclusivement du privé ou non. Didier Reynders pourrait avoir joui de sa fonction de ministre ou de président de parti. «La protection du secret d’instruction a, jusqu’ici, été plutôt bien gardée dans ce dossier et cela explique probablement en partie ce mutisme. Or, c’est justement ce mutisme qui étonne, souligne Jean Faniel. Mais qui se révèle insatisfaisant pour l’opinion publique.»
Au MR, tout miser sur l’innocence de Didier Reynders
Or, si au terme de l’enquête, il est révélé que le parti a su des choses, et les a donc cachées, le MR se retrouvera coincé par ce même mutisme, explique en substance Jean Faniel. «Il faudra que le parti montre qu’il a mis en place des mécanismes excluant des potentiels complices. Or, si le parti n’a pas communiqué jusqu’ici, comment pourrait-il prouver qu’il a fait le nécessaire? Pourtant, tous les proches de Didier Reynders n’ont pas disparu…» Et d’évoquer certains ténors comme Pierre-Yves Jeholet ou Jean-Luc Crucke, qui a depuis changé de parti.
Paraîtrait-il encore que ces briscards seraient les derniers contacts politiques de Reynders, qui vit désormais reculé dans la campagne wallonne. Le parti, qui avait fait de la culpabilité de ses adversaires politiques dans plusieurs affaires un argument de campagne, pourrait se voir sérieusement sanctionné dans les urnes et dans l’opinion publique. Dans l’enquête du Vif, publiée en septembre dernier, une douzaine de scandales étaient attribués au MR (dont celle de Didier Reynders), quinze pour le PS, au cours des 50 dernières années.
Ceci dit, si l’ancien ministre des Finances venait à être blanchi, le silence actuel demeurerait une stratégie payante pour le MR qui ne serait pas lié au bruit entourant son ancien homme fort. «Mais ce qui est frappant, dans cette histoire, c’est qu’il n’y a pas de contestation des choses de la part de Didier Reynders, conclut Jean Faniel. Il a le droit de garder le silence, mais c’est d’ailleurs ce qui fait que cette affaire est surprenante.» Pendant ce temps là, c’est la crédibilité d’une carrière, d’un ténor politique et peut-être d’un parti, qui s’effiloche.