L’Arizona a refusé d’augmenter la TVA à 22% sur un très large éventail de produits. Alors, le gouvernement a doublé la TVA sur une sélection réduite. Un pari à la fois optimiste et risqué.
En augmentant, par l’intermédiaire de son budget pluriannuel, la TVA de 6% à 12% sur les plats à emporter, les nuitées au camping et à l’hôtel et les abonnements sportifs, le gouvernement Arizona a préféré composer son budget tel un patchwork de mesures et reporter la révolution fiscale tant attendue.
Le flou persiste sur les contours des mesures du gouvernement qui avait promis de ne pas augmenter les taxes, mais qui a tout de même fini par le faire dans des secteurs bien précis. La culture, d’abord, puisque la TVA passera de 6% à 12% sur «le divertissement», indique le tableau budgétaire. La seule confirmation actuelle porte sur les tickets de cinéma, de concerts et de festivals. La TVA sur les pesticides doublera elle aussi, de 12% à 21%, lit-on dans la section «écofiscalité» du tableau susmentionné. Le secteur des sports est également concerné, passant de 6% à 12%, mais les services gouvernementaux ignorent toujours si l’augmentation s’appliquera aux inscriptions à des activités sportives ou à la participation à des événements sportifs.
Un budget boosté par la TVA
Voilà qui devrait rapporter 633 millions par an jusqu’en 2029. Mais «faire un budget pour dans quatre ans n’a guère de sens», ironise Maxime Fontaine, expert en finances publiques au département d’économie appliquée de l’ULB. Parce que le tableau budgétaire adopté dans la nuit de dimanche à lundi fait preuve d’une optimiste rigidité. La hausse de la TVA sur les nuits d’hôtel ou au camping rapporterait 158 millions d’euros par an, celle sur le sport et le divertissement gonflerait les finances de 253 millions, tandis que celle sur les plats à emporter permettrait d’engranger 222 millions supplémentaires. Punt aan de lijn. «C’est étonnant que le montant reste le même chaque année. L’Arizona peut vouloir être optimiste, mais il est bizarre qu’elle ne prévoit pas d’inflation.» La fédération Horeca bruxelloise craint, par exemple, que la hausse de la TVA sur les nuitées «mette les hôteliers dans une position complexe alors qu’ils font déjà face à une forte concurrence contre les autres marchés européens».

En guise de compensation, l’Arizona a baissé la TVA sur les boissons non alcoolisées de 21% à 12%, une mesure qui doit donner un peu d’air à l’Horeca tout en incitant le consommateur à choisir une bière N.A. plutôt qu’une autre. «Les boissons non alcoolisées représentent 30% à 40% des celles consommées, qui représentent elles-mêmes un tiers de notre chiffre d’affaires», précise le président de la fédération bruxelloise, Mathieu Léonard, qui ne peut pas assurer une baisse des prix sur les produits concernés.
«Augmenter la TVA peut être injuste, mais ça rapporte de l’argent»
«Toutes ces mesures ne compensent certainement pas une hausse généralisée de la TVA de 1%, comme envisagée tout un temps, assure Maxime Fontaine. Elles ont un effet incitatif beaucoup plus fort. Prenons par exemple une personne qui commande un repas à emporter ou à livrer une fois par semaine. Si la mesure fait trop mal, elle pourrait s’en priver une fois par mois, soit une réduction de 25% de sa consommation.» L’expert pointe l’augmentation des accises sur l’alcool instaurée par la Suédoise (le gouvernement Michel) et qui avait poussé les Belges à diminuer leur consommation… ou à se fournir dans les pays limitrophes. La mesure avait alors provoqué un trou de 22 millions d’euros dans les caisses de l’Etat. «Quand on met bout à bout toutes ces mesures, c’est plus un tas de lignes farfelues qu’une grande réforme fiscale. Augmenter la TVA de 21% à 22% peut être injuste (NDLR: la TVA est considérée comme la taxe la plus injuste car elle s’applique avec la même force peu importe les revenus de ceux à qui elle s’applique), mais au moins elle rapporte de l’argent.»
«Après la réforme du chômage et des pensions, il ne restait plus grand-chose sur quoi travailler.»
Voilà comment le gouvernement belge le plus à droite du XXIe siècle boucle un budget qui l’engage jusqu’à la fin de sa législature: en contrôlant le marché par l’impôt. Ce travail sur la consommation et l’écofiscalité (qui comprend également une taxe de dix euros qui passera à douze euros en 2029 sur les courts trajets en avion) doit rapporter 1,3 milliard d’euros à l’Etat. C’est moins que la remise au travail des malades longue durée (1,9 milliard d’euros) et le contrôle des dépenses publiques (1,2 milliard), certes, mais il faut y ajouter les 2,1 milliards de contribution attendues de la part des épaules les plus larges. «C’est un budget sur lequel on sent que personne n’a eu envie de travailler, commente Maxime Fontaine. Les forces en présence ne le permettaient peut-être pas non plus. Il faut également dire qu’il était quasiment impossible de faire cet exercice sans augmenter les impôts. Et je comprends que l’Arizona soit allée le chercher de la sorte, après la réforme du chômage et des pensions, il ne restait plus grand-chose sur quoi travailler.»
Les accises augmentent, et pourquoi pas la TVA?
A travers son accord, l’Arizona n’a pas augmenté que la TVA, puisque «le gouvernement qui n’augmenterait pas les impôts» rehausse également les accises sur plusieurs produits. D’abord sur le gaz (et ce, afin de préparer une directive européenne qui viendra en 2030), mais aussi sur le diesel, l’essence et le mazout domestique (de 17 à 23 euros par 1.000 litres, puis d’un euro par an jusqu’en 2029).
A terme, ces mesures devraient rapporter 443 millions d’euros par an. Une estimation beaucoup plus fiable que si l’exécutif avait augmenté la TVA sur ces mêmes produits. «Les accises sont pratiques lorsqu’on veut récupérer une somme définie», pointe Maxime Fontaine. Là où la TVA est un taux, les accises imposent un montant fixe sur le produit. Si le prix du gaz naturel explose ou chute au cours des prochaines années, l’accise instaurée dessus restera la même.
«Introduire une taxe sur le gaz ou l’électricité est politiquement difficile, ajoute Maxime Fontaine. L’opinion publique n’aime pas spécialement ça et a parfois le sentiment d’être prise au piège du marché. En augmentant dès maintenant les accises, l’Arizona fait passer la pilule une fois pour toutes et il n’y aura pas de mauvaise surprise si le marché évolue.»