
Ces milliards de recettes que l’Arizona délaisse dans son budget: «C’est la politique de la caisse vide»
Le gouvernement Arizona a fourni son budget aux députés. Pas de grande surprise, mais il a le mérite de rendre concrètes les mesures annoncées. Sur les accises, les recettes fiscales et les contributions sociales notamment, le gouvernement fédéral abandonne quelques milliards.
Trois mois après sa naissance, l’Arizona tient son budget 2025. Initialement demandé en septembre par la Commission Européenne -qui a laissé à l’Arizona un délai supplémentaire le temps d’y voir plus clair- la formation de Bart De Wever a rendu fin avril un document long de 254 pages, laissant entrevoir l’horizon 2029. Le gouvernement l’avait annoncé, il misera surtout sur la réduction des dépenses publiques pour produire un effort de 51 milliards d’euros sur l’ensemble de la législature. Néanmoins, l’Arizona laisse également filer quelques recettes alléchantes. «Les marqueurs de ce budget sont très clairs», décrypte Damien Piron, chargé de cours en sciences administratives à l’ULiège, plutôt sceptique quant à la capacité de l’Arizona à redresser les caisses de l’Etat. «Je ne suis pas certain que le gouvernement soit très triste de creuser le déficit public, c’est un peu la politique de la caisse vide, une stratégie qui consiste à vider les caisse de l’Etat en vue de légitimer une politique d’austérité», illustre-t-il en référence à une analyse co-rédigée avec d’autres experts.
1. 1,7 milliard en moins sur les contributions sociales
A travers la réduction des contributions sociales sur les bas et moyens salaires, la Belgique va sentir progressivement –contrairement aux entreprises qui s’en réjouiront– l’impact de la mesure. En 2025, la mesure devrait voir les recettes fondre de 400 millions, puis un demi-milliard en 2026, et 800 millions en 2027 et 2028. En 2029 en revanche, l’impact de la mesure sera deux fois plus grand que l’année précédente, avec un trou de 1,7 milliard d’euros suite au «big bang fiscal» prévu par l’Arizona dans sa dernière année de législature.
«Cela pose la question du financement de la sécurité sociale», alerte Damien Piron en rappelant que ce qu’une ligne budgétaire enlève quelque part, une autre doit compenser ailleurs. «Cela veut dire que l’Etat reprend la main, et qu’il devra augmenter sa dotation vers la sécurité sociale… Ou pas.» «Il n’y a pas de compensation spécifique pour les cotisations sociales, corrige d’emblée le cabinet Van Peteghem, mais plutôt l’ensemble de mesures du gouvernement qui compensent les dépenses supplémentaires ou les recettes réduites.»
2. Augmentation puis chute des recettes sur la fiscalité
Les recettes fiscales de l’Arizona vont, quant à elles, adopter une trajectoire bien différente. Si elles rapporteront un demi-milliard dès cette année, jusqu’à 900 millions l’année prochaine pour se stabiliser autour de 800 et 700 millions en 2027 et 2028, elles chuteront brusquement en 2029 avec un trou de 2,6 milliards d’euros. C’est une autre conséquence du big bang fiscal attendu. «Le gouvernement, et particulièrement la N-VA et le MR qui ont fait cette promesse en campagne, repoussent son exécution le plus tard possible pour avoir des caisses qui le permettent, analyse l’expert. Plus on les retarde, moins il y aura d’effet sur le budget.»
«C’est le résultat de l’arrivée en vitesse de croisière des réductions d’impôts en 2029, confirme le cabinet du ministre du Budget. Il s’agit ici de l’effet brut des mesures de la réforme fiscale (par exemple l’impact de l’augmentation du quotité exemptée). Comme pour les contributions sociales, il n’y a pas de compensation spécifique, mais plutôt l’ensemble de mesures qui compensent les recettes réduites.»
Puis, d’ici-là, l’Arizona aura eu l’occasion de goûter à son propre traitement et sera en mesure de voir l’état des comptes après près de quatre années au pouvoir. «De la même manière, c’est une méthode pour garder le gouvernement soudé et éviter, comme l’a déjà fait la N-VA avec la Suédoise, de débrancher la prise une fois qu’un parti a obtenu ce qu’il voulait», interprète Damien Piron.
3. 250 millions par an en moins suite à la réduction des accises
Ce sont des taxes aussi lourdes que volatiles, curieusement, les plus injustes également car elles ne varient pas en fonction du revenu de celui à qui elles s’imposent, au même titre que la TVA. Les accises, ces taxes que l’on retrouve généralement sur le tabac, l’alcool et le pétrole, sont une cible parmi d’autres du gouvernement fédéral qui, dès cet accord de Pâques, a décidé de diminuer celles adjugées sur le thé, le café, les boissons non-alcoolisées ou les bouteilles d’eau en plastique. En 2023, elles rapportaient 10,383 milliards d’euros à la Belgique, 11,067 milliards en 2024, mais les nouvelles mesures de l’Arizona vont les faire redescendre à 10,817 milliards pour l’année 2025, soit 250 millions de moins.
La mesure est plus anecdotique sur le plan macro-économique, mais elle reste symbolique. «250 millions, c’est une petite fraction de l’effort demandé en termes de défense. C’est surtout une question de communication, histoire de dire qu’on a réduit la « pression » fiscale, sourit Damien Piron. L’enjeu principal, c’est de savoir qui va payer ces efforts budgétaires.»
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