L’interdiction de la circoncision pour des motifs non médicaux ne fait pas l’unanimité parmi les députés MR auxquels Le Vif a posé la question. Mais tous sont favorable à la fin du remboursement.
Le MR doit une partie de sa grande victoire du 9 juin 2024 à la faculté de son président, Georges-Louis Bouchez, de porter des propositions polémiques mais populaires dans le débat public. Les communicants appellent la fenêtre d’Overton l’ensemble des idées considérées comme plus ou moins acceptables par l’opinion publique d’une société donnée. Eh bien, Georges-Louis Bouchez, en Belgique francophone, a élargi la fenêtre d’Overton, en mobilisant l’opinion sur des thématiques comme l’immigration, la place de l’islam ou les allocations versées aux personnes inactives.
Bien en prit au Montois, d’élargir cette lucarne, et heureux sont, désormais, les réformateurs. Ils ont gagné les élections, sont dans tous les gouvernements ou presque, et peuvent mettre en œuvre des idées qui, il y a quelques années encore, semblaient impensables ou radicales. L’étape suivante pour le MR, désormais, est de se trouver de nouveaux coins sur lesquels tirer afin d’agrandir le cadre des idées admissibles. Georges-Louis Bouchez y travaille déjà, puisqu’il a récemment lancé son ballon d’essai sur la limitation des allocations familiales à quatre enfants maximum.
Mais l’interdiction de la circoncision en serait un autre, de coin. Il y aurait de gros débats, et beaucoup d’électeurs susceptibles de voter MR seraient pour. Exactement comme il le faut. Sous la précédente législature fédérale, l’actuelle présidente de la N-VA, Valérie Van Peel –donc pas n’importe qui–, avait d’ailleurs introduit une proposition de loi pour empêcher le remboursement par la sécurité sociale de cette intervention chirurgicale lorsqu’elle n’est pas rendue nécessaire pour des raisons médicales, comme un phimosis par exemple. Il s’agirait d’aller plus loin, et de carrément interdire la circoncision, réalisée sur des mineurs, comme c’est le cas pour l’excision, parce qu’elle est une mutilation génitale.
Les députés fédéraux MR auxquels nous avons soumis l’idée sont partagés. Il y a ceux qui sont pour, il y a ceux qui sont contre, et il y a Mathieu Michel, qui est surpris, mais qui promet d’y songer. «Ecoute, c’est une question sur laquelle je ne me suis jamais penché, mais c’est vrai que c’est perturbant, car elle est faite sur des mineurs. Je trouve que c’est une bonne question, mais tu me prends à froid, là. Je vais y réfléchir, vraiment, parce qu’il est intéressant d’appréhender ces questions-là sous l’angle d’autres éléments pouvant nous choquer par ailleurs», dit-il. Son chef de groupe Benoît Piedboeuf est un peu plus avancé dans sa réflexion, mais pas de beaucoup. «Je suis totalement adversaire de l’excision, bien entendu, je dois dire que je ne connais pas bien le sujet de la circoncision. Il faudrait que je gratte un peu. Qu’on interdise le remboursement quand ce n’est pas un acte médical nécessaire, je suis plutôt ouvert à cette vision», précise-t-il.
Denis Ducarme, lui, y a déjà réfléchi, et il est plutôt contre la circoncision, donc pour son interdiction, mais il n’a pas envie d’ouvrir la fenêtre d’Overton là, ici, maintenant. «A titre personnel, quand le culte touche au corps, au corps des enfants, c’est quelque chose qui m’a toujours dérangé. Mais je ne crois pas du tout, même à notre époque, que notre société soit prête à un débat sur ces questions-là, parce qu’elles sont tellement ancrées dans la religion, et dans la liberté religieuse, qu’il n’y a pas de débat possible. Evidemment, pour ce qui concerne des remboursements qui avaient lieu pour des circoncisions dans le passé, il est évidemment clair que l’Etat, le contribuable, la collectivité, n’a pas à prendre en charge et donc à rembourser des rites de nature religieuse», explique-t-il.
Florence Reuter ne partage pas tout à fait l’opinion de son camarade carolo: «C’est ça… On va jusqu’où dans l’intervention de l’Etat dans la vie des uns et des autres? Je trouve que ça va trop loin, parce qu’à ce moment-là on va interdire aussi de porter des tresses aux gamines… Moi, je trouve que ça va trop loin en termes de liberté.»
Quant à Youssef Handichi, il partage la proposition de la N-VA, et dit parler d’expérience: «Je ne suis pas sûr que je me suis fait rembourser, et j’ai quatre garçons, mais je ne pense pas que ça m’a mis en ruine… C’est une intervention une fois dans sa vie. Dire que c’est une mutilation, je pense que c’est too much comme terme. Je suis bien placé pour en parler!»
Les cinq députés réformateurs interrogés sont donc peu enclins, à la fin mai 2025, à ouvrir ce débat.