
Adrien Dolimont renoue avec la tradition du discours sur l’état de la Wallonie et présente 3 axes prioritaires: « Osons »
Mercredi matin, le ministre-président wallon Adrien Dolimont (MR) s’est exprimé sur l’état de la Wallonie.
Ce mercredi signe le retour du discours sur l’état de la Wallonie au parlement wallon, un exercice lancé par Paul Magnette il y a 10 ans mais qu’Elio Di Rupo avait boycotté l’an passé, estimant que son gouvernement « n’avait pas le temps » de se prêter à ce grand débat contradictoire à quelques semaines des élections.
Malgré les protestations de l’opposition – PTB et Engagés à l’époque – l’état de la Wallonie n’avait pas eu droit à son discours devant le parlement. Un an, des élections et un changement de majorité plus tard, il est à nouveau d’actualité, avec le libéral Adrien Dolimont en nouveau capitaine. Et un credo en fil rouge: « Osons! »
« Il est essentiel d’être précis sur la photographie que nous souhaitons partager de l’état de notre Région, pour qu’elle soit la plus honnête et la plus lucide possible« , a d’emblée souligné le ministre-président mercredi matin en rappelant la « situation compliquée de la Wallonie » qui, « à peine remise de crises successives, fait face à une inflation persistante qui fragilise les plus vulnérables » et « à un contexte international tendu ».
« Les politiques ont une responsabilité dans la situation que nous vivons parce que nous n’avons pas osé changer les choses, les faire évoluer. Plutôt que de subir, choisissons d’agir. Osons!« , a martelé Adrien Dolimont, appuyé dans ses propos par un Einstein revenu à la vie grâce à la magie de l’intelligence artificielle.
La Wallonie est confrontée à une série de défis: climatique, numérique, industriel et social, a-t-il ensuite énuméré. « Mais un autre défi de taille me préoccupe, et je suis certain qu’il inquiète plus d’un parmi vous: la montée des extrêmes. Qu’elles soient religieuses, politiques, idéologiques ou sociétales, ces idées extrêmes n’ont pas leur place en Wallonie », a ajouté le libéral.
« Elles doivent être combattues avec force et sans relâche. À tous les niveaux de pouvoir. Dans ce parlement et dans tous les parlements de Belgique. Osons les combattre! Osons la nuance et les débats apaisés plutôt que la division! Osons l’intelligence collective, le dialogue et l’action plutôt que la peur! Je suis convaincu d’une chose: la réponse à ces défis ne réside ni dans la peur, ni dans la division, mais dans le dialogue, dans l’écoute et dans l’action concrète », a-t-il développé en appelant à « réhabiliter la parole politique, non pas par des promesses creuses, mais par des engagements tenus, des résultats visibles« .
Trois axes prioritaires
« Il n’y a pas de confiance sans cohérence, pas de légitimité sans exemplarité. Nous devons agir avec transparence, reconnaître nos erreurs quand elles existent, et toujours placer l’intérêt général au-dessus des intérêts partisans. La montée des extrêmes n’est pas un hasard: elle est l’enfant de colères qu’on n’écoute pas, et l’enfant d’injustices non résolues », a poursuivi le ministre-président.
Sur le fond, ce dernier a égrené une litanie de chiffres sombres (et connus): 21,8 % de la population wallonne vit dans un ménage en situation de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale; la Wallonie compte près de 250.000 demandeurs d’emploi inoccupés alors qu’on y compte quelque 40.000 emplois vacants; le PIB par habitant wallon est de 32.700 euros, ce qui place la région à la 52e place des régions européennes sur 110. La Flandre est 19e et Bruxelles, 3e.
Par ailleurs, la demande extérieure reste faible, ce qui retarde la reprise des exportations et l’inflation ralentit progressivement, « mais reste un risque important, notamment en raison des tensions géopolitiques pouvant affecter les prix de l’énergie ».
« Vous l’avez compris, les défis sont nombreux. Et certaines décisions sont difficiles à prendre. Mais notre ambition est grande. Et elle est claire. Le gouvernement wallon devra, dans les prochaines années, poser les jalons de l’économie, de l’inclusion sociale et du développement environnemental de demain. Et viser bien au-delà de 2029, ce qui implique de coordonner nos politiques avec le niveau fédéral, bien sûr. Mais aussi de rester en alerte dans un contexte international en pleine mutation », a résumé Adrien Dolimont
« Notre projet de transformation s’appuie sur trois axes prioritaires: le développement économique, le renforcement de la cohésion sociale et l’amélioration de la gestion publique« , a-t-il enchaîné en rappelant, sur ce dernier point, le choc de simplification administrative annoncé récemment.
Le défi de l’IA
« Nos objectifs sont clairs; nous avons un cap et une stratégie. Mais nous ne sommes pas à Poudlard, et je ne suis pas Harry Potter. Par contre, je crois sincèrement à la force du travail. Je crois à la constance. Il n’y a pas mille manières de redonner confiance. Et il n’y a pas non plus de fatalité », a encore affirmé Adrien Dolimont selon qui « le bon sens sera notre boussole tout au long de cette législature ».
Ce dernier s’est enfin épanché sur l’émergence de l’intelligence artificielle, « une révolution aussi importante que celle vécue par nos aïeux du 18e siècle et qui n’est pas sans danger ». « Il n’y a plus aucun doute à avoir: cette intelligence change profondément notre rapport à la vie dans son intégralité. Elle bouleverse le monde du travail, même si elle n’est pas encore capable d’écrire le discours de l’état de la Wallonie », a-t-il plaisanté.
« Notre industrie et notre économie vont être bouleversées, et c’est d’autant plus vrai que nous sommes dans une économie de services qui sera bien plus impactée qu’une économie agricole ou industrielle. Nous ne rivaliserons pas par la taille. Mais nous pouvons nous distinguer autrement. Par notre créativité. Par nos talents. Par notre audace », a défendu le libéral.
« Aujourd’hui, nos voisins du nord nous regardent différemment. Parce que nous osons affronter la réalité. Parce que nous osons changer. Mais il reste une chose que nous devons encore apprendre à faire: Oser être fiers », a-t-il conclu.
« Un discours creux »
Sans surprise, l’opposition wallonne n’a pas mâché ses mots dans une première réaction après le discours d’Adrien Dolimont.
« C’est un discours creux, qui cache la réalité« , a ainsi réagi la cheffe de groupe du PS au parlement wallon, Christie Morreale. « La réalité, c’est une diminution du taux d’emploi de près de 2% alors qu’il avait augmenté sous le gouvernement précédent; c’est l’arrêt des primes à la rénovation et du dispositif d’aide aux petits commerçants », a-t-elle pointé. « Nous espérions que le gouvernement viendrait avec une politique de réindustrialisation et de l’emploi. Mais nous n’avons eu droit qu’à une litanie de citations, sans aucun objectif chiffré », a ajouté la socialiste. « Nous allons continuer à avancer des propositions pour montrer que des alternatives sont possibles », a-t-elle enfin assuré.
« Ce discours ne répond pas aux enjeux concrets », a renchéri le chef de groupe du PTB, Germain Mugemangango. « Le gouvernement ne fait que tromper les gens. Il a, par exemple, promis de ne pas créer de nouvelles taxes, de soutenir ceux qui travaillent, d’augmenter le taux d’emplois, de ne pas faire d’écologie punitive et dans tous ces domaines, il fait le contraire« , a-t-il répété. « Ce gouvernement prétendait soutenir l’activité économique et ceux qui travaillent mais face à la liste de plus en plus longue d’emplois détruits par les entreprises, le gouvernement wallon ne fait rien », a poursuivi le député d’extrême gauche en pointant aussi les privilèges auxquels l’exécutif refuse de toucher. « Il prétend faire des efforts en prenant des mesurettes mais la vérité c’est que les salaires à 11.000 euros par mois ou les indemnités de sortie à 280.000 euros continueront à exister parce qu’il n’y touche pas », a-t-il insisté.
Enfin, du côté d’Ecolo, Stéphane Hazée a regretté « le virage pris par le gouvernement, un virage qui va dans la mauvaise direction« . « C’est une grande régression qui est en cours, avec un gouvernement qui coupe dans les primes rénovation, qui définance les pouvoirs locaux et les associations, qui fait la promotion des pesticides, qui laisse l’Union européenne autoriser de nouveaux OGM. C’est l’inquiétude et une forme d’incompréhension qui dominent parce que c’est l’inverse des engagements électoraux des partis de la majorité », a analysé le chef de groupe écologiste. « Notre constat, c’est qu’il y a une attaque en règle contre des politiques qui sont importantes, pas parce qu’elles ont été décidées par le gouvernement précédent, mais parce qu’elles répondent à des enjeux essentiels », a-t-il dénoncé. « Nous sommes en colère par rapport au grand écart des partis de la majorité vis-à-vis de leurs programmes électoraux et nous sommes inquiets par rapport à ce qui est nécessaire pour l’avenir de nos enfants. En désinvestissant dans l’écologie, nous leur préparons un futur gris. C’est notre responsabilité d’essayer d’inverser le sens des choses », a conclu Stéphane Hazée.