Le gouvernement fédéral a conclu un accord sur le budget ce lundi matin. Hausse de la TVA sur certains produits, saut d’index partiel… Voici les termes de ce compromis.
Le gouvernement dirigé par Bart De Wever est parvenu tôt ce lundi à un accord sur le budget fédéral portant sur un peu plus de neuf milliards d’euros d’ici la fin de la législature. Selon l’exécutif, environ 60% de l’effort repose sur une réduction des dépenses publiques et 40% sur de nouvelles recettes. L’objectif est de «remettre la trajectoire budgétaire de la Belgique en ligne avec les nouvelles règles européennes», après que le Premier ministre a chiffré à dix milliards d’euros l’ajustement nécessaire à l’horizon 2030.
Indexation des salaires: la mesure phare du budget fédéral
L’accord touche aussi à l’indexation automatique des salaires, un des dossiers les plus sensibles politiquement. Les rémunérations resteront indexées, mais uniquement sur la tranche jusqu’à 4.000 euros. Au-delà de ce montant, la partie supérieure du salaire ne sera plus adaptée automatiquement à l’inflation. Les mesures concernant l’indexation des salaires permettraient à l’Etat de faire 883 millions d’euros d’économie. Pour les entreprises, l’économie s’élève à 800 millions d’euros.
Bertrand Candelon, professeur d’économie à la Louvain School of Management (UCLouvain), alerte cependant sur cette mesure qui cache des effets secondaires: «Le gel de l’indexation automatique pour la partie des salaires au-dessus de 4.000 euros peut se comprendre à court terme, parce que l’indexation représente un coût important pour l’Etat, en particulier dans la fonction publique. Le risque pointé par plusieurs économistes est celui d’une « smicardisation » de l’économie, avec une concentration des revenus autour d’un salaire moyen. Si, à long terme, tout le monde se retrouve au même niveau de rémunération, les incitations à augmenter sa productivité, à prendre des responsabilités ou à suivre des études longues s’effritent. Utilisée une fois dans une situation budgétaire grave, la mesure est défendable, mais si elle se répète et écrase durablement la distribution des salaires, elle devient contre-productive pour la croissance.»
Les indemnités des ministres et des parlementaires fédéraux ne seront, elles, plus indexées jusqu’à la fin de la législature. Depuis plusieurs mois, le gouvernement Arizona cherchait une formule permettant de réduire le coût budgétaire de l’indexation sans remettre en cause son principe, dans un contexte de forte inflation récente et de débat récurrent sur les «sauts d’index» partiels déjà appliqués à certains secteurs.
Accord sur le budget fédéral: hausses et baisses de la TVA
Les taux de TVA de 6%, 12% et 21% ne sont pas modifiés mais certains produits passent d’une catégorie à l’autre. C’est par exemple le cas des nuitées dans les hôtels et camping, dans les activités sportives et récréatives, sur les repas à emporter qui passeront de 6% à 12%. Le taux sur les boissons non alcoolisées diminuera à 12%. Le taux de TVA sur les pesticides passe de 12% à 21%. La taxe de dix euros sur les billets d’avion de courte distance sera augmentée de 0,50 eurosmalades par an à partir de 2027 jusqu’en 2029.
Bertrand Candelon analyse ce point de l’accord qu’il juge nécessaire: «Au départ, certains partenaires voulaient aller vers une hausse généralisée de la TVA, de 21 à 22 ou 23% sur presque tous les biens. On a évité cela avec une hausse sur certains produits ou biens. Mais si l’on en arrive là aujourd’hui, c’est parce que les gouvernements précédents ont laissé dériver la dépense publique et la dette, en reportant sans cesse les réformes sur les retraites et le vieillissement. Avec une dette de 530 milliards d’euros et le plus grand déficit budgétaire de la zone euro, la moindre hausse des taux d’intérêt se traduit par une facture de plusieurs milliards. L’inaction passée se paie maintenant et rend cette augmentation de la TVA très difficile à éviter.»
Le gaz naturel résidentiel verra son taux d’accises (et non la TVA) passer de 6% à 12%, pour anticiper un taux de TVA qui devra être à 21% d’ici 2030 selon une volonté de l’Europe. En revanche, les accises sur l’électricité baissent. Le tableau budgétaire montre aussi une augmentation de 50 millions d’euros des accises sur le diesel et l’essence. Cette mesure rapportera environ 1,3 milliard d’euros.
«Sur l’énergie, il faut bien comprendre que l’on combine la TVA et les accises. L’Europe pousse à augmenter la fiscalité sur les combustibles pour améliorer le bilan carbone, et les Etats jouent alors sur les accises pour atténuer l’impact sur la facture finale. La baisse des accises sur l’électricité sert surtout à compenser d’autres hausses, ce n’est pas un cadeau», tranche Bertrand Candelon.
Le gouvernement a aussi introduit une taxe de deux euros sur les petits colis qui ne viennent pas d’Europe pour palier à «une concurrence chinoise déloyale», disait Maxime Prévot (Les Engagés) à la conférence de presse de lundi matin.
Taxes bancaires
Sur le volet recettes, la contribution du secteur financier et des patrimoines mobiliers est renforcée. La taxe bancaire sera augmentée, pour un rendement annoncé de 150 millions d’euros supplémentaires. Un durcissement des règles applicables aux sociétés de management doit rapporter 300 millions d’euros. Parallèlement, la taxe annuelle sur les comptes-titres sera doublée, avec l’ambition déclarée par la majorité de mieux faire contribuer les «épaules les plus larges.» L’ensemble de ces mesures sur le capital et le secteur financier représente, selon le gouvernement, un milliard d’euros d’effort cumulé.
Pour Bertrand Candelon, la contribution du secteur financier était inévitable: «Que l’on parle de taxe bancaire ou de taxation des plus-values, l’idée de faire davantage contribuer les épaules les plus larges me paraît assez logique. Il s’agit de dégager des recettes supplémentaires sans pénaliser trop fortement la dynamique économique. Personne ne se réjouit d’une hausse d’impôts, mais vu l’état des finances publiques, il fallait trouver des leviers qui touchent en priorité les contribuables les plus aisés plutôt que de généraliser une augmentation de la TVA. Dans une coalition, cela suppose des concessions de part et d’autre, et la vraie question est de savoir si cet effort sera suffisant pour stabiliser la dette et éviter plus tard un plan d’austérité beaucoup plus douloureux.»
Un nouveau parquet contre la fraude fiscale
«Surprise: un parquet national financier!» Le député fédéral DéFI François De Smet s’est réjoui lundi de voir cette proposition de longue date du parti amarante figurer dans l’accord budgétaire conclu par le gouvernement fédéral. Ce parquet sera doté de 377 agents, a annoncé l’exécutif.
«Nous prendrons le temps de l’analyse en détails de ce budget Arizona, l’expérience nous a appris qu’ils cachaient souvent les plus mauvaises surprises dans les interlignes. Mais nous devons objectivement saluer une mesure annoncée: la création d’un parquet national financier « sur le modèle français », ce qui est ce que DéFI demandait depuis années, avec l’aide de Michel Claise», écrit François De Smet sur les réseaux. «Il faudra vérifier le fond de la mesure, notamment l’indépendance de ce futur parquet», nuance-t-il.
Santé, 100.000 malades au travail
En matière de santé, l’effort supplémentaire est chiffré à 300 millions d’euros d’ici la fin de la législature. Le gouvernement indique que la norme de croissance du budget des soins de santé reste inchangée, alors que le cadre fixé par l’accord Arizona plafonne déjà cette norme à un niveau inférieur à la croissance «naturelle» estimée des dépenses de santé. Cette trajectoire avait été critiquée par plusieurs organisations de patients et de soignants, qui y voient un risque de sous-financement structurel du système.
L’exécutif relie par ailleurs cet accord aux réformes en cours sur les malades de longue durée. Le gouvernement s’est fixé comme objectif de «remettre 100.000 malades au travail», dans la ligne des dispositifs d’activation et de trajets de réintégration déjà annoncés dans les précédentes lois-programmes. Les mesures détaillées pour atteindre ce chiffre restent à préciser, mais elles s’inscrivent dans une stratégie plus large de hausse du taux d’emploi et de réduction de la facture des indemnités d’incapacité de longue durée.
Au terme de la nuit de négociations, le Premier ministre Bart De Wever a salué un compromis qu’il a décrit comme difficile, mais nécessaire. Le chef du gouvernement a déclaré qu’il était «très heureux que l’équipe ait résisté à la tentation de faire un exercice de simplification et de tout repousser à plus tard», estimant que l’accord permet à la coalition Arizona de garder le cap sur la trajectoire de redressement budgétaire tout en préservant, selon lui, l’essentiel des priorités fixées dans la déclaration gouvernementale.
Le gouvernement a aussi validé la réforme des pensions et des mesures le marché de l’emploi.