En province du Luxembourg, les six zones de police pourraient bientôt fusionner. Le monde politique attend les mesures de Bernard Quintin. BELGA PHOTO ANTHONY DEHEZ © BELGA

Vers une fusion des zones de police en province du Luxembourg? «Il y a une réflexion»

Sylvain Anciaux

Les zones de police de la province de Luxembourg vont-elles connaître une fusion, comme à Bruxelles? En surface, les responsables politiques et judiciaires sont réticents. Mais en cuisine, on étudie tous les scénarios.

La fusion des six zones de police de Bruxelles arrivera d’ici quelques mois, l’accord d’été du gouvernement Arizona l’a acté le week-end dernier. Pour les polices de province, le choix est théoriquement laissé aux communes et à leur zone respective malgré une mission commandée par le ministre de l’Intérieur, Bernard Quintin (MR), qui demande aux gouverneurs des dix provinces d’établir un rapport s(t)imulant les avantages et inconvénients d’une fusion. En province du Luxembourg, certains réfléchissent déjà à une fusion des six zones en trois: une pour le Nord, une autre pour le centre, la dernière pour le Sud. Une réunion a également eu lieu récemment avec le gouverneur, l’avocat général, le Procureur du Roi, les chefs de corps et les présidents des conseils de police (qui sont les bourgmestres). «Il n’y a pas de volonté affirmée, mais il y a une réflexion au cas où l’on irait vers une fusion», note Benoît Closson (MR), bourgmestre de Wellin et président de la zone de police Semois et Lesse.

«Si ma commune paye une somme par habitant équivalente à celles des communes limitrophes, et que la “dangerosité” de chaque commune est prise en compte dans ce calcul, on pourra se poser la question.»

La province du Luxembourg, avec ses larges espaces et sa faible densité de population, comprend pourtant déjà la plus grande zone de police du pays avec la zone Famenne-Ardennes, qui recouvre douze communes de Marche-en-Famenne à Gouvy. «Pour l’instant, le premier rapport remis au ministre s’attarde davantage sur le constat actuel de la zone et la méthode qu’on pourrait éventuellement utiliser en cas de fusion, explique le gouverneur du Luxembourg, Olivier Schmitz. Je ne peux pas aller parler de fusion aux bourgmestres sans que la norme KUL (NDLR: une clé de répartition définissant les budgets alloués aux zones de police selon différents critères), qui définira l’impact sur une fusion ou non, soit revue.» Cette révision de la norme KUL, justement, est en cours au niveau du cabinet Quintin. «Si ma commune paye une somme par habitant équivalente à celles des communes limitrophes, et que la « dangerosité » de chaque commune est prise en compte dans ce calcul, on pourra se poser la question, prévient la bourgmestre de Rouvroy, Carmen Ramlot (Les Engagés). Mais il faudra une vision d’avenir.» La zone de police Gaume, où se situe Rouvroy, investit actuellement dans un hôtel de police: la bourgmestre verrait d’un très mauvais œil que de nouvelles communes en profitent sans avoir délié les cordons de leur bourse.

Encadrer les kermesses: 400.000 à 500.000 euros par an

«Si c’est une volonté, elle est politique, pas policière, affirme sèchement le chef de corps de la zone de police Semois et Lesse, Vincent Léonard. J’ai 115 policiers, et 20 CaLog (NDLR: Cadre logistique et administratif, soit des fonctionnaires qui travaillent dans la police mais ne sont pas policiers) et je m’en sors très bien. Cela dit, je pourrais faire encore mieux, en optimisant les procédures.»

Le travail de la police ardennaise diffère radicalement de celui de sa consœur bruxelloise, qui fait face à des règlements de compte à l’arme de guerre sur fond de narcotrafics. Le gros du boulot pour la zone Semois et Lesse porte surtout sur l’encadrement des 1.000 événements annuels tenus sur la zone, dont un paquet de kermesses et leurs bagarres imbibées, confie le chef de corps. «Encadrer tout ça nous coûte 400.000 à 500.000 euros par an. Une fusion n’abaisserait évidemment pas ce coût. En revanche, je dois parfois envoyer du monde pour dépanner au circuit de Spa-Francorchamps, ou pour des sommets européens à Bruxelles.» Pour le boss de la police locale, il y a surtout lieu d’optimiser certaines procédures, réduire la paperasse et débarrasser la police de certaines missions afin de les confier à des sociétés privées, typiquement pour l’encadrement des événements. «On a également un important taux d’absentéisme auquel il faudrait être attentif, car on perd une capacité importante.»

Peut-on, dès lors, parler d’une volonté politique? «On a évoqué cela au conseil de police, admet Didier Neuvens (MR), bourgmestre de Saint-Hubert, également dans la zone Semois et Lesse. Cela ferait tout de même beaucoup de monde à gérer. Je suis plutôt sceptique, ça tourne bien comme ça et je ne vois pas où l’on ferait des économies d’échelle.» Philippe Bontemps (Les Engagés), bourgmestre de Durbuy, est également réticent. «Les zones sont très grandes, celle de Famenne-Ardennes couvre déjà 60.000 habitants et je ne vois pas la plus-value pour le nord du Luxembourg de l’agrandir encore.»

Quintin promet un incitant pour la fusion des zones de police

L’un des derniers bourgmestres socialistes d’une province massivement turquoise et bleue, Philippe Courard (à la tête de Hotton), est lui aussi fermement opposé à l’idée. «Déjà maintenant, lorsqu’une équipe est occupée à Vielsalm et doit venir jusqu’à Hotton (NDLR: 42 kilomètres), c’est long. Sur le plan de la gouvernance en conseil de police, ce n’est déjà pas facile de s’entendre à douze bourgmestres et je n’ose pas imaginer si l’on était plus. Puis ce serait mettre les bourgmestres complètement hors-jeu, ils n’auraient plus aucun poids, c’est déjà complexe de se réunir et d’avoir un quorum pour les conseils de zone de secours (NDLR: l’équivalent d’un conseil de police pour les services de secours). Or, on a besoin d’une police disponible, qui soit attentive, ce qui est plus complexe avec des mégastructures.»

Bref, le monde politique luxembourgeois ne semble pas (encore) s’incliner vers les sirènes d’une fusion des zones de police. Tout du moins pas en l’état. «On attend la note sur la taille critique et le financement des zones de police de la part du ministre», pointe le gouverneur provincial, Olivier Schmitz. «Des incitants sont prévus pour les zones de police du pays qui souhaiteraient s’engager dans une fusion avant décembre 2029», avait par ailleurs rappelé le cabinet du ministre Quintin vendredi dernier.

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