Julien Clerdy
Paul Magnette et le CETA : une pièce en 3 actes
Si je devais faire part de mon ressenti vis-à-vis de la position de Paul Magnette sur le CETA, je me risquerais à proposer ce que j’espère n’être qu’une fiction, déclinée en 3 actes.
1. Paul, dont le parti politique se trouve dans l’opposition au gouvernement fédéral, cherche un moyen de peser dans les décisions. Il scrute les différents sujets qui mobilisent les citoyens. Tiens, voici quelque chose d’intéressant : le CETA. « Cheval de Troie du TTIP », cet accord interpelle, à juste titre, les citoyens et les ONG belges. Le CETA interpelle les citoyens et intéresse Paul pour une bonne raison : sans l’accord du gouvernement wallon, le gouvernement fédéral ne peut pas négocier le CETA ; c’est le bras de levier que Paul cherche pour établir son rapport de force. Paul saisi l’opportunité de soutenir la résolution déposée à l’initiative d’Ecolo et tel un chevalier, se présentant en grand défenseur des droits des citoyens, annonce ceci :
« Tant que nous n’avons pas toutes les garanties (sur le futur organisme de règlement des différends et d’autres lignes rouges édictées par le parlement wallon), il ne sera pas possible pour nous de ratifier un tel texte, et il n’est pas possible non plus de donner les pleins pouvoirs au ministre des Affaires étrangères » pour signer le CETA, a affirmé Paul Magnette en commission du parlement wallon. (http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_la-wallonie-refusera-les-pleins-pouvoirs-au-federal-pour-signer-le-ceta?id=9268089, publié le mercredi 13 avril 2016 à 11h53)
C’est ici que réside la subtilité : il n’est pas question de rejeter le CETA, il est question d’attendre « toutes les garanties ». C’est vague et c’est ça qui intéresse Paul : rester vague pour gagner du temps.
2. Le gouvernement fédéral est courroucé par cette décision : le MR, défenseur des multinationales (et non semble-t-il des PME) et très content d’être dans la majorité fédérale quel que soit le prix à (faire) payer, dénonce cette résolution. La N-VA, comme d’accoutumée, dénonce « la gauche wallonne » qui empêche les Flamands d’exporter vers le Canada. (http://www.levif.be/actualite/belgique/la-wallonie-s-oppose-au-ceta-reynders-appelle-a-la-raison-la-n-va-met-en-garde/article-normal-495035.html, publié le jeudi 28 avril 2016 à 18h06)
Situation problématique ? Que du contraire : Paul constate avec satisfaction que le vote du PS au parlement wallon contrarie bien le gouvernement fédéral. Il le tient, son bras de levier ! Les négociations vont pouvoir commencer…
Sur des sujets que seuls Paul et certains de ses comparses du PS connaissent, des négociations sont entamées avec les partis de la majorité fédérale. Quels sujets ? Bonne question. Des sujets qui ressembleraient à la non-levée de l’immunité parlementaire de certains de ses comparses ? On peut le penser, je n’en sais rien. Mais ce rapport de force que maintient Paul lui permet de faire son petit jeu politique.
3. Lorsqu’il a trouvé un accord avec ses adversaires politiques, Paul est d’accord de revoir sa position sur le CETA : finalement, après réflexion, il le soutiendra et pourra s’exclamer haut et fort même si ce n’est pas vrai :
« Grâce à moi le CETA a été modifié en profondeur, les citoyens belges sont protégés et je peux maintenant voter pour le fait de céder les pleins pouvoirs au gouvernement fédéral afin de ratifier l’accord. »
Nous l’aurons compris, si le vote du gouvernement wallon paraît à l’heure actuelle comme une avancée positive, gardons-nous bien de nous réjouir trop vite ; il y a de fortes chances pour que cette résistance à signer le CETA ne soit rien d’autre qu’un moyen de faire pression sur le gouvernement fédéral pour négocier un agenda politique que Paul a choisi. Dans ce cas, la démocratie, les citoyens et tout le reste attendront bien encore un peu.
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