Carte baisse naissances en Belgique.
La baisse du nombre de naissances s’observe pratiquement partout en Belgique.

Où sont passés les bébés? Voici les derniers chiffres des naissances dans votre commune (infographie)

Thomas Bernard
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

Le nombre total de naissances recule encore en Belgique, un mouvement quasiment généralisé à l’ensemble du territoire. Dans certaines communes, en 30 ans, le nombre de naissances a été divisé par deux. Incertitude face à l’avenir, vieillissement de la population, répartition inégale des tâches domestiques… Les pistes d’explications ne manquent pas.

La Belgique affiche une nouvelle fois un solde naturel négatif, pour l’année 2024, soit plus de décès que de naissances. Une situation «plutôt exceptionnelle», pointe Statbel, l’office belge de statistique. Un solde naturel négatif était réapparu en 2020, en raison de la pandémie de Covid-19, puis en 2022. Avant cela, il fallait remonter au début des années 1940, lors de la Seconde Guerre mondiale, pour trouver pareil scénario.

En 1942, le pays enregistrait 105.749 naissances. En 2024, il y en a eu 108.150. Et ce nombre est en diminution constante depuis plusieurs années, après un pic atteint en 2010 (près de 130.000 naissances), signe d’éléments devenus plus structurels que conjoncturels.

C’est d’ailleurs cette tendance à long terme qui intéresse les démographes. «Il y a toujours un malaise à regarder les chiffres d’une année et à les comparer à l’année précédente, car il peut y avoir des phénomènes très précis qui influencent, explique Jean-Michel Decroly, professeur en géographie et démographie à l’ULB. Mais depuis ce pic en 2010, la natalité a fortement chuté et les causes sont multifactorielles

Plus d’incertitude, moins d’enfants

Le nombre de naissances, toujours difficile à interpréter, dépend de deux éléments principaux, poursuit le professeur. «Tout d’abord, la structure par âge de la population, en particulier la proportion de femmes en âge de procréer, mais également la propension de ces femmes à faire des enfants.» En Wallonie, la diminution de la part des femmes de 15-49 ans parmi la population féminine, de 45 à 42% depuis 2010, explique en partie le recul observé. Tout comme la diminution du nombre moyen d’enfant par femme, de 1,85 à 1,46 enfant sur la même période, signe d’un taux de fécondité en berne.

La fécondité moyenne est en baisse, notamment chez les femmes entre 20 et 30 ans, et celle-ci n’est désormais plus compensée par des naissances plus tardives. Le désir d’enfant est également en baisse, avec une croissance des personnes sans enfant et ne souhaitant pas en avoir. Un phénomène identique s’observe à l’échelle de l’Europe de l’Ouest, avec une réduction du nombre d’enfants par femme dans plusieurs pays.

«L’incertitude de l’époque pousse vraisemblablement ce mouvement. Il y a eu la crise financière de 2008-2009, la question climatique, la crise du Covid, la guerre en Ukraine, la crise énergétique, etc. La norme, cela reste d’avoir acquis une certaine stabilité, à plusieurs niveaux, pour faire des enfants. Cette incertitude constante n’aide pas», détaille Jean-Michel Decroly.

Dans les communes, des effets structurels parfois plus importants

Certaines communes affichent des mouvements à la baisse davantage marqués. C’est le cas de plusieurs communes à la Côte, comme Coxyde, Knokke, Nieuport, caractérisées par un vieillissement accéléré de la population, donc une moindre proportion de femmes dans les tranches d’âge pour devenir mère. C’est également le cas à Vresse-sur-Semois, dans le sud de la province de Namur, une commune qui a perdu 8% de ses habitants en dix ans, avec une forte proportion de seniors. «En changeant d’échelle, pour regarder les chiffres d’une commune, les effets structurels peuvent avoir une influence bien plus grande, par exemple si la pyramide des âges montre une très faible proportion de femmes en âge de procréer. A Vresse-sur-Semois, qui a effectivement une population âgée, on note également une forte pression exercée sur le logement par le tourisme. Il y a moins d’habitations disponibles, donc moins d’habitants, donc moins de naissances», explique le démographe.

Ne pas être installé chez soi ou avoir des difficultés à trouver un logement participe à l’instabilité, pénalisant le désir d’enfant. Bruxelles affiche sur ce point de nombreux paradoxes. La difficulté d’accès au logement y est une réalité, les situations comme la colocation des jeunes adultes freinent la volonté de fonder une famille, mais plusieurs communes y voient les naissances en hausse sur 30 ans. Un chiffre qui masque une autre réalité: la baisse sensible du taux de fécondité, soit du nombre d’enfant par femme.

«Ces communes affichent un effet de structure très marqué, avec davantage de femmes en âge de procréer, ce qui pousse parfois les naissances à la hausse. Mais le nombre d’enfants par femme est très nettement en baisse en région bruxelloise: il est passé de 2,02 à 1,39 entre 2010 et 2023. La capitale est marquée par une forte mixité d’origine et cela aurait pu chambouler ces chiffres, mais en réalité il y a visiblement une adoption des pratiques en matière de reproduction, de natalité et de constitution des familles, qui est assez similaire à celles des Belges d’origine belge, au sein des personnes issues de la diversité», commente encore Jean-Michel Decroly.

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Le coût, qui pénalise d’abord les femmes

Enfin, la propension des couples à avoir des enfants s’envisage aussi sous l’aspect du coût. Financier tout d’abord, car une progéniture exerce une pression sur la consommation et le pouvoir d’achat des parents. Une étude récente chiffrait d’ailleurs à plus de 260.000 euros le coût pour élever un premier enfant. Une réalité qui s’affirme à l’aune des dernières crises, dont récemment avec la hausse des prix de l’énergie ou de certains produits de consommation après le début de la guerre en Ukraine.

Le coût en temps est également un facteur important, notamment dans une société où les femmes restent accaparées par la majorité des tâches domestiques et familiales. «Lorsque le partage est inégalitaire, cela signifie que les femmes n’ont plus de temps pour elles, pour leurs activités professionnelles mais aussi en dehors du boulot. La proportion grandissante de femmes sans enfant est un signe assez clair par rapport à cette difficulté de concilier le fait d’avoir des enfants et de mener sa propre vie. Tant qu’on ne verra pas de rééquilibrage sur ce point, il reste difficile d’imaginer voir le taux de fécondité repartir à la hausse», conclut le démographe.

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