Christine Laurent

Où nous mènent nos politiciens?

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Entre confédéralisme, fédéralisme, scission, séparatisme… Que veulent les Flamands, et que veulent les francophones? Les plus fins politologues s’y perdent. Et les politiciens s’engouffrent dans ce flou.

Par Christine LAURENT

Mais que veulent-ils à la fin? Fédéralisme, confédéralisme, scission, séparatisme… c’est le brouillard. Pis, une véritable purée de pois sans point de repère ni balise. A peine distingue-t-on la muleta agitée ostensiblement devant nous par les politiciens flamands de tous bords. Mais bien malin celui qui pourra décoder les lignes précises d’un projet, d’une stratégie, d’un concept. Tous plus flous les uns que les autres. Pas un jour ne passe sans nouvelle déclaration, sans escalade verbale, sans musculation.

Leader incontesté de cette saga: Bart De Wever, le redouté patron de la N-VA. De fait, les sondages qui circulent sous le manteau ne créditent-ils pas son parti de quelque 25% des intentions de vote, le hissant ainsi à la première place en Flandre? S’il ne rêve pas du poste de Premier ministre, la star du moment entend bien peser de tout son poids au lendemain du 13 juin. Le refrain, le ton, on connaît, certes, mais pour quelle chanson? Avec quels partenaires? Tous unis autour du nouveau sacro-saint concept de confédéralisme?

Surprenant, ce concept fourre-tout, véritable melting-pot surréaliste dont seule la Belgique a le secret. Or les juristes sont formels: le confédéralisme suppose l’existence d’Etats indépendants qui décident, par traité, de rétrocéder à un Etat central un certain nombre de prérogatives et de compétences. Une configuration à des années-lumière de celle de notre pays aujourd’hui. Un anachronisme, de plus, pour une Europe moins que jamais ouverte à des projets séparatistes. Les mots ont leur importance, surtout quand il s’agit du devenir d’un pays. Or, face au confédéralisme de la N-VA, de l’Open VLD, du CD&V, du SP.A sans oublier Groen!, même le plus futé de nos politologues s’égare. Que dire alors des partis francophones qui, définitivement, doivent naviguer à vue?

Irresponsables, provocateurs, les Flamands? Peut-être. Animés par une vraie fièvre communautaire, sans aucun doute. Tous contaminés. Une agitation qui, depuis les années 1990, ne cesse d’enfler. Pour aboutir à pas moins de cinq réformes, une politique de petits pas centrifuge, un chantier perpétuel. Et un fédéralisme inachevé, doté de couches institutionnelles multiples, complexes, une source de conflits permanents. Sans soutien de l’un ou l’autre parti fédéral, ils ont tous explosé en 1970, chacun a repris ses billes et c’est la cacophonie. Pis, désormais même les centres de gravité divergent, à droite pour la Flandre, à gauche pour la Wallonie, l’impasse est totale.

Mais remettre à nouveau le régime politique de l’Etat en question sans définir le but final n’est-ce pas semer, à court et moyen terme, toute une série de bombes à retardement? Or telle semble bien la stratégie d’agitateurs au Nord, soucieux surtout de caresser l’électeur dans le sens du poil communautaire. Il faut trouver, pour notre pays, un cadre clairement délimité pour un processus décisionnel précis. Il est indispensable de parfaire son organisation, de déconstruire les formules boiteuses, de réformer les structures non abouties. Nous avons besoin d’institutions intelligentes, efficaces, qui collent à notre réalité d’aujourd’hui… et de demain.

Pour y parvenir, peut-être certaines pensées trop rigides, notamment du côté francophone, devront-elles s’ouvrir. Les réformes, les francophones veulent y croire. Mais comment (re-)construire sur des sables mouvants? Avec qui trouver même le plus infime commun dénominateur? Comment engager, le 14 juin, des négociations avec des partenaires flamands (avec ou sans la N-VA) jouant avec des cartes incertaines, hasardeuses? Faire évoluer notre fédéralisme vers plus d’autonomie des Régions, y compris Bruxelles, tous d’accord, au Sud! Mais pour s’embourber dans une nouvelle aventure marécageuse, c’est clairement non.

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