Soraya Ghali

Mariage gay : une question de contexte

Soraya Ghali Journaliste au Vif

La fièvre française sur le mariage gay aura surpris plus d’un Belge. Pionnière au moment du Pacs, voté en 1999, la France avait en effet pris du retard sur ses voisins européens : ce sont les Pays-Bas qui ont ouvert le bal de l’union gay, en 2001, suivis par la Belgique, en 2003. Trois plus tard, la Belgique était aussi l’un des premiers pays à permettre l’adoption au sein des couples de même sexe et la procréation assistée. Voyage dans le temps.

Chez nous, les votes se sont déroulés sans histoire. « A part pour la dépénalisation de l’avortement, notre pays est plutôt en avance sur les réformes de société », déclare Philippe Mahoux (PS), l’un des artisans de la loi sur l’union gay. C’est qu’à l’époque, le terrain politique belge était propice : le CVP et le CDH étaient dans l’opposition, et socialistes et libéraux ont profité de leur absence pour faire passer la loi sur le mariage homo. Puis, celle de 2006 ouvrant l’adoption d’enfants par des couples gay et la procréation assistée. Pour le gouvernement Verhofstadt, c’était une façon de se montrer laïque et progressiste, de se démarquer du pouvoir sortant (Dehaene et le CVP en tête). Ces lois étaient inscrites dans un agenda global (euthanasie, divorce par consentement mutuel…). Un signe de modernité. Ces lois sont donc passées. Pas de remous donc : personne n’est descendu dans la rue pour protester, les échanges n’ont pas été violents et l’Eglise n’a pas appelé à manifester. Tout l’inverse de la France, où elle joue un rôle essentiel dans le débat, forte de son poids, toujours réel. Voilà donc l’Hexagone coupé en deux : la gauche, derrière le projet, la droite, opposée dans sa grande majorité, et des pro et anti instrumentalisés tantôt par des mouvements religieux tantôt par des groupuscules identitaires ou nationalistes, d’extrème-droite. Bref, on l’aura compris : tout dépend du rapport de forces, des coalitions en place, de l’opportunité du moment.

L’exemple belge devrait-il rassurer nos voisins français ? En dix ans, les deux lois n’ont pas conduit à des bouleversements importants dans la société belge. Chaque année, environ 1 000 couples homos célèbrent leur union.L’adoption d’enfants à l’étranger par des couples gay ? La loi a un impact limité : de nombreux pays imposent des conditions particulières (jusqu’au refus) aux parents homos adoptants. Résultat : ce type d’adoptions reste fictif.

Egalité des droits ne veut pas dire pour autant non-discrimination. Chez nous, les homos demeurent, encore et toujours, victimes d’homophobie, voire d’agressions. Les mentalités n’évoluent jamais aussi vite que le cadre juridique.

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