L’irrésistible ascension du PTB

Dans les sondages, le Parti du travail de Belgique (PTB-Go ! avec la LCR et le PC) a le vent en poupe. En cette période troublée, tant géopolitiquement (Daesh à 300 km d’Israël, le retour de la guerre froide) qu’économiquement (la faillite de la Grèce, pressions sur l’euro), l’extrême gauche est parfaitement calibrée pour proposer ses solutions simples (certains diront simplistes) à une société fragilisée.

Clairement populiste, mais apparemment du bon côté, elle jouit de la mansuétude des médias dits sérieux et surfe sur l’opportunisme des tabloïds populaires qui espèrent engranger des dividendes en accumulant les thématiques censées préoccuper le « peuple ».

Vivant dans un monde sublimé vivant au rythme des incantations, les représentants du PTB s’appuient sur une communication hors-pair, elle-même basée sur une dialectique parfaitement rodée. C’est absolument vital pour ce type de parti politique qui n’a pas vocation à gouverner. Il engage d’autant moins sa responsabilité que ses « recettes » ne seront pas jamais appliquées. En France, Alain Krivine (Ligue communiste révolutionnaire) l’avait parfaitement compris lorsqu’il envoya en orbite géostationnaire le très charismatique Olivier Besancenot, facteur de son état. Raoul Hedebouw n’a pas le même joli minois, mais manie le verbe avec une belle dextérité. Quant au président du mouvement, Peter Mertens, c’est en quelque sorte un collègue : on salue ici sa prose, toujours bien charpentée, publiée sur levif.be.

Les têtes pensantes du parti sont particulièrement craintes, car elles ont réponse à tout. Sur un plateau de télévision, leur argumentaire est soigneusement préparé par un service d’étude pas encore pléthorique, mais bras armé indispensable de ce type de mouvement, à coups de chiffres incontestables en apparence et d’idées-chocs. Qui peut résister, par exemple, à l’idée d’une taxe sur les millionnaires ?

En l’absence de l’épouvantail soviétique et chinois – le premier a collapsé gavé d’économie dirigée et le second a choisi le modèle rêvé par tous les despotes de la terre : liberté d’entreprendre + dictature politique -, le capitalisme peut être taxé de toutes les turpitudes puisqu’il constitue le seul modèle qui ait survécu. Et depuis que le PTB a rompu avec les diables de l’histoire (Staline, Mao, Pol-Pot), il offre le visage lisse et poupon d’une extrême gauche fréquentable.

Face au PTB, la gauche traditionnelle wallonne au pouvoir (PS-cdH) est dans une situation d’autant plus inconfortable que le principe de réalité lui impose justement de « composer » avec l’économie de marché. L’austérité qui s’impose à la Région wallonne ou même à la ville de Charleroi n’est pas très éloignée des économies décidées au Fédéral. Les sociaux-démocrates européens, auxquels appartient le PS, ont depuis longtemps, au sein de leur « Internationale », reconnu la supériorité du marché dans l’ajustement d’un certain nombre de lois économiques. Et c’est bien ce que l’extrême gauche leur reproche.

Le cdH, émanation du PSC, conserve une vision économico-politique héritière du Mouvement ouvrier chrétien né d’une volonté, fin 19e siècle, de ne pas voir tous les ouvriers abandonner le christianisme pour le socialisme. Après l’ère Milquet, scotchée au PS et le cdH est toujours coincé entre « l’humanisme » dont il ne peut prétendre avoir le monopile et un processus de déchristianisation homéopathique. De nouvelles têtes comme Maxime Prévot font penser à d’anciennes figures de centre-droit comme Wathelet père, Maystadt, Poncelet et Deprez. Mais l’ancrage au centre gauche n’est pas remis en question. Le cdH se doit donc d’observer avec méfiance un PTB moins mollasson et en apparence plus crédible pour surfer sur la colère sociale qui gronde.

De son côté, Ecolo doit son succès à des figures de proue pragmatiques qui ont développé une écologie politique qui rompait plutôt modérément avec l’économie de marché. Cette approche consensuelle fut la rançon du succès, mais la pratique du pouvoir (couac du photovoltaïque…) l’a affaiblie. Il est incontestable que pour arrêter l’hémorragie d’électeurs, il lui faudra réaffirmer encore plus virilement la rupture avec le capitalisme que ce que la nouvelle direction bicéphale a fait jusqu’à présent.

PS, cdH et Ecolo ont tout à craindre du PTB, car leurs efforts de pédagogie se heurteront toujours à l’accusation de collaboration avec le grand capital

Ces trois partis ont donc tout à craindre du PTB car leurs efforts de pédagogie se heurteront toujours à l’accusation de collaboration avec le grand capital. Le PS en premier, dont les ténors mangent à la même table que le patronat wallon, par pragmatisme plus que par goût. Les appels du pied du PTB vers la FGTB ne sont pas encore en mesure de briser l’Action commune, mais de nombreux militants syndicaux ont déjà franchi, dans l’isoloir, le pas menant leur crayon vers la « vraie » gauche, vierge de tout accommodement avec le patronat.

L’alternance version Wallonie est donc assez singulière : lorsque la gauche modérée perd des points, c’est plus au profit de l’extrême gauche qu’au bénéfice de la droite.

Choix cornélien : faut-il courir sur les terres du PTB et cornaquer sans trop de nuances le capitalisme sans foi ni loi ou bien préférer l’attaque frontale en démontant un à un les arguments du PTB ? Les deux options comportent chacune leur risque : dans le premier cas, on préférera l’original à la copie ; dans le second, on renforcera l’image d’un PTB qui ne fait pas de compromis face aux forces de l’argent.

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