Selon le climatologue Sébastien Doutreloup, le remplissage des piscines pourrait être interdit dans les années à venir.
Selon le climatologue Sébastien Doutreloup, le remplissage des piscines pourrait être interdit dans les années à venir.

L’été belge s’annonce très sec: «On arrivera à une situation comme dans le sud de la France, c’est inévitable»

Cela fait des semaines que la Belgique n’a plus été arrosée. Cette sécheresse pluviométrique risque de se prolonger, selon les météorologues et climatologues, avec, à la clef, un été particulièrement sec… qui pourrait entraîner des restrictions en matière de consommation d’eau.

Le ministre flamand de l’Environnement, Jo Brouns (CD&V), a appelé ses concitoyens à ne pas gaspiller d’eau en prévision de «la sécheresse qui se profile à l’horizon». Le sud du pays n’est pas épargné non plus par cette sécheresse sans précédent. A Uccle, l’Institut royal météorologique de Belgique a enregistré, entre le 1er mars et le 13 avril 2025, à peine 7,8 mm de précipitations.

«C’est la période la plus sèche depuis 132 ans, expose David Dehenauw, météorologue de l’IRM. Cela ne représente pas l’ensemble de la Belgique. La sécheresse touche tout le territoire, mais peut-être moins fortement en Ardennes, où cinq à dix millimètres d’eau sont tombés ce lundi au cours d’averses orageuses éparses.»

Sébastien Doutreloup, climatologue à l’université de Liège, précise que la sécheresse que traverse la Belgique actuellement n’est pas de n’importe quelle nature, il s’agit d’une sécheresse pluviométrique. Ce constat s’appuie sur l’indice SPI (Standardized Precipitation Index), «qui compare les statistiques de précipitations des 90 derniers jours». Un autre indice, celui du déficit pluviométrique, élaboré par les spécialistes de l’ULiège, est plus concret encore et étudie la sécheresse dans les forêts.

Des réserves phréatiques bien remplies

Dans les deux cas, ces indices ne prennent pas en compte l’humidité des sols, qui peut entraîner ce que l’on appelle une sécheresse agricole. Ils n’intègrent pas non plus les niveaux d’eau dans les nappes phréatiques. Lorsque ces derniers sont plus bas que la moyenne, il est alors question de sécheresse hydrologique. La Belgique n’est heureusement pas encore concernée, indique Sébastien Doutreloup: «L’année passée, le pays a connu l’une des périodes les plus pluvieuses de son histoire, les nappes phréatiques se sont donc rechargées. Pour le moment, le niveau est toujours bon.»

La Société wallonne des eaux abonde. «Les nappes phréatiques évoluent par cycle. En automne et en hiver, quand les précipitations sont plus abondantes, elles se rechargent en eau. Alors que dès la fin avril, voire au début du mois de mai, les niveaux baissent, commente son porte-parole, Benoît Moulin. Les niveaux d’eau sont assez hauts, cette année, grâce aux précipitations anormales de 2024 auxquelles se sont ajoutées les précipitations normales de l’hiver. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter, ni d’imposer des restrictions sur l’eau.»

La SWDE, d’autres gestionnaires des eaux, et le Centre de coordination des risques et de la transmission d’expertise (CORTEX) du Service public de Wallonie gardent toutefois ces stocks d’eau à l’œil. Comme à Habay, où «on a tout de même signalé des niveaux en baisse dans les zones de captage. Aucun arrêté de police n’est prévu pour le moment, mais on reste attentif», indique Stéphanie Ernoux, chargée de communication du CORTEX.

Faire face à des étés belges toujours plus secs

En principe, les étés à venir risquent d’être beaucoup plus secs en raison du réchauffement climatique, met en garde Sébastien Doutreloup. Ce que confirme David Dehenauw, qui évoque, pour 2025, un risque de sécheresse de l’ordre de plus de 50%. «Cela reste une prévision saisonnière, il n’y a pas de garanties. D’ailleurs, je me montre toujours assez prudent avec ce type de prévision, mais vu la situation actuelle et ce que prédisent les modèles européens, je me devais de prévenir», souligne le météorologue, qui avance une période «sèche, à l’exception de précipitations très localisées, jusqu’au 23 ou 24 mai».

Pour endiguer le phénomène de sécheresse, ou du moins, s’adapter, il est important, selon le climatologue de l’ULiège, que la Belgique change son fusil d’épaule. «Il faut impérativement faire en sorte d’avoir des stocks d’eau suffisants en hiver, et de ne pas y puiser de manière disproportionnée pour en avoir assez une fois l’été venu. Ce stockage passe par une maximisation de la percolation de l’eau dans les nappes phréatiques, commente le Liégeois. «Pour cela, il faut de bons sols agricoles et forestiers perméables. Le problème, c’est que l’utilisation de pesticides, qui forment une croûte, et l’artificialisation des sols les rendent imperméables.»

La fin des piscines privées?

Le spécialiste est plutôt pessimiste quant à l’avenir des stocks d’eau en Belgique. Selon lui, à terme, les mégabassines, ces énormes réserves d’irrigation agricoles qui défraient la chronique, en France, depuis quelques mois, finiront par s’imposer chez nous. «Il faut absolument l’éviter en repensant notre manière de consommer l’eau et de cultiver. Par exemple, a-t-on réellement besoin de planter du maïs, alors que l’on sait qu’il s’agit d’une culture qui a besoin d’énormément d’eau?», s’interroge-t-il.

A l’échelle individuelle, aussi, des habitudes devraient être modifiées, selon Sébastien Doutreloup. Si Stéphanie Ernoux se veut rassurante sur le fait qu’il n’est pas question, pour le moment, de restrictions en matière de consommation d’eau, le climatologue est plus sceptique. «On arrivera, à un moment où à un autre, à une situation comme dans le sud de la France. Le remplissage des piscines sera interdit, de même que l’arrosage des potagers ou le nettoyage des voitures. C’est inévitable.»

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