Zelensky ne recevra pas ses premiers F-16 belges avant octobre, au plus tôt. Entre les livraisons retardées des F-35 et la nécessité d’assurer les missions de défense collective de l’Otan, la Belgique est toujours prise en étau en vue d’assurer ses promesses à l’Ukraine. «Mais cette fois-ci, on ne donne plus notre calendrier à Poutine.»
Le gouvernement De Croo les avait promis en grande pompe fin mai 2024. Il y a donc plus de quinze mois, la Vivaldi s’était engagée à offrir pas moins de 30 chasseurs F-16 à l’Ukraine. Un nombre qui, à l’époque, semblait élevé au vu des réticences occidentales initiales à livrer ce type d’armes à Zelensky.
Mais entre-temps, certains tabous sont tombés et l’Ukraine espérait voir atterrir les premiers avions sur son sol dès la fin 2024. Un espoir qui, depuis, s’est évanoui. Début septembre 2025, le constat est clair: aucun appareil n’a été livré. Plusieurs circonstances atténuantes l’expliquent, malgré une impatience de plus en plus palpable côté ukrainien.
F-16 à l’Ukraine: «On reste volontairement flous»
L’Arizona et son nouveau ministre de la Défense Theo Francken (N-VA) ont donc repris le dossier épineux laissé sur la table de sa prédécesseure Ludivine Dedonder (PS). Si la volonté initiale de la Vivaldi n’est pas rompue par le nationaliste flamand, on semble, cette fois, se montrer plus discret quant aux modalités de livraison. Même si le ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot (Les Engagés) «est plus volontariste sur le sujet», dit-on.
«Les premiers F-16 seront livrés à l’Ukraine dès que possible, mais nous restons volontairement flous sur le timing précis», explique le cabinet Francken, évoquant la nécessité de garder un secret opérationnel vis-à-vis de Poutine. «Pour des raisons évidentes de sécurité, on ne va pas communiquer notre calendrier à Poutine. Il ne doit plus tout savoir.» Si aucune date n’est donc avancée, «il y aura un lien direct avec l’arrivée des premiers F-35, concède-t-on. On ne peut pas se permettre d’avoir des trous dans la flotte».
Boris Morenville, responsable du SLFP-Défense, reste dubitatif quant aux méthodes employées actuellement et dit observer un «amateurisme latent» dans le chef du gouvernement, avec des «effets d’annonce» souvent peu fondés.
La formation des Ukrainiens pour les F-16 (et d’autres systèmes d’arme) par le personnel belge représente «un alourdissement de la charge de travail, critique-t-il par ailleurs. Nous sommes encore sous la barre des 25.000 militaires, or les missions à l’étranger s’intensifient».
F-16 à l’Ukraine: les F-35, principal blocage
Les quatre premiers chasseurs américains nouvelle génération, dont le délai de livraison a déjà été allongé à plusieurs reprises –tout comme son coût de production et d’utilisation (environ 40.000 dollars l’heure de vol)–, «seront livrés en octobre à la base aérienne de Florennes». Mais la totalité de la première commande, qui comprend 34 avions, est attendue à l’horizon 2030. En d’autres termes, l’Ukraine ne devrait pas recevoir les premiers F-16 belges sur son sol avant octobre, au plus tôt.
Les F-16 seront progressivement retirés du service à mesure que les F-35 prendront la relève. L’entièreté des pilotes devra également être formée au nouvel appareil. «Nous devons toujours être pleinement opérationnels. Un délai supplémentaire devrait donc s’écouler entre la réception des premiers F-35 et la livraison des F-16 à l’Ukraine. Ce ne sera pas du tac au tac», explique le cabinet Francken. Actuellement, deux F-16 belges sont déjà utilisés quotidiennement pour la formation au sol de techniciens ukrainiens, apprend-t-on par ailleurs.
Les F-16 toujours très sollicités
En parallèle, la Belgique continue d’utiliser ses chasseurs au maximum. La Défense emploie pleinement les F-16 pour la protection de son propre espace aérien, mais aussi pour assurer des missions de solidarité en Europe, dont le Air Policing au Benelux. Certains F-16 doivent être prêts à décoller à tout moment, en quelques minutes.
Dans le cadre de l’Otan, quatre F-16 belges sont également déployés en Islande depuis peu, dans une optique dissuasive vis-à-vis de la menace russe qui s’intensifie au Nord. La présence de bombardiers nucléaires est plus marquée dans la région qui, avec le Groenland, représente un passage très stratégique.
F-16: quel avenir d’ici 2030?
La Belgique détient une flotte de 54 chasseurs F-16 au total. Il restera donc théoriquement 24 avions non-livrés à l’Ukraine à l’horizon 2030. Quel sera le destin réservé à cette partie de la flotte? Peut-elle être revendue à d’autres pays? Sera-t-elle simplement mise hors service? Le cabinet Francken n’a pas la réponse. «Mais on verra si d’autres pays sont intéressés.» La question constitue aussi un enjeu économique de premier plan.
Et en cas de cessez-le-feu en Ukraine? Les F-16 livrés garderont toute leur utilité. «Ils joueront un rôle important pour assurer la sécurité de l’espace aérien ukrainien. En cas de tensions persistantes avec la Russie, il faut s’assurer que la frontière de l’Ukraine soit correctement protégée, dans le ciel aussi.» Une idée d’ailleurs partagée par le Général Jean-Paul Paloméros, ancien commandeur suprême de l’Otan, dans cet entretien récemment accordé au Vif.
Précédemment, Theo Francken avait déjà voulu marquer son soutien sans faille à l’Ukraine en annonçant un plan d’aide militaire global d’un milliard d’euros, «dont les F-16 ne font pas partie», précise-t-on. «Deux tiers de ces achats destinés aux Ukrainiens sont commandés à notre propre industrie.»