C’est une histoire qui hante la Belgique depuis des années et pour des années encore, l’affaire Marc Dutroux. Il y a trente ans, Julie et Mélissa étaient kidnappées par le pédocriminel. Aujourd’hui, Child Focus, créé des suites de l’affaire, est à court de moyens.
Il y a trente ans jour pour jour, le 24 juin 1995, Julie Lejeune et Mélissa Russo, deux fillettes de 8 et 9 ans, disparaissaient à Grâce-Hollogne, en province de Liège par Marc Dutroux. Leur enlèvement marque le début d’une affaire criminelle qui ébranlera la Belgique et révèlera les failles d’un système judiciaire dépassé.
Le samedi 24 juin 1995, Julie Lejeune et Mélissa Russo jouent dans la rue, près du domicile de cette dernière à Grâce-Hollogne. Peu après 17h00, les deux amies disparaissent sans laisser de trace. Dès le soir même, leurs parents inquiets alertent la police. Rapidement, les recherches s’organisent à grande échelle. Affiches, appels à témoins et battues citoyennes se multiplient. Mais durant près de quatorze mois, aucune piste sérieuse ne permet de retrouver les enfants.
Le 13 août 1996, à la suite de témoignages et d’informations recueillies par les enquêteurs, Marc Dutroux, un ancien repris de justice alors âgé de 39 ans, est arrêté à Marcinelle (Charleroi). Le 15 août, Sabine Dardenne (12 ans) et Laetitia Delhez (14 ans), deux autres jeunes victimes kidnappées par Dutroux et détenues dans une cache située dans sa cave, sont retrouvées vivantes dans sa maison. Deux jours plus tard, le 17 août 1996, les corps sans vie de Julie et Mélissa sont découverts enterrés dans le jardin d’une autre propriété appartenant à Dutroux, à Sars-la-Buissière (Hainaut). Les corps d‘An Marchal et Eefje Lambrecks, deux adolescentes flamandes disparues en août 1995, seront exhumés le 3 septembre 1996 près d’un chalet situé à côté d’une propriété du pédocriminel.
Des Marc Dutroux en ligne trop nombreux pour Child Focus
Parmi l’avalanche de réformes provoquées par l’affaire Dutroux dans la justice belge, il y a eu Child Focus. L’organisation est confrontée à une hausse sans précédent du nombre de disparitions de mineurs, alors que son modèle de financement, largement dépendant de la générosité du public, est plus que jamais sous pression.
Child Focus a traité 3.020 dossiers de disparitions et d’exploitation sexuelle de mineurs l’an passé, contre 1.503 en 2021. Un doublement en seulement trois ans qui met l’organisation sous pression. Face à cette hausse des dossiers, Child Focus doit redoubler d’efficacité sans moyens supplémentaires. « Les gens qui travaillent chez nous gèrent aujourd’hui deux fois plus de dossiers au quotidien. Ce n’est pas parce que le nombre de dossiers a doublé qu’on a pu se permettre de doubler nos effectifs. On tire un peu sur la corde », explique la directrice générale de Child Focus, Nel Broothaerts.
L’organisation fonctionne principalement grâce au soutien du public et à une dotation de la Loterie nationale, qui ne couvre qu’environ 20% de ses revenus. Une situation de plus en plus intenable dans le contexte économique actuel. Au-delà des disparitions, Child Focus est confrontée à l’essor de nouveaux phénomènes qui se répandent sur la toile, comme l’exploitation sexuelle en ligne, la sextorsion ou encore la diffusion de contenus intimes générés par intelligence artificielle. « Ce sont des problématiques qui n’existaient pas il y a 30 ans. Aujourd’hui, elles prennent une ampleur considérable et nécessitent des réponses adaptées, notamment au niveau législatif », insiste la directrice. Cette dernière appelle à une régulation européenne plus stricte pour limiter la diffusion d’images de violences sexuelles sur les enfants.
Ces « menaces » numériques, par ailleurs, affectent les jeunes différemment selon leur genre. Dans le cas de la sextorsion par exemple, Child Focus constate que les garçons en sont plus souvent victimes que les filles, une tendance observée à l’échelle mondiale. Cette spécificité s’explique notamment par des stratégies ciblées mises en place par les réseaux criminels, qui exploitent la vulnérabilité des garçons, souvent moins enclins à demander de l’aide, analyse la directrice.