La création d’un parquet financier et le recrutement de 377 inspecteurs pour endiguer la fraude fiscale et sociale: ce n’était pas annoncé, mais c’est réjouissant. Pourvu que.
C’est la surprise du chef! Un parquet financier, personne ne s’y attendait, même pas l’ex-juge d’instruction Michel Claise, aujourd’hui chez DéFI. «Je suis très étonné, dit-il. Je prône la création d’un parquet financier depuis bien avant mon entrée en politique. Ce qui est surprenant, c’est que DéFI avait justement lancé la proposition il y a quelques semaines mais s’était heurté à un « non » catégorique de l’Arizona.» L’ancien magistrat, désormais à la retraite, se réjouit de cette proposition émanant du gouvernement fédéral et évoque le modèle du parquet national financier (PNF) en France qui, créé en 2014, a fait ses preuves. En une dizaine d’années, celui-ci a permis, grâce aux condamnations judiciaires et aux conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP), de rapporter entre douze et treize milliards d’euros au Trésor français.
Pour le magistrat, il faut que le futur parquet financier belge colle au modèle français, d’abord pour l’indépendance des magistrats par rapport au pouvoir exécutif. C’est essentiel dans des affaires de corruption, comme on l’a encore vu dans le dossier libyen de Nicolas Sarkozy. Ensuite, le PNF a le pouvoir de conclure des CJIP et cette alternative aux poursuites pénales lui permet d’infliger des amendes à des entreprises pour des faits de corruption, de fraude fiscale, de blanchiment… Airbus a ainsi payé 3,6 milliards d’euros, dont deux milliards à l’Etat français en 2020, dans un dossier de corruption réglé par une CJIP. Ce genre de mesures permet d’éviter un procès long et incertain. Or, on connaît, en Belgique, la cachexie des juridictions de fond en matière financière, en particulier à la cour d’appel.
«Il y a des milliards à aller chercher, déjà dans les déclarations de la Ctif»
«Il y a en tout cas des milliards à aller chercher, ne fût-ce qu’en examinant les déclarations de la cellule antiblanchiment (Ctif) auprès du ministère public, qui, pour la plupart, dorment dans des armoires faute de moyens, affirme Michel Claise. On sait que la corruption est endémique en Belgique qui a reculé de quatre point dans le dernier classement de Transparency International. Un parquet financier donnera aussi des résultats en matière de sécurité. Car, en frappant les organisations criminelles au portefeuille et à la tête, cela aura forcément des répercussions en cascade sur les crimes commis au nom de ces organisations.» L’ancien magistrat pointe enfin la cybercriminalité, qui devrait être prise en charge par ce parquet spécialisé. «Aussi grave que le narcotrafic, c’est devenu le domaine criminel qui rapporte le plus d’argent et qui est le plus dommageable pour notre société», ajoute-t-il.
Par ailleurs, recruter 377 agents experts en fraude fiscale et sociale ne sera pas simple. Les cellules spécialisées en délinquance financière comme l’OCRC et l’Ocdefo, malmenées ces dernières années, devraient être renforcées. L’Inspection spéciale des impôts (ISI) en aurait bien besoin aussi. «Mais il ne faudrait pas répéter les erreurs du passé, affirme Michel Maigret, du syndicat UNSP-finances. Il y a des d’années, l’engagement de personnel à l’ISI avait mis à contribution les anciens qui devaient former les nouveaux. Résultat: le service ne tournait qu’à 70% de ses moyens pour les enquêtes.» La formation d’un agent ou d’un inspecteur spécialisé prend du temps. Difficile de croire que tout cela sera opérationnel rapidement.