L’OTAN aussi dispose d’une force de drones légers. Ici un engin des fantassins polonais des Forces de défense territoriale (FDT), présenté lors d'un entraînement au tir réel en vue d'une attaque surprise. © Dominika Zarzycka/Sipa USA

Faut-il avoir peur des drones qui survolent la Belgique? «Ca fait planer une menace qui n’en est pas vraiment une»

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

Le Vif a pu identifier de nouveaux sites sensibles survolés par des drones. Mais les autorités belges se veulent prudentes: ces opérations sont sans impact direct et ont vocation tant à perturber le fonctionnement de certaines infrastructures critiques (aéroports, etc.), qu’à marquer l’opinion.

Les drones ont un pouvoir, au-delà de leur bourdonnement discret dans le ciel belge. Ils imposent leur présence. Comme une menace diffuse, symbole d’une guerre hybride menée par la Russie en Europe. Une guerre qui jusqu’ici se jouait principalement sur les terrains cyber et informationnel, et qui de plus en plus s’approche des infrastructures critiques. A ce jeu-là,  la voie de l’air, rapidement accessible par de petits engins peu chers et maniables, est redoutablement efficace.

A l’image d’autres pays européens (Danemark et Allemagne, où des aéroports ont été perturbés, mais aussi en Pologne, où la chasse otanienne a été amenée à abattre des drones), la Belgique n’y échappe pas. Les incidents se sont multipliés ces dernières semaines. Comme au-dessus de la base militaire d’Elsenborn, à l’est du pays, où une quinzaine de drones potentiellement liés à la Russie ont été aperçus –une enquête est toujours en cours. Mais aussi au-dessus d’autres infrastructures liées au secteur militaire, identifiées par le Vif et confirmées par plusieurs sources sécuritaires.

Fausses alertes, vrais drones

Tant à la Sûreté de l’Etat (renseignement civil) qu’au SGRS (renseignement militaire), on tempère la portée de la menace. «La Russie n’a pas les moyens qu’elle prétend avoir», glisse un porte-parole de la Sûreté. Pour l’heure, il s’agit surtout de cartographier les incidents, ce qui implique une bonne coordination entre les différents services de renseignements et au-delà, toutes les autorités concernées. Un travail qui peut s’avérer prenant, vu le nombre de fausses alertes. A Butgenbach, près d’Elsenborn, le bourgmestre de la commune a précisé qu’un drone avait été utilisé pour tenter de retrouver un cheval, semant le trouble sur l’origine des engins repérés au-dessus de la base militaire. A Bruxelles, la présence d’un petit engin volant à proximité du bâtiment abritant Euroclear (l’institution où se trouvent gelés les actifs russes en Europe) a suscité une inquiétude certaine. Avant que l’on s’aperçoive que le drone appartenait à un entrepreneur impliqué dans un chantier juste à côté, soucieux d’inspecter son ouvrage…

 «De toute évidence, on voit que cette exploitation des zones grises du drone permet de faire planer une menace qui n’en est pas réellement une, mais la multiplication des événements donne l’impression à la population que les autorités ne sont pas capables de répondre à la menace, observe Alain de Nève, analyste pour l’Institut Royal de Défense (IRSD). Ce n’est pas complètement infondé, puisqu’il va falloir trouver la parade adéquate. Dans tous les cas, ce sera toujours plus onéreux que ce qu’a coûté la mise en œuvre de ces drones. Mais c’est un faux débat ; la posture défensive dans le contexte technologique actuel est toujours plus coûteuse que la posture offensive…»

Arsenal à disposition

«Par ailleurs, il y a un volet militaire, mais l’identification de ce type de drones requiert des moyens qui ne sont pas uniquement militaires. C’est particulièrement vrai pour la Belgique: différents acteurs de différentes entités doivent se coordonner pour neutraliser le risque. Neutralisation qui ne peut pas se faire n’importe comment», poursuit Alain de Nève, alors même que certaines entreprises, telle Thalès (dont une usine a potentiellement été elle-même survolée voilà quelques jours), profitent de l’occasion pour vanter leur propre arsenal antidrone (brouillage, laser, etc.).

Il faut dire que le momentum est là, alors que l’Union européenne a annoncé, lors de son dernier sommet à Copenhague, vouloir se doter d’un «mur antidrone» mêlant couverture aérienne, brouillage et intelligence artificielle. Un vœu pieu?

«Lorsque l’on parle d’un mur antidrone aujourd’hui, ça veut tout dire et rien dire à la fois», commente Alain de Nève, qui en revient à la description précise de la menace. «Il faut d’abord identifier à quoi on a affaire. Et à partir de là, on peut effectivement décider des moyens de neutralisation les plus importants. L’Europe dans ce cadre est à la fois sous-équipée et suréquipée. Un drone qui tournicote autour d’un aéroport menace le bon fonctionnement d’une infrastructure critique, mais ce n’est pas une menace aérienne classique pour laquelle il existe tout un dispositif d’identification et de tracking particulièrement efficace –multiplicité de capteurs terrestres, spatiaux, insérés dans un processus Otan bien huilé. Là, on a la parade.»

Pour le reste, le casse-tête ne fait que commencer.

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