
Vers plus de «cantines durables» dans les écoles: «C’est parfois plus rassurant de simplement vendre des frites»
La Wallonie vise la préparation de 25.000 repas sains et durables par jour dans les cantines collectives, dont celles des écoles, d’ici la fin de l’année. Un objectif qui passera parfois par un accompagnement, pour aider certains établissements où les frites et les surgelés sont rois.
Manger sainement, local et de saison peut résonner comme une évidence, mais ne l’est pas toujours. Le ministre wallon de la Santé, de l’Environnement et des Solidarités Yves Coppieters (Les Engagés) l’a d’ailleurs rappelé cette semaine, en présentant sa feuille de route pour une «alimentation saine et durable», en Wallonie.
Le plan d’action sera assorti d’un budget de dix millions d’euros investi sur la mandature, qui vise à soutenir différents projets. Il s’agit notamment de réduire les déchets et le gaspillage alimentaire, d’intégrer davantage de produits locaux et bio dans la transformation agroalimentaire ou encore d’améliorer la situation dans les cantines collectives. «Manger durable ne suffit plus. Il est désormais essentiel de manger sain pour répondre aux défis de santé publique, de respect de l’environnement, et d’équité sociale», a déclaré le ministre.
En termes de restauration collective, Yves Coppieters souhaite atteindre d’ici la fin de l’année la préparation de 25.000 repas sains et durables par jour dans les écoles, maisons de repos, hôpitaux et autres centres d’hébergement. Ce qui représentera environ un repas sur huit parmi les 200.000 plats servis chaque jour dans la restauration collective en Wallonie.
Un accompagnement vers la labellisation «durable»
Pour encourager les cantines à mettre en place une nouvelle politique alimentaire, la Wallonie a lancé en 2019 le «green deal cantines durables», un accord volontaire au sein duquel les acteurs s’engagent à mener des actions vers une alimentation durable. Les établissements peuvent ainsi se voir labelliser, d’un à trois radis, en fonction du respect d’un cahier des charges comprenant 42 critères. Quelque 200 établissements scolaires et autres sont aujourd’hui labellisés, livrant un peu plus de 12.000 repas/jour.
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«Il faut insister sur l’aspect volontaire de la démarche, c’est un projet qui doit être porté par les équipes et ne pas être imposé. Une fois la charte signée, il y a un accompagnement de 18 mois pour arriver à atteindre les objectifs vers la labellisation», explique Simon Lechat, chargé de mission territoriale pour la cellule «Manger Demain», en charge de l’accompagnement.
Est-ce à dire que les enfants mangent mal aujourd’hui à l’école? «Certaines sont déjà sensibilisées à l’alimentation plus saine et durable, mais d’autres partent quasiment de zéro. Les cantines qui tournent aux surgelés, sans transparence sur la provenance, c’est évidemment une réalité. Il faut aussi reconnaître que les repas représentent une rentrée financière importante pour certains établissements, il faut souvent y aller progressivement. C’est parfois plus rassurant de simplement vendre des frites, mais l’accompagnement est là aussi pour dépasser les craintes», poursuit-il.
Une sensibilisation efficace dès le plus jeune âge
Les écoles représentent naturellement un public intéressant pour le projet «cantines durables», car la sensibilisation au bien manger dès le plus jeune âge favorise l’ancrage des bonnes pratiques et l’apprentissage de certaines réalités, comme la saisonnalité des produits. «C’est l’endroit le plus facile pour mettre en place ce genre d’action. Le public des ados est en revanche parfois plus difficile à convaincre, simplement car ils peuvent sortir de l’établissement. Ils vont s’acheter à manger parfois pour plus cher et de moins bonne qualité à l’extérieur. Mais on essaye aussi de s’adapter, avec d’autres produits comme des sandwichs», détaille Simon Lechat.
Parmi les plus grosses difficultés, la réticence au changement est tenace, en plus de certains a priori. Le repas végétarien, avec une protéine végétale, est probablement celui qui demande le plus de travail, reconnaît le chargé de mission. «On voit bien les réactions épidermiques que ça génère parfois. Beaucoup de cantines ont peur, car ce n’est pas dans les habitudes. Il faut tester les recettes, voir ce qui fonctionne ou pas. En milieu rural, certains critiquent aussi la démarche car il y a des éleveurs à proximité. Mais cela ne veut pas forcément dire que la cantine achète sa viande auprès d’eux. Comme la protéine végétale coûte moins cher que l’animale, c’est peut-être justement l’occasion d’acheter de la meilleure qualité, à proximité, avec le budget récupéré en passant à un repas végétarien de temps en temps. Ce choix fait vraiment vivre les éleveurs locaux et c’est durable.»
En plus de la formation, pratique et théorique, des équipes, des échanges d’expériences sont mis en place. Les écoliers peuvent aussi être amenés à composer eux-mêmes le menu, afin de rendre plus concrets les choix posés, d’être acteurs de la démarche. Le tout afin de viser, in fine, l’obtention du label.
Plus de 370 cantines sont engagées dans le processus et l’objectif serait d’en atteindre 400 d’ici la fin de l’année. «Le label, c’est le prétexte pour pousser vers du durable et du sain et on vise évidemment à faire passer le mot entre les écoles. Pour autant, l’idée n’est pas de sacrifier les exigences de la labellisation pour faire du chiffre, mais au contraire de garder la qualité. Tout le monde y gagne: c’est bon pour l’environnement et pour les enfants», conclut le chargé de mission.
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