A l’instar d’autres filières pédagogiques, les études d’éducation physique peinent à séduire de nouveaux inscrits. © Getty Images

Prof d’éducation physique, un métier qui ne fait plus rêver? Pourquoi les inscriptions dégringolent

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Les inscriptions en première année d’Education physique et Education à la Santé sont en baisse. Une tendance qui s’inscrit dans un contexte global de désamour pour le métier d’enseignant, aggravé par l’allongement de la formation à quatre ans.

C’est l’un des «plus beaux métiers du monde». Et pourtant, il ne séduit plus. Ou en tout cas moins que par le passé. Les jeunes qui rêvent de devenir professeur d’éducation physique se raréfient ces dernières années. A la Haute Ecole Bruxelles-Brabant (HE2B), le nombre d’inscrits en «Education physique et Education à la Santé» (EP&S) a chuté de 34,9% entre septembre 2022 et septembre 2024. Même constat à la Haute Ecole Libre Mosane (HELMo), où à peine 139 étudiants étaient inscrits dans la filière en septembre 2024, contre 168 en 2022 et 195 en 2018. Soit une chute de 29% en six ans.

Le tableau est un peu moins sombre à la Haute Ecole Léonard de Vinci (-14% en deux ans), qui s’inquiète toutefois d’une désertification féminine. «On a toujours été une filière assez masculine, avec environ 80% d’étudiants pour 20% d’étudiantes, observe Jean-Philippe Dupont, chef de département du master en EP&S de l’établissement bruxellois. Mais cette année, on est passé à seulement 10% de filles

Une chute relative

Globalement, la perte d’attractivité du métier s’inscrit dans un contexte de crise des vocations pédagogiques en Fédération Wallonie-Bruxelles. En à peine deux ans, le nombre de jeunes ayant entamé des études pour devenir instituteur ou enseignant du secondaire inférieur a ainsi chuté de 31%, passant de 5.146 à la rentrée 2022 à 3.562 en 2024. Une tendance qui se confirme à l’Henallux, qui a observé 32% d’inscrits en moins en trois ans dans la section 3, à savoir la filière qui forme les futurs enseignants pour les classes de la 5e primaire jusqu’à la 3e secondaire. «Comparé à cette dégringolade, la chute des inscrits en éducation physique (NDLR: -20% dans l’institution namuroise) est donc à relativiser, insiste Alain Bultot, responsable du département pédagogique. La situation est bien moins grave que pour les formations d’instituteur ou de professeur de maths et de français.»

Cette désertification progressive des filières pédagogiques n’est sans doute pas étrangère à la réforme de la formation initiale instaurée en 2023, impliquant un allongement de la durée des études de trois à quatre ans. «L’allongement du parcours n’est pas un souci en soi, nuance Sylvie Anciaux, directrice du département pédagogique à la HE2B. Ce sont surtout les messages gouvernementaux autour du salaire qui posent problème. Aujourd’hui, les étudiants qui entament leurs études en haute école ne savent toujours pas s’ils bénéficieront d’une revalorisation barémique par rapport à leurs prédécesseurs qui ont bouclé leur parcours en trois ans. C’est très flou.»

Pour assurer leur avenir financier, certains jeunes préfèrent ainsi opter pour l’université pour leurs études d’éducation physique. Les établissements francophones proposent en effet un master en cinq ans, à l’issue duquel les diplômés peuvent prétendre au barème 501, nettement plus avantageux.

L’essor des «coachs sportifs»

D’autres privilégient des filières alternatives, davantage en accord avec leurs ambitions. La nouvelle formation en coaching sportif, dispensée en trois ans, connaît par exemple un succès croissant. Un «titre séduisant» pour les jeunes mordus de sport, qui n’ont pas forcément la fibre pédagogique, analyse François Poull, responsable du secteur éducation physique pour le SeGec (Secrétariat général de l’Enseignement catholique). Car pour être un bon prof d’éducation physique, «il ne suffit pas d’aimer le sport et les enfants». Les qualités relationnelles, comme la bienveillance et le sens de l’écoute, priment sur les compétences athlétiques. «C’est un métier exigeant, où la maîtrise de la langue française (orale et écrite), est également importante, poursuit le responsable au SeGec. Ça a beaucoup d’impact sur la réussite des étudiants.»

D’autant que les études incluent désormais un volet «Education à la Santé», absent de la formation antérieure. «Le métier a beaucoup évolué, insiste Jean-Philippe Dupont (Haute Ecole Léonard de Vinci). Les missions du professeur incluent aujourd’hui une dimension de sensibilisation à une vie saine et active, bien plus importante que les notions de performance. Ca donne d’autant plus de sens et de valeur au métier

Pourtant, dans l’imaginaire collectif, «les clichés ont la vie dure», déplore le chef de département du master en EP&S. Le métier en souffre, rien que dans ses appellations. «Or, un professeur d’éducation physique et à la santé, ça n’a rien à voir avec un « prof de sport » ou un « prof de gym ».» Les préjugés associés au métier d’enseignant de manière générale plombent également l’attractivité des études en éducation physique, regrette Sylvie Anciaux (HE2B).

Pas de pénurie

Contrairement à d’autres filières, la chute du nombre d’inscrits en EP&S n’a toutefois pas encore d’incidence massive sur le secteur. La catégorie des professeurs en éducation physique est l’une des seules épargnées par la pénurie. «C’est une fonction qu’on arrive encore globalement à pourvoir, confirme Sébastien Goffe, directeur de la plateforme JobEcole, qui met en relation des établissements francophones et des enseignants. Je ne dis pas que toutes les demandes trouvent preneur, mais le contexte est moins tendu que pour les professeurs de langues, par exemple.» Actuellement, 17 annonces sur les quelque 450 offres disponibles en ligne visent des professeurs en éducation physique.

Une tendance qui peut également plomber l’attractivité de la filière «Il n’y a pas forcément de garantie de trouver un emploi à la sortie des études, ce qui peut décourager certains jeunes, estime François Poull. D’autant que le début de parcours est souvent semé d’embûches. «Pour avoir un horaire complet en éducation physique, les jeunes diplômés combinent souvent trois ou quatre écoles différentes, ce qui rend l’intégration et l’investissement compliqués. Les conseils de classe, les activités extrascolaires ou les fêtes de fin d’année se multiplient et imposent à l’enseignant, qui ne peut pas se dédoubler, de faire un choix. Au final, il se retrouve partout mais nulle part à la fois.»

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