Le Vif lance l’opération «Salle des profs», avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin. Pour l’institution, cette initiative s’inscrit dans son engagement pour un enseignement inclusif et plus égalitaire.
L’opération «Salle des profs» du Vif est soutenue par la Fondation Roi Baudouin (FRB). L’institution promeut un enseignement inclusif, performant et plus égalitaire. Elle était donc tout naturellement le partenaire naturel du projet. «Notre stratégie est d’offrir aux individus, aux associations et aux organisations un soutien pour les aider à se développer et ainsi à étendre leur empreinte sociétale», résume Farah Ridane, responsable du programme «Education et développement des talents» au sein de la fondation. En matière d’éducation, la responsable dresse deux grandes priorités: l’égalité des chances et la qualité et l’innovation dans l’enseignement.
«Malheureusement, les inégalités ne sont pas réduites à l’école.»
Presque 50 ans après sa création, la FRB se développe à grande vitesse. Particuliers et entreprises de toutes tailles se consacrent désormais à la philanthropie. La fondation se veut apolitique, pluraliste et indépendante. «Ce qui rend possible les collaborations avec beaucoup d’acteurs et lui offre une grande légitimité, construite au fil du temps», assure Farah Ridane.
L’une des grandes forces de l’institution repose en effet sur son vaste réseau. «Nous pouvons connecter beaucoup d’acteurs entre eux, car nous sommes à la fois au contact d’institutions, d’associations de terrain que l’on finance, et des bénéficiaires. Nous sommes un catalyseur entre toutes ces voix», poursuit la responsable, qui estime que cette position donne de «la profondeur à leur parole», lui permet «d’apporter son expertise, de nouveaux angles d’analyse sur des problématiques ou encore d’alarmer sur des problèmes sous-jacents». Et d’ajouter: «La fondation permet de catalyser les connexions entre les acteurs de l’écosystème éducatif, au profit de la réussite des jeunes.»
Focus sur quatre de ses chantiers.
Agir dès la maternelle
«A la fondation, on est convaincu qu’il faut faire le maximum dès la petite enfance. Très tôt, l’écart se creuse entre les élèves issus de familles aisées et les autres», déclare Farah Ridane.
Le développement des enfants se différencie très tôt, dès le plus jeune âge, en fonction de leur milieu social. Ces différences sont liées aux inégalités économiques et culturelles des familles dans lesquelles ils grandissent. Les enfants arrivent donc en maternelle avec, déjà, de grandes disparités dans leur développement personnel. Et, malheureusement, les inégalités ne sont pas réduites à l’école.
«Les professionnels ne sont pas suffisamment formés ni équipés face aux enjeux de la précarité et de la diversité, poursuit la responsable. Développer les compétences des équipes pédagogiques constitue un levier puissant pour améliorer la réussite de tous les enfants.» Dans la lignée du Pacte pour un enseignement d’excellence, la FRB et la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) ont donc mis au point des dispositifs de formation: «La maternelle, c’est essentiel.» Ces formations proposent des outils concrets pour les équipes éducatives, afin de mieux accompagner les enfants en situation de pauvreté, dès leur entrée en maternelle.
Ne gâcher aucun talent
«Il faut quatre générations pour casser la chaîne de la pauvreté, pour permettre aux jeunes issus des familles les plus fragilisées d’atteindre le revenu belge moyen, soit une centaine d’années!, relève Farah Ridane. Au-delà des effets préjudiciables à l’échelle individuelle, cela influence notre société sur les plans économique, politique et social.»
A travers son programme «Boost», l’institution accompagne de très près des jeunes talentueux issus de milieux défavorisés durant six ans, dès l’âge de 15 ans et jusqu’à leur entrée dans la vie active. Coaching personnel, ateliers divers, connaissance de soi, gestion du stress, aides financière et matérielle: autant de coups de pouce qui leur permettent de développer leur potentiel. Il s’agit également de faciliter leur accès à l’enseignement supérieur, à un master, un doctorat ou même à la recherche pour celles et ceux qui n’ont pas les ressources, les moyens ou le réseau de le faire. «Boost démontre qu’avec un soutien individuel, de la confiance en soi, un accès à des informations, à un réseau, on peut transformer le parcours de vie de nombreux jeunes», observe la responsable. A ce jour, près d’un millier de jeunes ont bénéficié du programme.
A côté de cela, et via le programme «Voix émergentes», la fondation veut amplifier la voix des jeunes, surtout celle de ceux qu’on n’a pas l’habitude d’entendre ou qui sont stigmatisés. Elle a notamment créé une plateforme unique où des jeunes engagés peuvent échanger des idées, des réflexions, agir, sensibiliser et inspirer d’autres jeunes et les décideurs politiques. Ils ont également la possibilité de s’exprimer pour enrichir le débat public. «Nous renforçons ainsi notre réseau d’alumni, pointe la directrice. Mais le trait d’union de tous ces projets, c’est que les jeunes deviennent eux-mêmes des sources d’inspiration pour d’autres.»
«Permettre aux enseignants de se développer, c’est par ricochet permettre aux élèves de se développer et s’épanouir.»
Sensibiliser aux enjeux du numérique
Piloté par des experts de l’UCLouvain et l’UGent et initié par la FRB, le «Baromètre de l’inclusion numérique» suit l’évolution des inégalités numériques en Belgique depuis 2020. Les dernières données révèlent que quatre Belges sur dix se trouvent en situation de vulnérabilité numérique –ils ont de profondes lacunes dans les compétences ou l’accès aux technologies ou services numériques, qu’il s’agisse d’obtenir un rendez-vous médical, écrire un CV grâce à un logiciel comme Word ou de vérifier une information sur un moteur de recherche. Le taux de vulnérabilité atteint 32% chez les jeunes (16-24 ans). Un sur trois, pourtant considéré comme un digital native (né avec un smartphone à la main) est, en 2023, vulnérable. Et un sur deux détenteur d’au maximum d’un diplôme du secondaire inférieur n’a pas les compétences suffisantes. «Malgré l’ampleur du phénomène, l’information passe pratiquement inaperçue, regrette Farah Ridane. Ce baromètre illustre parfaitement nos missions: contribuer aux réflexions, apporter notre expertise et faire entendre la voix de ceux qu’on entend peu ou qu’on entend pas.» Au-delà de la fracture numérique, la fondation explore actuellement un autre enjeu majeur: celui des risques liés à la surexposition aux écrans chez les nouvelles générations. Ou comment identifier les effets délétères –tels que la fatigue mentale, la baisse de concentration ou le repli social– et favoriser des pratiques numériques équilibrées.
Valoriser le métier d’enseignant
Leur donner la parole, les outiller, soutenir des pratiques pédagogiques innovantes: la fondation joue un rôle actif et pluriel auprès des enseignants. Un exemple, parmi d’autres: le soutien à la plateforme etreprof.be. Inspiré de son frère français (etreprof.fr) et créé par des enseignants, ce portail s’adresse aux enseignants du primaire et du secondaire. Son objectif: mettre à disposition des outils numériques et construire un espace de partage et d’échanges. Une espèce de mentorat entre enseignants. Ce sont les utilisateurs (donc des profs) qui conseillent les autres utilisateurs sur les ressources. Qu’il s’agisse de contenus destinés à préparer des cours plus rapidement et efficacement, ou d’autres qui permettent de pousser la réflexion sur la manière même d’enseigner. De quelles façons améliorer le climat en classe? Comment optimiser sa façon d’évaluer? Comment aider les enseignants à faire face aux élèves avec des troubles d’apprentissage? Des rendez-vous en ligne sont également organisés pour, par exemple, parler de leurs pratiques sur l’IA ou discuter de la gestion de leur classe. La plateforme cible tous les enseignants, mais aussi (et surtout) ceux qui débutent. «Permettre aux enseignants de se développer, c’est par ricochet permettre aux élèves de se développer à leur tour et de s’épanouir, sachant le rôle primordial de l’enseignant dans la réussite de tous les élèves», conclut Farah Ridane.