A la rentrée 2026-2027, la charge de travail des enseignants du secondaire supérieur passera de 20 à 22 périodes hebdomadaires. Des exceptions sont prévues pour les profs du spécialisé ainsi que pour ceux en début et fin de carrière. Une mesure d’économie «inaudible» et basée sur des «contre-vérités», fustigent les syndicats.
La rumeur courait depuis une quinzaine de jours. «Il paraît qu’on va devoir travailler (encore) plus», soufflait un enseignant bien informé à l’intercours. «Apparemment, c’est le secondaire qui va payer», en glissait un autre en salle des profs. Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a mis fin à tout suspense vendredi, en présentant les grandes lignes de son accord budgétaire pour 2026.
Et les bruits de couloir se confirment: la charge horaire des enseignants va bel et bien augmenter. Mais tous ne seront pas concernés. Concrètement, dès la rentrée prochaine, les profs du degré secondaire supérieur (NDLR: de la quatrième à la rhéto) verront leurs périodes hebdomadaires «face classe» passer de 20 à 22. Une décision que la ministre de l’Enseignement Valérie Glatigny (MR) justifie par une volonté d’«équité» et d’«harmonisation» entre les différents niveaux, alors que les profs du secondaire inférieur prestent, eux, déjà 22 périodes par semaine.
Des exceptions à cet allongement du temps de travail sont toutefois prévues pour les enseignants qui excercent dans le spécialisé, ainsi que pour les profs en début et en fin de carrière (60 ans et plus), qui conserveront le régime de 20 périodes. «Nous savons qu’il y a un exode important de jeunes qui débutent dans le métier, reconnaît Valérie Glatigny. L’idée est donc de leur octroyer deux périodes en moins « face classe » lors de leur première année d’enseignement, de façon à leur offrir davantage de temps pour préparer leur cours.»
Au moins quatre heures en plus
En décrétant cette augmentation de charge horaire pour le secondaire supérieur, l’exécutif MR-Engagés suit les recommandations du Comité d’experts chargé d’explorer les différentes pistes d’économie pour sortir la FWB du coma budgétaire. Il écarte par contre l’hypothèse d’un allongement significatif du temps de travail pour les enseignants à «charge autonome faible», à savoir les professeurs d’éducation physique et d’éducation artistique et musicale, qui avait également été mise sur la table par ce même Comité. A noter que la charge horaire dans le maternel (26 périodes) et dans le primaire (24 périodes) ne subit aucune modification.
Sans surprise, la mesure suscite une vague d’indignation dans les rangs syndicaux. «Ça fait 30 ans que la charge de travail des enseignants sert de variable d’ajustement budgétaire, ce qui s’apparente à un très mauvais signal», regrette Luc Toussaint, président de la CGSP-Enseignement. Si deux périodes de cours supplémentaires peuvent paraître dérisoires aux yeux du grand public, le syndicaliste souligne que cela représente une augmentation de 10% de la charge de travail. «C’est comme si on disait à un employé qui travaille déjà à temps plein de prester une demi-journée en plus tous les samedis matins», illustre-t-il.
De son côté, le secrétaire général de la CSC-Enseignement rappelle que deux périodes «face classe» ne se limitent pas qu’à deux heures de travail. «Il faut d’abord préparer ce cours, puis prendre en charge les corrections ou encore l’encodage des notes, insiste Roland Lahaye. Cela équivaut en réalité à au moins quatre heures de travail en plus.»
Travailler plus, sans gagner plus
D’après les calculs des syndicats, la mesure annoncée par la coalition Azur équivaudrait à la disparition de quelque 10% d’équivalents temps plein dans le secondaire supérieur. «En augmentant la charge de travail individuelle, la ministre décide d’un claquement de doigt de faire une croix sur 10% d’emplois, alors que, dans le même temps, elle n’arrête pas d’insister sur l’importance d’attirer de nouveaux enseignants», regrette Luc Toussaint.
Pour Roland Lahaye, la mesure risque de nuire à l’attractivité du métier, alors que le secteur fait déjà face à ce criantes pénuries. «Augmenter la charge de travail sans octroyer une revalorisation salariale, c’est complètement inaudible», tonne le secrétaire général de la CSC-Enseignement. D’autant que, lors de sa prise de parole vendredi, la ministre a insisté sur sa volonté de préserver le pouvoir d’achat des enseignants. «Or, en augmentant la charge de travail, elle touche de facto au salaire et diminue le taux horaire de rémunération…».
«C’est comme si on disait à un employé qui travaille déjà à temps plein de prester une demi-journée en plus tous les samedis matins.»
Pour justifier sa décision, la ministre assure que la charge de travail des enseignants francophones serait de 30% inférieure à la moyenne internationale. Sur le fond, les estimations de la ministre sont à peu près correctes (bien que sur-estimées). Selon un rapport de l’OCDE, les profs du secondaire supérieur en FWB prestaient en effet 588 heures par an en 2021, contre 772 heures en moyenne au sein de l’OCDE, soit un différentiel négatif de 24%.
Mais sur la forme, l’argumentaire peine à convaincre les syndicats. «Ces rapports internationaux comparent des pommes et des poires et ne tiennent pas compte d’une série de paramètres, tonne Luc Toussaint. Et puis globalement, assurer qu’on veut davantage d’équité avec le degré secondaire inférieur, alors qu’il ne s’agit pas des mêmes matières à enseigner et que la taille des classes sont différentes, c’est absolument scandaleux. Ce sont des arguments qui n’en sont pas.»
«Contre-vérité»
Les syndicats rappellent qu’ils plaident depuis des années (en vain) pour obtenir une évaluation objective de la charge de travail des enseignants francophones, tous niveaux confondus. «Si on veut vraiment savoir qui travaille le plus et qui en fait le moins, allons-y, insiste Roland Lahaye. Or, en attendant, le gouvernement s’attaque de plein fouet à une catégorie de personnel sans objectivation claire, en estimant du jour au lendemain qu’elle ne travaille pas assez.»
Le secrétaire général de la CSC-Enseignement pointe également une «contre-vérité» dans le discours de Valérie Glatigny. «Elle assure qu’avec cette mesure, on revient à la situation qui prévalait avant l’introduction du Pacte d’excellence, relève Roland Lahaye. Or, à l’époque, la toute grande majorité des enseignants du secondaire supérieur prestaient déjà 20 périodes hebdomadaires, à l’exception d’une minorité qui devaient assumer des travaux pratiques. La ministre ne dit donc pas la vérité.»
Si les syndicats se disent «soulagés» par la préservation de la charge horaire des professeurs d’éducation physique et à la santé, ils restent lucides. «On n’a pas encore eu droit au catalogue complet des horreurs, mais ils nous le sortiront la fois prochaine», ironise Luc Toussaint. Alors que la coalition MR-Engagés s’est fixée pour objectif de stabiliser le déficit de la FWB à 1,2 milliard d’ici à 2029, Roland Lahaye s’inquiète des futurs paquets de mesures. «De quoi demain sera-t-il fait si on commence déjà avec des annonces aussi fâcheuses pour l’enseignement? Je crains vraiment pour les années à venir.»