Elisabeth Degryse promet une clarification pour les étudiants, mais celle-ci arrivera bien tard pour ceux déjà concernés par les effets du décret paysage. © BELGA

Le grand bazar des étudiants infinançables: un flou palpable entre l’enseignement supérieur et la ministre Degryse

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

Alors que la fin des délibérations approche, certaines modalités d’application du décret paysage font toujours l’objet de discussions, plongeant le monde étudiant, mais aussi académique, dans une certaine perplexité.

Pour un certain nombre des quelque 220.000 étudiants en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), le couperet s’apprête à tomber: parce qu’ils n’auront pas validé suffisamment de crédits dans le temps imparti, ils seront bientôt «infinançables» et ne pourront donc se réinscrire pour poursuivre leur cursus, en vertu des règles édictées par la réforme du fameux décret paysage lancé sous la précédente législature, mais qui entre pleinement d’application en cette rentrée 2025.

Retardés par un décret «pirate» l’an dernier, finalement abrogé, les effets du décret paysage, qui vise à raccourcir le temps d’étude afin de soulager les finances rougeoyantes de l’enseignement supérieur en FWB, devraient pleinement se faire ressentir en cette rentrée universitaire. De quoi susciter, légitimement, une certaine anxiété au sein du monde estudiantin. La fédération des étudiants francophones (FEF) craint ainsi que des étudiants «au bout du rouleau» ne finissent en victimes expiatoires d’une politique de restriction budgétaire pleinement assumée par la coalition Azur, regroupant MR et Engagés au sein de la FWB.

Clarifier… trop tard?

Si l’on ne sait pas combien d’étudiants vont effectivement se retrouver exclus pour cause d’«infinançabilité» au terme des délibérations dans l’enseignement supérieur (la FEF a lancé un sondage à cet effet), une chose est certaine: du côté du gouvernement comme des universités et des hautes écoles, un certain flou demeure quant aux modalités à appliquer en vertu du décret paysage. Lundi dernier, au micro de RTL, la ministre-présidente de la FWB, Elisabeth Degryse (Les Engagés), en charge de l’Enseignement supérieur, a tenté de rassurer, faisant valoir un décret «parcours» censé «clarifier les règles, parce que c’est vrai, quand on a un sac à dos de cinq crédits qu’on traîne et qu’on se retrouve bloqué, c’est problématique et donc, on doit changer le fonctionnement».

«C’est vrai, quand on a un sac à dos de cinq crédits qu’on traîne et qu’on se retrouve bloqué, c’est problématique et donc, on doit changer le fonctionnement».

Problème: ce nouveau décret n’est pas attendu avant plusieurs mois et, en attendant, il revient aux jurys et vice-recteurs et vice-rectrices de trancher les cas litigieux et d’accorder, le cas échéant, les précieuses dérogations permettant la poursuite des chères études des étudiants théoriquement infinançables. Et là, cela coince légèrement. Si certaines universités ou grandes écoles assurent continuer à agir «comme d’habitude», en fonction de leur propre règlement ou procédure interne, d’autres ont bien demandé des clarifications de la part du cabinet Degryse. Lequel renvoie vers un vademecum du Collège de commissaires et délégués du gouvernement (Comdel). Un document de près de 100 pages reprenant, en la  mettant à jour (la dernière fois, en mai dernier), la législation en vigueur. Question clarté, on repassera; des phrases biffées, d’autres surlignées (pour en souligner le caractère actuel et effectif), parfois les deux en même temps, ce qui n’a manifestement pas aidé les académiques à trancher certains cas spécifiques. Si bien que des discussions ont eu lieu, jusqu’au dernier moment, entre les universités et le délégué du gouvernement chargé d’expliciter certains critères de finançabilité.

Lourde charge

La charge est d’autant plus lourde à porter pour les universités et hautes écoles que le décret paysage supprime, dès cette année, la possibilité pour les étudiants de porter leur cas devant la Commission d’examen des plaintes d’étudiant(e)s relatives à un refus d’inscription (Ceperi). Cette autorité administrative indépendante examinait, après un recours interne, la validité de la motivation d’une décision de refus d’inscription par un établissement d’enseignement supérieur.

Reste que, si les universités s’attendent logiquement à une hausse d’étudiants infinançables cette année, on ne devrait –a priori– pas assister au «raz de marée» redouté par la FEF. Qui a pu, par le passé, évoquer le chiffre de 70.000 étudiants infinançables, soit un étudiant sur trois. Le gouvernement a promis des chiffres pour octobre. Les universités auront, de leur côté, une meilleure vue sur les conséquences réelles du décret après les délibérations, dont certaines pourraient encore arbitrer des cas «spéciaux» jusqu’en début de semaine prochaine.

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