Dès la rentrée 2025-2026, les élèves de la FWB ne pouvant se rendre à l’école pour cause de maladie ou d’accident, notamment, pourront suivre temporairement les cours à distance. Ce système d’enseignement synchrone leur permettra de poursuivre le cursus scolaire presque normalement, mais possède quelques limites, selon Eric Mangez, sociologue de l’éducation.
Lundi, la commission Education du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a approuvé la création d’un dispositif expérimental d’enseignement «synchrone par Internet». Les élèves dans l’incapacité de se rendre à l’école pour des périodes moyennes à longues, en raison d’une maladie, d’un accident, ou encore de problèmes psychiques, pourront suivre les cours à distance. Le recours à ce dispositif devra toutefois être validé par le médecin traitant, en concertation avec ses parents, ou l’élève lui-même s’il est majeur.
L’enseignement synchrone, qui sera testé en Fédération Wallonie-Bruxelles dès la rentrée prochaine, et sur une période de trois ans, possède l’immense avantage de permettre aux élèves de ne pas interrompre leur année scolaire. En revanche, souligne le sociologue de l’éducation et spécialiste du numérique, Eric Mangez (UCLouvain), ce système risque de creuser les inégalités entre les enfants.
De quelle manière l’enseignement synchrone peut-il creuser les inégalités entre élèves?
Eric Mangez: L’efficacité d’un tel modèle dépend fortement de la situation de l’enfant à son domicile. Les enfants issus de milieux privilégiés vont peut-être plus facilement tirer profit de ce type de situation, tandis que d’autres, vivant dans des familles moins aisées, pourraient en pâtir. Les conditions matérielles, c’est-à-dire, l’accès à un ordinateur (NDLR: en Flandre, où l’enseignement synchrone est déjà en place, les outils d’apprentissage sont prêtés aux élèves et aux écoles) ou bien la possibilité de s’isoler pour travailler sont différentes d’une famille à l’autre. Certains enfants ont leur propre bureau dans leur chambre, d’autres doivent se contenter d’un coin de table dans la cuisine, ou partagent une chambre avec leurs frères et sœurs.
Les ressources culturelles des parents peuvent aussi produire leurs effets, d’autant plus, d’ailleurs, que l’enfant est contraint de rester à la maison. Les parents ont-ils été scolarisés en Belgique ou à l’étranger? Ont-ils poursuivi des études supérieures, ou au contraire, sont-ils très peu allés à l’école pour tout un tas de raisons? Tout cela peut impacter l’apprentissage de l’élève. On dit souvent que les grandes vacances augmentent les inégalités, car durant cette période, l’effet du milieu social est plus important. C’est pareil avec l’enseignement à distance. Selon que l’enfant est issu d’un milieu privilégié ou défavorisé, les inégalités se creuseront.
L’enfant pourra interagir durant le cours comme le font ses camarades, mais n’y a-t-il pas de limites au système distanciel? Surtout quand l’enfant est le seul de sa classe à bénéficier de celui-ci?
Il y a effectivement une différence entre la coprésence, c’est-à-dire le fait de partager le même espace, et le distanciel. On ne s’en rend pas forcément compte, mais quand on se trouve dans la même pièce, on voit la même chose, on partage une même ambiance, on perçoit les mêmes signaux verbaux et non-verbaux. Ce n’est pas le cas derrière un écran d’ordinateur. Sans cette coprésence, il y a une sorte de vide, un manque que l’on va remplir. L’ancrage dans la réalité est moins fort, les motifs de distraction plus importants. Il devient dès lors plus compliqué de rester attentif et de suivre un raisonnement. L’enseignant peut aussi ne pas comprendre les informations transmises par l’élève à distance. Celui-ci va, par exemple, plus facilement détecter une difficulté ou l’état de distraction d’un enfant qui est dans la même pièce que lui qu’avec un enfant qui est à distance. Il pourra aussi réagir plus facilement.
«La relation à l’autre, la vraie, elle est quand même plus difficile à distance. Mais en même temps, c’est mieux que de ne pas être en relation du tout.»
L’élève à distance ne risque-t-il pas une mise à l’écart, volontaire ou non, de la part de ses camarades? Même lorsqu’il reviendra à l’école?
La réponse est très ambivalente. Le fait qu’il puisse continuer à suivre les cours lui permettra, d’une certaine façon, de garder contact. Du moins de voir ses camarades et d’être vu. Durant la pandémie, certains professeurs, en primaire particulièrement, laissaient aux élèves un moment où ils pouvaient discuter et rigoler entre eux. Comme une sorte de récréation. Bien sûr, ce n’est pas la même chose d’être en relation à distance et en coprésence. La relation à l’autre, la vraie, elle est quand même plus difficile à distance. Mais en même temps, c’est mieux que de ne pas être en relation du tout.
Tout n’est pas parfait dans ce type d’enseignement, mais il vaut certainement mieux permettre à l’élève de suivre les cours, même si la situation est particulière, que de l’écarter temporairement du système scolaire.