Après en avoir été écartée l’an dernier, la Belgique retrouve le top 10 des pays qui maîtrisent le mieux l’anglais, selon le classement annuel d’Education First (EF) publié mercredi. Le niveau des jeunes de 18 à 20 ans remonte, mais reste inférieur aux autres catégories d’âge.
C’est un ouf de soulagement pour la Belgique. Après une sérieuse dégringolade l’an dernier, le Plat Pays figure à nouveau dans le peloton de tête de ceux maîtrisant le mieux l’anglais, selon les résultats annuels du English Proficiency Index (EPI) diffusés par EF mercredi. La Belgique grimpe ainsi de la 13e à la 9e place.
L’étude, qui analyse les performances de plus de 2,2 millions de participants au EF Standard English Test (EF SET) dans 123 pays différents, pointe d’importantes disparités à l’échelle mondiale. Les Européens dominent le haut du classement, emmenés par les excellentes prestations des Néerlandais (moyenne de 624 points au test), qui conservent la pole position pour la septième année consécutive. Les pays scandinaves tirent également leur épingle du jeu, avec 613 points pour les Norvégiens, 611 pour les Danois et 609 pour les Suédois. Avec une moyenne de 602 points, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe sont les deux premiers Etats non-européens du classement, figurant respectivement en treizième et quatorzième positions.
Coté belge, la moyenne s’établit à 608 points, soit seize de plus qu’en 2024. Ce classement honorable cache toutefois de sérieuses disparités selon les âges. Ainsi, les jeunes Belges âgés de 18 à 20 ans obtiennent les résultats les plus faibles, avec un score de 593 points. Les 21-25 ans (643 points) et les 31-40 ans (638 points) obtiennent les meilleurs résultats. Malgré une hausse par rapport à l’an dernier, les résultats des 18-20 ans chutent globalement depuis cinq ans. «C’est un peu surprenant», reconnaît Laila Sevdas, directrice des partenariats académiques chez EF. Depuis 2020, leurs résultats au Standard English Test – qui évalue les compétences en compréhension écrite et orale durant 50 minutes – ont ainsi chuté de neuf points, contre une augmentation dans les autres catégoris d’âge.
Pénurie de profs
La dégringolade du niveau des 18-20 ans se confirme sur les bancs de l’université, reconnaît Corinne Leburton, enseignante en langue anglaise et cheffe de travaux au service Ellit à l’UMons. «J’ai commencé à donner cours en 1990, et la maîtrise de la langue était clairement supérieure à l’époque», regrette l’enseignante, qui pointe notamment des lacunes en lecture. Cette tendance à la baisse s’explique par plusieurs facteurs, à commencer par la pandémie de Covid-19, dont les conséquences se font encore ressentir. «Les cours en ligne ont limité les interactions spontanées, qui permettent pourtant de faire des bonds de géant dans l’apprentissage des langues, souligne Fanny Meunier, professeure de langue anglaise à l’UCLouvain et directrice académique de CU.mil, une alliance européenne pour le multilinguisme. Les jeunes ont également moins voyagé, et ont vu leurs séjours linguistiques (seconde rhéto, Erasmus…) annulés. Or, ces moments d’immersion sont capitaux pour maîtriser une langue étrangère.»
La pénurie des professeurs de langue dans l’enseignement secondaire est également pointée du doigt. «Les élèves se retrouvent parfois un mois sans prof, alors qu’ils sont supposés avoir quatre heures d’anglais par semaine quand il s’agit de leur première langue, déplore Corinne Leburton. On ne peut donc pas exiger le même niveau de maîtrise que s’ils suivaient l’entièreté du programme. Sans parler de la surpopulation des classes, qui est un réel frein à l’apprentissage des langues.»
Effet de rattrappage
L’essor des nouvelles technologies peut également entraîner des difficultés de concentration et automatiser les réflexes du «moindre effort» chez les jeunes. «L’intelligence artificielle (via ChatGPT ou Deepl) permet de vérifier une traduction en seulement deux clics, pointe l’enseignante à l’UMons. Le cerveau n’est donc plus entraîné à retenir par cœur du vocabulaire ou des règles de grammaire.» Les réseaux sociaux, les jeux vidéo ou encore les tutoriels sur YouTube permettent toutefois d’exposer les jeunes à davantage de contenus en anglais de manière ludique. «Les nouvelles technologies peuvent donc avoir des effets très bénéfiques», nuance Fanny Meunier, qui rappelle que l’engouement pour l’anglais reste très important en Belgique.
Les francophones à la traîne en anglais
Outre les disparités liées à l’âge, de nombreuses différences s’observent selon les communautés du pays. Sans surprise, les performances en anglais des néerlandophones sont bien supérieures à celles des francophones. Même s’il s’est réduit par rapport à 2024, «l’écart entre la Flandre et la Wallonie reste abyssal», pointe d’ailleurs EF. Avec une moyenne de 654 points, les Flamands – s’ils étaient isolés – décrocheraient en réalité la première place du classement mondial, devant les Pays-Bas, alors que les francophones (543 points) dégringoleraient à la 33e place, malgré une belle progression par rapport à l’an dernier (+17 points). Une différence historique, qui s’explique «très facilement» par deux phénomènes, rappelle Corinne Leburton: la (sur-)exposition des Flamands à la langue anglaise (films en version originale sur les chaînes de télévision… ) ainsi que leur proximité avec des sonorités différentes grâce aux dialectes locaux, qui «éveillent leur oreille dès le plus jeune âge» et facilitent ainsi l’apprentissage des langues étrangères.
A l’échelle locale, c’est dans les provinces de Flandre occidentale et d’Anvers (672 points) que les résultats sont les plus élevés cette année, et dans le Luxembourg (562) qu’ils sont les plus faibles. A Bruxelles (610 points), pourtant capitale européenne, les performances restent inférieures à la Flandre.
NLDR: cet article a été initialement publié le 13 novembre 2024 et a été mis à jour le 19 novembre 2025.