Eloge des hommes politiques

Titre ô combien clivant en ces temps poujadistes… Quoi, les hommes politiques auraient des vertus ? Ne sont-ils pas corrompus, incompétents, versatiles, clientélistes, égotistes, à courte vue ?

Les hommes politiques ne poursuivent-ils pas des intérêts particuliers – leur avenir ou à la limite celui de leur parti – sans égard pour le bien commun ? Ne forment-ils pas une maffia népotiste, fermée à la société civile dont ils font semblant d’entendre les doléances quelques mois avant les échéances électorales ? Ils ne sont pas avant tout attirés par le pouvoir et les ors qui l’accompagnent ? Ils ne mentent pas sans arrêt ? Ne manquent-ils pas de vision ?

Savourez la énième version du spectacle « Sois Belge et tais-toi », sous la houlette de Baudouin Rémy : la simple évocation de la ministre Jacqueline Galant provoque les rires gras du public (avant même qu’elle n’apparaisse, croquée par son imitatrice, Stéphanie Coerten, gonflée à l’hélium). Eh oui, les hommes politiques tissent souvent la corde pour les pendre.

Il en va ainsi de Jan Van Overtveldt, ministre N-VA des Finances. Un brillant esprit et théoricien néolibéral, mais qui fait l’objet de toutes les critiques en ce moment pour avoir laissé, avec Sophie Wilmès, déraper le budget de l’Etat de 2,2 milliards…

Lister les bourdes des uns et des autres nécessiterait un livre entier.

Et pourtant, c’est le système qu’on s’est choisi entre la dictature et le gouvernement des clercs cher à Platon où seuls les experts auraient droit aux commandes. Dans nos démocraties représentatives, nous n’exigeons pas même un diplôme universitaire de nos ministres et parlementaires (même si la plupart d’entre eux en ont un, le plus souvent juridique d’ailleurs). C’est le jeu. Chacun a sa chance. René Monory, ancien ministre français de l’Économie et des Finances, était garagiste et autodidacte. Il fut plutôt un bon ministre.

A l’arrivée, les hommes politiques restent de simples êtres humains pleins de failles et de contradictions. La politique est un métier de fou, surtout depuis l’avènement des réseaux sociaux. Pas une pensée, une déclaration qui ne pourra vous être resservie même dix ans plus tard. Le droit de changer d’avis, apanage d’un esprit sain, n’existe plus. Plus moyen d’avoir une conversation privée à l’heure de l’iphone et des espions technologiques.

On demande aux hommes politiques des arbitrages insensés entre des intérêts contradictoires, mais souvent légitimes – l’exemple le plus frappant étant les routes aériennes ou le choix entre bâtir une école et… l’entretien d’un tunnel.

En perpétuelle représentation, l’homme ou la femme politique, n’a plus de vie de famille. Ses semaines de 80 heures quasi sans week-end, détruisent sa santé. L’hypertension et l’emphysème le guettent. De Jacques Simonet à Daniel Ducarme ou Jean-Luc Dehaene, beaucoup ne font pas long feu et ne profitent pas de la pension plantureuse prévue par l’Etat – sans même compter les suicides.

Appâtés par le gain ? Allons donc : la plupart gagneraient à diplôme égal, beaucoup plus dans le privé.

C’est presque un paradoxe : l’homme politique est généralement honnête, perfectionniste et attentif au bien commun

Cela peut étonner, mais à l’heure de choisir leur voie, souvent très jeunes, les hommes politiques rêvaient de changer le monde, de corriger la violence de l’Etat de nature, d’améliorer la vie des gens. Utopistes, adeptes du progrès, parfois coincés devant les caméras, ils peuvent se révéler en privé d’une grande chaleur et d’une grande gentillesse, proches des gens.

Si leur communication est à ce point maîtrisée, voire cadenassée, c’est en somme de notre faute. Nous scrutons sans cesse la petite phrase qui alimentera le buzz fatal.

On ne peut d’ailleurs pas leur reprocher tout et son contraire : d’être responsables de tous les maux de la Terre (Mitterrand disait : s’il pleut, c’est de ma faute) et d’avoir en même temps perdu le pouvoir au profit d’une clique financière mondialisée.

C’est presque un paradoxe : l’homme politique est généralement honnête, perfectionniste et attentif au bien commun. Mais il se retrouve bien souvent « à poil » devant l’opprobre généralisé du café du commerce.

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