L’Arizona augmente la TVA sur les plats à emporter, sous-entendu ceux qu’il faut simplement réchauffer et qui périment deux jours après achat. Un casse-tête fiscal s’annonce, alors que le secteur du retail réclame une fiscalité plus intelligente.
De la menace d’un recours en justice il y a une semaine encore, le président de la Fédération Horeca de Bruxelles Mathieu Léonard parle aujourd’hui d’un «bon deal» quant au plan de l’Arizona concernant la hausse de TVA sur les plats à emporter. Pour rappel, le gouvernement fédéral s’était mis d’accord, fin novembre, pour une augmentation de la TVA de 6 à 12% sur les plats à emporter, mais de nombreuses questions quant à la définition de cette notion subsistaient. Les ministres viennent de se mettre d’accord: un plat (peu importe qu’il vienne d’un point Horeca ou d’un magasin) est considéré comme «à emporter» lorsque son consommateur ne doit pas faire autre chose que réchauffer, couper ou portionner avant de le déguster. Aussi, sa date limite de consommation doit être inférieure à deux jours succédant à la vente.
«C’est un bon deal parce que la plupart des plats préparés et à emporter tiennent plus de 48 heures, se réjouit le président de la Fédération Horeca de Bruxelles. Même un paquet de frites, on peut le prendre à emporter et le consommer chez soi cinq jours plus tard, on n’en meurt pas.» Ce que le représentant des cafetiers et restaurateurs bruxellois regrette, c’est une mesure qui vient complexifier un système de TVA déjà compliqué. «Maintenant, on va conditionner la TVA à la DLC (NDLR: date limite de consommation). On va devoir informer différemment nos clients. Sur les pizzas à emporter, par exemple, les restaurateurs devront indiquer une DLC sur la boîte. DLC qui sera systématiquement supérieure à deux jours, naturellement.»
Tout le monde –y compris au sein du gouvernement où certains ont vite pris conscience de la facilité du contournement– le voit venir: l’Arizona n’est-elle pas en train de mettre en place une usine à malhonnêteté intellectuelle? Le mécanisme a été proposé par Jan Jambon (N-VA), ministre des Finances, à ses collègues lors de l’ultime conseil des ministres de 2025 afin de cibler le «prêt à manger» alors qu’un délai de trois jours a été un temps évoqué. L’exécutif a finalement tranché: ce sera deux jours pour épargner les boulangeries qui proposent des vivres qui se conservent un peu plus longtemps. Certains plats préparés vendus en grande surface échapperont aussi à l’augmentation de la TVA, note Mathieu Léonard. «En voulant sauver une partie du retail, l’Arizona a peut-être ouvert la boîte de Pandore.»
La grande distribution appelle à taxer les aliments ultratransformés
Bref, alors que le secteur du «takeaway» s’affolait sur une fiscalité plus importante, il paraît bien plus serein en cette veille de Noël et compte bien profiter de la complexité des conditions pour passer entre les mailles du filet. Ainsi, il est impossible de quantifier les recettes qu’induiront la mesure, ni même son sens, ni même son bienfondé, critique le PDG de Gondola (la plateforme pour les professionnels du retail), Pierre-Alexandre Billiet. «La mesure n’avantage ni ne désavantage personne. En revanche, elle s’est muée en pollution mentale et technique pour le secteur. Mais sur son impact, il faut savoir que le prix des plats préparés peut augmenter de cinq à dix pour cent avant que les consommateurs ne décrochent.»
Celui qui est économiste déplore également une fiscalité qui manque de sens, un sens qui devrait apporter un soutien à certaines entreprises, et repenser les incitants à la consommation. «Le vrai sujet, ce n’est pas le prix des frites ou des sushis dans les supermarchés. Aujourd’hui, l’obésité coûte 4,5 milliards d’euros à la Belgique. Ce montant, il faut aller le chercher chez ceux sont responsables de cette situation, et ce sont les entreprises qui vendent des produits ultra-transformés.»
Pour Pierre-Alexandre Billiet, il est temps de faire en sorte que la fiscalité soutienne les entreprises qui tendent à répondre aux enjeux majeurs de la société. «La grande distribution est le plus grand secteurs économique du pays, et aujourd’hui, en Belgique, elle manque toujours d’une vision claire.» Il affirme également qu’un registre des produits à impacts positifs et négatifs pour la santé et l’environnement existe déjà, et qu’il pourrait faire l’objet d’une base pour désigner les taux de TVA.
Le PDG de Gondola a d’ailleurs rassemblé douze patrons d’entreprises de retail, avec qui il se dit prêt à avoir un échange avec le gouvernement afin de bâtir un projet intelligent. «Si l’Arizona ne s’y met pas, ils seront co-responsables du départ des grandes entreprises du retail.» Les premières secousses sont déjà là: Cora est parti, Carrefour inquiète, Delhaize a franchisé. Un chemin mêlant fiscalité, santé, et économie existe, assume l’expert, reste à avoir l’audace de l’embrasser.