La Belgique doit décider de se doter, sous cette législature, de 11 F-35 supplémentaires.

F-35 contre taxe sur les plus-values: et si le deal socialiste n’était pas si bon que ça?

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

Les socialistes flamands ont consenti à l’achat de onze avions de combat contre une taxe sur les plus-values. Sur papier, la taxe amortit largement l’achat des F-35 sur la législature. Sur papier, seulement…

Avions contre taxe sur les plus-values. C’est, pour résumer, le résultat du deal passé au sein de l’Arizona début juillet, à confirmer d’ici la fête nationale en marge du large «package» de réformes que le gouvernement entend confirmer avant d’entrer dans le dur d’une législature marquée du sceau d’une inévitable orthodoxie budgétaire.

Cette taxe sur les plus-values, censée rapporter 500 millions d’euros annuellement, est sans doute le marqueur le plus symbolique pour les socialistes flamands de Vooruit (et dans une moindre mesure, pour les Engagés), au sein d’un gouvernement clairement marqué à droite. Un «totem» que Vooruit a donc fait valoir pour freiner les velléités dépensières en matière de défense, que l’Arizona et son ministre Theo Francken (N-VA) n’ont d’autre choix que d’honorer pour satisfaire l’Otan –en d’autres termes, les Américains et leur bouillonnant président Donald Trump. Le deal est donc le suivant pour Vooruit: va pour les avions (onze au lieu des 21 réclamés par la N-VA), mais gare à ne pas mégoter sur la taxe, que certains partenaires –MR en tête– voient d’un (très) mauvais œil.

Sur le papier, un bon deal

Concrètement, le coût de ces avions est d’1,5 milliard d’euros (qui s’ajoute à celui de 34 autres F-35, commandés en 2018, pour 3,5 milliards). Et globalement, cette estimation paraît réaliste, selon Alain de Nève, expert au Centre d’études de sécurité et de défense. «Budgétairement, le calcul global est un peu différent à partir du moment où on prend en considération ces onze nouveaux appareils qui seraient fournis. Evidemment, il y  a le coût fixe par unité (95 millions d’euros), mais il faut parler d’infrastructures, de maintenance, etc., il y aura sans doute une légère augmentation. Mais ces coûts sont relativement évalués et prévisibles. Ce ne sont pas ces onze appareils supplémentaires qui vont faire doubler la facture. Ce sont des coûts stabilisés sur le papier. Même si on sait, depuis 40 ou 50 ans, qu’on n’assiste jamais à une déflation de ces coûts. Ceci étant dit, je sais que les politiques ont ça en tête: ne pas sortir des balises budgétaires

Alors, sur cette législature, la taxe sur les plus-values amortit-elle le coût des avions? A 500 millions d’euros sur quatre ans (soit deux milliards en tout sur la législature, la première année comptant pour du beurre), le milliard et demi lâché pour les F-35 sont, sur papier, largement amortis. Sur papier, du moins…

Incertitudes sur l’entrée en vigueur de la taxe

Car en réalité, il n’est pas du tout certain que de l’autre côté, les promesses soient tenues en temps et en heure. C’est que les incertitudes sur la mise en place de la taxe, et ce qu’elle est censée rapporter, sont légion. D’abord –et contrairement au consensus sur la nécessité à renforcer la défense–, certains partenaires freinent des quatre fers la mise en place de cette taxe. Le MR, par la voix de son président Georges-Louis Bouchez, estime d’ailleurs que «l’accord sur les plus-values sera réel lorsque le texte de loi sera sur la table». Autrement dit: le parti ne risque pas d’en faciliter l’accouchement, et prévoit même de la faire sauter s’il se retrouve au pouvoir dans la prochaine législature. Or, l’entrée en vigueur du texte est censée intervenir en janvier prochain.

«Les décideurs politiques proposent un projet de loi qui, d’un point de vue opérationnel, est tout simplement impossible à mettre en œuvre dans le délai proposé du 1er janvier 2026.»

Et s’il y a bien un secteur qui jure que cela ne se fera pas dans les temps, ce sont les banques, Febelfin ayant déjà prévenu en avril dernier que «les décideurs politiques proposent un projet de loi qui, d’un point de vue opérationnel, est tout simplement impossible à mettre en œuvre dans le délai proposé du 1er janvier 2026.»

En cause, notamment, une «complexité inédite» impliquant une «charge supplémentaire énorme en matière de développement informatique» et le «maintien de la taxe Reynders, qui implique des calculs extrêmement complexes et peut, dans certains cas, mener à une double imposition».

S’il est improbable que Vooruit lâche son totem, il n’est en revanche pas impossible que la mise en œuvre de la taxe soit différée, tandis que, dans le même temps, les efforts immédiats en matière de défense paraissent, eux, incontournables. Il faut dire que le secteur «a quand même été la variable d’ajustement budgétaire pendant des années…», conclut Alain de Nève, qui demeure toutefois circonspect sur les 5% de points de PIB censés échoir à la défense dans les années à venir. Une toute autre paire de manches que la mise en place de la taxe sur les plus-values ou l’achat de onze F-35…

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