En une semaine, elle a perdu son siège de députée et vu ses deux parents rejetés dans l’opposition. Catherine Moureaux livre ses réflexions post-électorales.
Elle est l’une des victimes du 14 octobre. Sa mère, François Dupuis, échevine à Uccle, et son père, Philippe Moureaux, bourgmestre de Molenbeek, ont valdingué dans l’opposition. Le jeu de chaises musicales qui a suivi le scrutin lui a aussi coûté son statut de députée. En quittant le gouvernement bruxellois pour devenir bourgmestre de Saint-Josse, Emir Kir récupère du même coup son siège au parlement régional. Catherine Moureaux, qui siégeait comme suppléante, devra lui céder sa place.
Le Vif/L’Express : Comment avez-vous vécu la semaine qui a suivi les élections communales ?
Catherine Moureaux : Comme un concentré d’émotions qui se bousculent. L’enchaînement des moments de joie et de tristesse, avec un timing inhumain, a été difficile. A Schaerbeek, je suis très satisfaite de mon résultat (NDLR : 941 voix, 9e score de la liste PS). Ensuite, cela a été la douche froide… A Molenbeek, mon père a fait une très bonne élection. Au lieu de parler de clientélisme et de je-ne-sais-quoi, regardez les résultats : mon père sort vainqueur. En région bruxelloise, le PS n’est pas du tout en recul. Par contre, c’est vrai, plusieurs négociations ont tourné en notre défaveur.
Le jeu de dominos politiques a commencé dans votre commune…
Ah non ! Cela n’a rien à voir avec Schaerbeek.
Yvan Mayeur, le président du CPAS bruxellois, a pourtant déclaré que l’éviction de Joëlle Milquet à Bruxelles-ville était liée au choix du CDH soutenir l’axe FDF-Ecolo à Schaerbeek.
Moi, je ne suis pas dans les affaires de Bruxelles-ville… Ce dont je suis sûre, c’est que le CDH n’avait pas les clés en main pour aider le PS à Schaerbeek. Ce qui est sûr aussi, c’est que l’éviction de Joëlle Milquet a entraîné la redistribution à Molenbeek, et peut-être à Verviers et à Uccle.
Les socialistes de Bruxelles-ville ont agi à la légère ?
Un soir d’élection, on doit aller vite. Je suppose qu’ils assument leur choix. Ce qui me paraît dommage, c’est leur alliance avec un partenaire dont la tête de liste (NDLR : Alain Courtois) est mise en cause dans une affaire judiciaire. Mais la grande leçon du scrutin, c’est qu’Ecolo est bien un parti comme les autres. Que le CDH soit en quête de postes, on le savait. Par contre, qu’Ecolo se droitise à ce point, on n’y était pas habitué.
Dans une lettre ouverte, Sarah Turine, tête de liste Ecolo à Molenbeek, rappelle que le PS s’est allié au MR à Saint-Gilles, Ixelles, Anderlecht, Bruxelles-ville et Ganshoren.
A Ixelles, effectivement, un Olivier était possible. Mais avec des écolos plus solides. J’ai discuté avec Caroline Désir, qui a négocié pour le PS. Elle m’a dit : mon coeur allait à 100 % pour un Olivier. Mais du côté d’Ecolo, elle a dû composer avec quatre négociateurs, qui lui proposaient des choses différentes au téléphone. Ce qu’ils voulaient était tout sauf clair. La cacophonie entre leurs différents leaders était ingérable.
Comment le PS doit-il répondre à la montée du PTB ?
Le budget va être négocié au fédéral. Il faut qu’on montre clairement notre différence avec la droite. Comment expliquer qu’un gouvernement où le PS est présent prenne des mesures aussi injustes ? Les citoyens ne comprennent pas. Parce que les mesures sont terribles, bien qu’on se soit arc-bouté pour qu’elles fassent le moins de dégâts possibles. On ne réalise pas assez ce que ça va donner en 2015 quand les CPAS ne tiendront plus la route. Cela va être horrible.
Vous restez malgré tout convaincue que le PS fait oeuvre utile au gouvernement fédéral ?
Oui. On limite la casse. Mais à quel prix ?
A vous entendre, le PS est confronté à une équation insoluble.
Exactement, on est face à une équation insoluble. Je n’ai pas de réponse. On avance…
La Belgique s’apprête à ratifier le traité budgétaire européen. Peut-être serez-vous encore députée quand le texte arrivera au parlement bruxellois…
Je sais déjà où mon coeur va. Ce traité est imbuvable, il signifie la fin de notre modèle social. La règle d’or, qui interdit les déficits publics, c’est la mise sous couvercle de toute ambition des Etats. En obligeant les Etats à confectionner des budgets à l’équilibre, on les empêche d’investir. Pour n’importe quel projet un peu ambitieux, on devra se tourner vers le privé. Dans ces conditions, garder un Etat qui travaille au bien-être du plus grand nombre, cela devient impossible.
Votre coeur s’est exprimé. Mais que fera votre raison, le jour du vote ?
On verra. C’est un peu tôt.
Entretien : François Brabant