Après-Guerre (tome 2), par Warnauts et Raives, 2014. © LE LOMBARD

24 septembre 1950 : la fausse unité retrouvée des sociaux-chrétiens

« Le navire est toujours à flot et son équipage n’a perdu ni courage ni confiance. » Théo Lefèvre a le sourire au terme de ce congrès. A tout le moins, il tente de l’avoir. A entendre le nouveau président, tout irait pour le mieux chez les sociaux-chrétiens. Dans la coulisse, pourtant, les divisions n’ont pas disparu.

Il faut dire que le PSC vient de vivre un épisode véritablement traumatique. Le 22 juillet 1950 est un jour de fête pour les sociaux-chrétiens. Depuis cinq ans que dure la Question royale, ils exigent le retour de Léopold III sur le trône. Et aujourd’hui, le roi est à Bruxelles. Mais la victoire est de courte durée. Très vite, ce come-back entraîne un climat insurrectionnel dans le pays. Le 31 juillet, trois personnes sont tuées par la gendarmerie à Grâce-Berleur. Dans la nuit qui suit, le gouvernement homogène social-chrétien se réunit en urgence, terrorisé par la possibilité de voir d’autres drames éclater. Finalement, il demande à Léopold de s’écarter. Le 1er août, l’abdication est annoncée. Le même jour, le Premier ministre Jean Duvieusart s’apprête à démissionner. Et le PSC entre dans une crise profonde.

L’abdication ouvre la porte au grand déballage. Les camps se forment, les langues se délient. Une droite dure émerge : elle réclame une purge et désigne les coupables, au premier rang desquels figure François-Xavier van der Straten-Waillet, le président du parti. Le Premier ministre Duvieusart est aussi accusé. Son gouvernement démissionne et est remplacé par une nouvelle équipe. Seuls trois anciens ministres demeurent en poste. L’épuration a commencé. Ce n’est pas tout : mi-août, le parti crée une commission d’enquête interne. Officiellement, son objectif est de faire le point sur les faits. Dans la réalité, l’organe se transforme parfois en véritable tribunal, encourageant à la délation et agressant certains témoins.

En même temps, il convient de préserver l’avenir. De ne pas trop afficher les divisions. Le rapport que la commission d’enquête dévoile est tout en nuances. Et plein de paradoxes. Si Léopold III a abdiqué, ce serait la faute… à des malentendus. Sans doute certaines personnes portent-elles une responsabilité morale dans l’affaire. Elles sont invitées à s’écarter. En même temps, aucun nom n’est cité. L’unité spirituelle du parti est à ce prix. A moins que ce ne soit de la charité chrétienne…

On en arrive aux 23 et 24 septembre. Pendant un week-end, les troupes sont invitées en congrès extraordinaire, à Bruxelles. Flamands d’un côté, francophones de l’autre. Quelques modifications statutaires sont adoptées. Puis, on discute du rapport de la commission. Dans le camp francophone, le climat est plutôt serein. Chez les Flamands, le ton est nettement plus critique. Duvieusart et van der Straten-Waillet sont vivement mis en cause, accusés d’avoir  » capitulé avant de combattre « . On passe au vote. Lefèvre est élu président. En apparence, son parti a retrouvé l’unité. Dans les faits, il est encore profondément divisé. Par la suite d’ailleurs, plus jamais il ne retrouvera le poids électoral qu’il avait en 1950.

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