Monster trucks
«Ces monster trucks, comme le RAM 1500, sont totalement inadaptés aux routes européennes, une véritable aberration.» © Didier Lebrun / Photo News

«L’Europe risque d’être inondée par des monster trucks moins chers mais dangereux»

Tex Van berlaer Collaborateur Knack.be

On a déjà beaucoup évoqué l’accord commercial entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Mais que ce traité, conclu avec Donald Trump, puisse mettre gravement en péril la sécurité routière est resté largement ignoré jusqu’ici.

Tout se joue autour d’une seule phrase, extraite de la déclaration conjointe publiée le 21 août par l’UE et les Etats-Unis. «En ce qui concerne les voitures, précise-t-elle, les Etats-Unis et l’Union européenne souhaitent accepter et reconnaître mutuellement les normes de l’autre

Selon William Todts, directeur du think tank Transport & Environment, l’Europe risque de voir déferler des pick-up, surtout connus ici sous la marque RAM Trucks. «Pour limiter les droits d’importation américains à « seulement » 15%, l’Europe est prête à céder beaucoup, y compris en matière de sécurité routière.»

L’an dernier, environ 7.000 pick-up RAM ont été écoulés en Europe. Où est le problème?

William Todts: Les RAM actuellement en circulation ne respectent en réalité pas les exigences européennes de sécurité. Ils ont été homologués grâce à une procédure dérogatoire, une sorte de faille dans la législation. Cet obstacle était depuis longtemps une épine dans le pied de Donald Trump. Avec l’accord commercial signé avec l’UE, le verrou a été levé. L’accord satisfait ainsi une revendication ancienne, tant du gouvernement américain que des constructeurs automobiles des deux côtés de l’Atlantique.

Quelle est cette revendication?

Pour l’industrie automobile, la coexistence de normes distinctes en Amérique et en Europe est contraignante. Les constructeurs doivent produire des véhicules différents selon les marchés. Ce problème peut être contourné en reconnaissant mutuellement les normes –ce que prévoit désormais l’accord. Le risque est que l’Europe devienne dépendante de Washington.

«Ces monster trucks sont totalement inadaptés aux routes européennes, une véritable aberration.»

Qu’est-ce qui cloche avec un pick-up américain?

Ces monster trucks sont totalement inadaptés aux routes européennes, une véritable aberration. Leur avant, à la fois haut et massif, accroît considérablement le risque de blessures graves ou de décès pour les piétons et les cyclistes en cas de collision.

En 2009, le nombre de morts parmi les piétons était à peu près équivalent aux Etats-Unis et dans l’UE. Depuis, il a reculé en Europe alors qu’il a augmenté aux Etats-Unis. En Europe, les voitures doivent répondre à des normes destinées à protéger les piétons en cas d’accident. Aux Etats-Unis, une telle réglementation n’existe pas. Autoriser les pick-up sur le marché européen représenterait un retour en arrière.

Ils sont en outre très polluants: un RAM émet environ deux fois plus de CO₂ qu’une camionnette neuve. Avec cet accord, on donne un coup d’accélérateur à un véhicule indésirable ici. Plus encore, la réduction des droits de douane les rend 6.000 euros moins chers. Aujourd’hui, un modèle s’élève à environ 65.000 euros. Cela paraît très onéreux, mais un large marché existe pour ce type de véhicules haut de gamme. BMW n’est pas par hasard la première marque automobile en Belgique.

«Ce type de modèle ne sert qu’à impressionner et véhicule même une certaine agressivité.»

Cette popularité ne reflète-t-elle pas simplement le désir des consommateurs pour des véhicules plus spacieux?

J’ai une famille et je roule avec un petit SUV. Je comprends l’importance de disposer de l’espace nécessaire pour les enfants et un grand coffre, mais un pick-up n’apporte pas la bonne réponse. Ce type de modèle ne sert qu’à impressionner et véhicule même une certaine agressivité.

© Didier Lebrun / Photo News

Que retire l’Europe de cet accord?

Peu, voire rien. C’est en outre une très mauvaise nouvelle pour la production automobile en Europe. Afin d’éviter les droits de douane de 15%, certains constructeurs trouveront plus intéressant de produire aux Etats-Unis –de préférence dans un Etat sans syndicats.

Peut-on encore infléchir la situation?

La Commission européenne détient une grande part de pouvoir en matière d’accords commerciaux. Mais si elle veut abaisser les normes environnementales et de sécurité dans toute l’Union européenne, elle doit modifier la législation. Cela implique que le Conseil des ministres et le Parlement européen aient leur mot à dire. Reste à savoir jusqu’où cette partie de l’accord peut être amendée sans faire exploser l’ensemble du texte. Je suis curieux de voir combien de ministres européens de la Mobilité oseront bientôt affirmer sans ciller qu’un RAM est aussi sûr qu’une Fiat Panda.

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