A côté de l’aspect nostalgique, la passion de la restauration du véhicule joue parfois dans le choix du oldtimer par les jeunes. © Getty Images

Les jeunes à l’assaut des oldtimers: «On a un peu la nostalgie des photos de nos grands-parents»

A contre-courant des tendances, de plus en plus de jeunes se passionnent pour les voitures anciennes. Entre nostalgie héritée et envie de rouler «différent», ces nouveaux amateurs d’oldtimers redonnent vie aux moteurs d’antan.

A 22 ans, Florent, originaire du Hainaut, s’est laissé tenter. «Dans la ferme rachetée à mes grands-parents, il y a la photo d’une Volvo Amazon. C’est la voiture avec laquelle mon père partait en vacances. Il a des souvenirs de trajets sur les sièges en cuir où on se brûlait les cuisses. Je voulais récupérer un véhicule pour vivre ce genre de choses.»

Pour les jeunes qui cherchent à se motoriser, le marché de l’occasion s’impose souvent. Certains de ces nouveaux routards, comme Florent, poussent les curseurs à fond et s’ouvrent à un autre univers: celui des ancêtres. Volkswagen Polo, Golf, Ford Fiesta ou même BMW… Plutôt que d’opter pour la dernière version toutes options avec climatisation, GPS, vitres électriques et aides à la conduite, ces jeunes préfèrent celles qui ont déjà sillonné les routes il y a dix, 20, voire 40 ans. Le charme brut de l’ancien, l’odeur des vieux sièges, les cendriers encastrés, le ronronnement du moteur d’époque… Ce qu’ils veulent, c’est du rétro, de l’authentique, du caractère.

La Febiac (Fédération belge et luxembourgeoise de l’industrie automobile et du cycle) recense 727.650 voitures d’occasion immatriculées en 2024 en Belgique. Meilleur résultat depuis 2015, il traduit un retour en force que la fédération explique dans son rapport 2024 par «la facilité d’accès au marché de l’occasion et à la baisse des prix de 7,5% au cours de l’année écoulée». Au top des modèles prisés dans l’ensemble du pays, Volkswagen domine avec la Golf (29.393 occasions immatriculées en 2024) et la Polo (20.821). Viennent ensuite l’Opel Corsa (18.837) et les BMW Serie 3 (16.137) et 1 (14.851). En Wallonie, les préférences restent proches: la Golf devance la Polo, suivie par l’Opel Corsa, la BMW Serie 1 et la Ford Fiesta. Ces données concernent le marché de l’occasion dans son ensemble, sans distinguer l’âge de l’acheteur, ou de la voiture.

 Certains jeunes préfèrent les voitures qui ont déjà sillonné les routes il y a 40 ans.

«Des jeunes achètent des voitures qui ont le double de leur âge»

Il n’empêche, l’occasion, et les voitures anciennes plus particulièrement, séduisent. «C’est même assez fou. On a parfois des jeunes qui achètent des voitures qui ont plus du double de leur âge, s’étonne Xavier Detandt, gérant de Nice Youngtimers Car’s, concessionnaire actif dans l’achat, la revente et le gardiennage de voitures de sport et de collection. J’en ai déjà vendu plusieurs à des 18-25 ans. On ne parle pas de Ferrari, plutôt de BMW, de Mercedes. Les Volkswagen aussi se vendent beaucoup. C’est le moment des premiers salaires, on n’a pas encore d’enfants. Ils voient ça comme un investissement et un plaisir. C’est la voiture qu’avait leur père à l’époque.»

Martin, 22 ans, n’était pas né au moment où sa Porsche 924 était en circulation. «On a un peu une nostalgie inconnue des photos vues chez nos grands-parents. Pour eux, c’étaient des modèles classiques, mais pour nous, ce sont de beaux objets.» Tellement beaux qu’il en est déjà à son troisième oldtimer depuis ses 18 ans. «A côté de cet aspect nostalgique, il y a aussi la passion de la restauration du véhicule.» Acquise en sortie de grange –«sans regarder parce que je n’y connaissais rien, ce qu’il ne faut évidemment pas faire»– sa première 924 lui a coûté 4.000 euros et beaucoup d’huile de coude. «Personnellement, je m’en fous si elle ne roule pas. S’il fallait la restaurer pendant dix ans et ne pas l’immatriculer, ce n’est pas un problème.»

Vieilles Mini ou Golf ont particulièrement la cote. © GETTY

Ô plaque «O»

Législation oblige, envisager une voiture ancêtre comme véhicule du quotidien reste difficile en Belgique. Actuellement, elle peut être immatriculée selon deux régimes. Le premier sous une plaque normale. Elle offre une liberté totale, mais impose aussi de passer par la taxation classique, taxe de circulation à plein tarif et écomalus. Pour les véhicules âgés de plus de 30 ans, le montant de ce malus peut être salé. S’il est inconnu, la facture s’élève quoi qu’il arrive à 600 euros.

L’autre option, la plaque «O», est plus avantageuse et privilégiée par la majorité des propriétaires. Elle offre une taxation forfaitaire bien plus économique –autour de 45 euros par an, indexée– et dispense de l’écomalus. Elle permet aussi de passer outre les zones de basses émissions: «A Bruxelles, par exemple, les plaques « O » peuvent entrer et sortir comme elles le veulent», note Vincent Introvigne, ambassadeur à la Belgian Historic Vehicle Association (BEHVA). L’idéal, à condition de respecter un cahier des charges strict: le véhicule doit avoir au moins 30 ans et ne peut être utilisé que pour des trajets «de loisirs». En d’autres termes, pas de trajet domicile-travail pour la Volvo Amazon de Florent ou de virée en Porsche 924 vers l’université pour Martin.

Il faut donc l’utiliser pour le plaisir. Cela n’empêche pas la Belgique de comptabiliser quelque 280.000 à 300.000 véhicules ancêtres de plus de 30 ans sur son territoire, selon Vincent Introvigne. Finalement, une fois dans le régime de la plaque «O», les coûts restent raisonnables. «On peut avoir une bonne base à partir de 5.000 ou 6.000 euros», assure l’ambassadeur. Pour le reste, la réduction des taxes fait toute la différence. «On ne parle même pas de 100 euros par an. Pour les assurances, c’est pareil. Pour avoir fait la simulation, on est dix fois moins cher en plaque « O » qu’en plaque normale», témoigne Martin. «Cela représente aux alentours de 200 euros par an. Ce n’est vraiment pas cher», confirme Florent.

Les comptages de véhicules ancêtres n’ont encore jamais fait la distinction de l’âge de l’acquéreur. Il est donc difficile de déterminer la part de jeunes aficionados. Vincent Introvigne, l’ambassadeur de la BEHVA, le constate toutefois: «Les jeunes sont présents. Certains clubs ont même spécifiquement été créés pour les attirer.» Martin y est pour quelque chose. Etudiant à l’UCLouvain, il a créé un club sur le campus. «On croise pas mal de passionnés d’anciennes. Il y a un bachelier automobile qui a son propre club aussi. Cela intéresse énormément de jeunes.»

«Des clubs ont spécifiquement été créés pour attirer les jeunes vers les oldtimers.»

Le budget, «la première barrière»

Reste que si le marché des oldtimers tient bon, c’est surtout grâce aux profils plus établis. «Il faut être réaliste, la majorité des acheteurs ont plutôt dans la quarantaine, observe Xavier Detandt, de chez Nice Youngtimers Car’s. La maison est payée, ils ont plus de budget pour les loisirs.» Le budget reste en effet «la première barrière», constate aussi Vincent Introvigne. «Les voitures ont pris une belle cote. Certaines qui valaient 5.000 euros à l’époque avoisinent aujourd’hui les 10.000 à 12.000 euros.» Il en veut pour preuve les Mini ou les 2CV, notamment.

Il ne faut pas non plus sous-estimer le caractère incertain de l’occasion. «Il faut tout de même s’y connaître un peu», alerte Florent. Pour sa Volvo Amazon, il s’est entouré: «On est allé la chercher à cinq, dont un de mes amis passionné et connaisseur.» Ensuite, il y a les pépins liés à l’usage. «On n’est pas à l’abri d’une panne. L’avantage des anciennes, c’est qu’on peut parfois la réparer avec un bout de ficelle.» Toujours plus simple (et économique) que d’inspecter un moteur moderne bourré d’électronique et verrouillé par le constructeur. «Je répare moi-même et j’apprends aux côtés d’un ami», s’enthousiasme le Hainuyer.

On aura beau les appeler oldtimers, rétros ou ancêtres, les voitures anciennes restent des phénomènes modernes qui séduisent la jeunesse. Que ce soit par motivation économique –«Quand on compare avec des Golf GTi, des Audi ou des BMW modernes, que certains achètent à plusieurs dizaines de milliers d’euros, cela reste beaucoup plus économique d’aller vers un oldtimer», défend Martin– ou par nostalgie, celle qu’une photo dans une grange peut faire revivre. Qu’on ait connu les cuisses brûlées par les sièges en cuir ou pas.

 

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