La Peugeot de la conductrice française Joanna accidentée à cause du freinage d'urgence © Le Figaro

Freinages d’urgence, alertes incessantes, erreurs de détection: le revers inquiétant des aides à la conduite imposées par l’Europe

Freinage d’urgence, détecteur de limitation de vitesse, aide au maintien dans la voie… Ces aides à la conduite font désormais partie de l’arsenal technologique obligatoire sur tous les nouveaux véhicules. Sur le papier, elles promettent plus de sécurité. Dans la réalité, leur fiabilité fait débat. Résultat: plaintes, accidents en chaîne et remise en question du caractère obligatoire de ces dispositifs.

Il y a quelques mois, Joanna, conductrice française, a vécu l’enfer sur l’autoroute. Alors qu’elle roule à 120 km/h, sa Peugeot freine brutalement… jusqu’à s’immobiliser. Sans avertissement, sans raison apparente. Le véhicule qui la suit n’a pas le temps de réagir: c’est l’accident. Selon Joanna, le coupable est tout désigné: le freinage d’urgence automatique, censé la protéger. Ce fait divers, relaté dans la presse locale, a déclenché une avalanche de témoignages similaires. Des conducteurs racontent, eux aussi, avoir subi des freinages soudains et imprévisibles. Un problème qui, loin d’être isolé, semble prendre de l’ampleur.

Une législation européenne trop ambitieuse? 

En juillet 2024, l’Union européenne a franchi un cap avec son projet Adas (Advanced Driver Assistance Systems): rendre obligatoires, sur tous les véhicules vendus sur le Vieux Continent, une série d’aides à la conduite censée réduire les accidents. Au programme: le freinage d’urgence automatique, qui immobilise la voiture en cas de danger imminent; le détecteur de limitation de vitesse, chargé d’alerter en cas d’excès; ou encore le maintien dans la voie, qui recentre le véhicule lorsqu’il dévie.

Sur le papier, un bond en avant pour la sécurité. Dans les faits… les promesses se heurtent à la réalité. «Nous recevons des plaintes de conducteurs dont la voiture s’arrête brusquement ou lit mal les panneaux», constate Benoit Godart, porte-parole de l’Institut VIAS, chargé de la sécurité routière en Belgique. Pour Olivier Duquesne, journaliste et expert automobile, rien de surprenant: «Ces systèmes ont encore des lacunes. Ils interprètent parfois du brouillard ou un simple débris sur la chaussée comme un danger nécessitant un freinage d’urgence. Quant au maintien dans la voie, il se perd souvent face au marquage au sol chaotique de nos routes belges.»

Les deux spécialistes en tirent le même constat: l’Union européenne est peut-être allée trop vite. Imposer ces technologies dans tous les nouveaux véhicules relève d’un optimisme un peu prématuré, avec le risque de provoquer… les accidents qu’elles étaient censées éviter. Olivier Duquesne pointe même un autre facteur: «Des entreprises comme Bosch, qui développent ces systèmes, ont certainement mené un lobbying efficace auprès des décideurs européens pour démontrer leur efficacité et les rendre obligatoires.» De son côté, Benoit Godart rappelle que la plupart de ces aides peuvent être désactivées, mais que la manœuvre reste souvent fastidieuse pour l’utilisateur. Ce qui, pour beaucoup, transforme ces promesses technologiques en sources de frustration… voire de danger. 

Et si l’Europe adoptait enfin la même grammaire routière?

Pour Olivier Duquesne, ces plaintes en cascade ne sont pas une surprise. Les aides à la conduite doivent composer avec un véritable patchwork de panneaux, de limitations et de règles qui changent d’un pays à l’autre. «La quantité d’informations à assimiler est gigantesque. Chaque pays a ses propres codes, ses couleurs de panneaux, certains signalent la fin d’une limitation… d’autres pas», explique-t-il. Résultat: un casse-tête pour les constructeurs. Ces différences peuvent, dans le meilleur des cas, rendre la conduite agaçante, avec des alertes sonores intempestives lorsque le système se trompe. Dans le pire des scénarios, elles peuvent provoquer un danger: «Imaginez un véhicule qui freine brusquement sur l’autoroute parce qu’il a mal interprété un panneau de limitation collé à l’arrière d’un camion».  La seule véritable solution? Uniformiser, au moins en partie, le code de la route européen, ou à défaut, harmoniser l’affichage des limitations. Une idée «très compliquée, mais pas impossible», selon Olivier Duquesne. 

Dompter les aides à la conduite plutôt que les subir

Face à ces incidents, qui restent malgré tout rares, certains seraient tentés de tourner définitivement le dos aux aides à la conduite. Mais pour Olivier Duquesne, ce serait une erreur: «Les avantages de l’ABS ou du détecteur d’angle mort ne sont plus à démontrer», rappelle-t-il. Pour les systèmes plus récents, la clé est avant tout de comprendre leur fonctionnement. «Il faut en parler avec son concessionnaire, savoir précisément comment réagit son véhicule. Dans la plupart des cas, la majorité des aides peuvent être désactivées», souligne Benoit Godart.  Et bien sûr, les règles de base restent valables. «La voiture devant vous peut freiner brutalement à cause d’une mauvaise interprétation de l’assistance… mais aussi parce qu’un danger réel surgit. Dans les deux cas, la meilleure protection reste la même: garder ses distances de sécurité», insiste-t-il.

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