Au cours de l'été, à Turin, dans un décor martien, B-Life a installé son laboratoire de dépistage de masse. © B-LIFE/DR

Une note d’espoir dans une année pourrie: B-Life, une machine de guerre contre le corona

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

B-Life, laboratoire belge mobile de dépistage d’éléments hautement pathogènes, doté de technologies de télécommunication spatiales et développé par l’UCLouvain, est devenu un outil précieux dans la lutte contre la pandémie.

B-Life, ou Biological Light Laboratory for Emergencies, est, comme son nom l’indique, un laboratoire léger déployable en cas d’urgence. Sa spécialité: le dépistage d’éléments hautement pathogènes. Sa particularité: il est le seul, en Europe, à être équipé de transmission satellitaire. Au printemps, le laboratoire de l’UCLouvain s’est doté du prototype « Telecommunication Emergency Node » (TEN) grâce à un partenariat avec l’Agence spatiale européenne (ESA). Ce « noeud de télécommunications d’urgence », qui intègre l’ensemble des technologies de communication existantes terrestres et satellitaires, assure à B-Life une autonomie parfaite et une protection absolue des données médicales et personnelles durant leur transfert.

En six semaines, dans un décor surréaliste, B-Life a testé 25 000 personnes, soit près de quatre cents par jour.

B-Life est ainsi devenu un véhicule extraordinaire, opérationnel rapidement quelle que soit la complexité de la situation ou la zone où il est amené à opérer. Il permet aussi la communication de données lorsque les réseaux gsm sont saturés, les lignes téléphoniques terrestres coupées ou que la catastrophe frappe une région a priori sans moyen de communication.

SOS italien et gymnastique sémantique

Le laboratoire mobile de l’UCLouvain a pu démontrer son incroyable efficacité durant la pandémie de coronavirus. Le 11 juin, l’équipe dirigée par le professeur Jean-Luc Gala part pour l’Italie, le pays alors le plus touché par la Covid-19 et qui réclame un dépistage de masse au Piémont. Le généticien se remet à peine lui-même du coronavirus. Le gouvernement italien a lancé, en vain, plusieurs SOS humanitaires, demandant l’aide d’un autre pays européen.

Début mai, il avait déjà frappé à la porte de la Belgique, mais B-Life semblait pris dans le béton administratif. « La Belgique et ses multiples instances, c’est tellement compliqué, regrette Jean-Luc Gala. Je n’avais aucune réponse du ministère des Affaires étrangères… J’ai eu l’idée de requalifier la mission humanitaire en « mission scientifique », en nous associant avec l’ESA, pour tester le TEN. J’ai obtenu le feu vert de mes responsables académiques. Quant au gouvernement belge, son aval n’était plus requis puisque le déploiement était à objectif scientifique. On allait faire exactement la même chose, mais avec une sémantique différente. »

Million spatial et première mondiale

Le 12 juin, à Turin, tout est en place sur le site de la firme Thalès, qui travaille sur la mission spatiale EXOMars: labo, conteneur pour les prises de sang, salles d’attente et accueil en italien (protection civile, Croix-Rouge et volontaires scientifiques italiens ont proposé leur aide). Une équipe de l’institut Pasteur de Paris rejoint l’équipe du B-Life. L’ESA injecte un million d’euros dans la mission. Jamais un laboratoire mobile n’avait été confronté à un dépistage de masse (screening) devant respecter à la lettre le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Main dans la main, en six semaines, dans un décor surréaliste où apparaît de-ci de-là une réplique du sol martien, B-Life teste 25 000 personnes, à raison d’environ quatre cents par jour.

Comment? D’abord grâce à des tests sérologiques rapides, ces prélèvements d’une goutte de sang au bout du doigt qui détectent les anticorps neutralisants et donnent des résultats en dix minutes. Pour les cas positifs, une prise de sang traditionnelle affine le degré d’infection et la contagiosité. Il faut, à toute allure, faire parler le virus, le ceinturer, pour mieux connaître son modus operandi, comme diraient les traqueurs de tueurs en série. Chose faite le 25 juillet, dernier jour de la mission: le professeur Gala et son équipe mettent la dernière touche à leur carte épidémiologique. Du jamais-vu. La première intervention de B-Life remontait à 2015: pendant trois mois, il avait contribué à lutter en Guinée, en Afrique de l’Ouest, contre la propagation de l’épidémie d’Ebola. De son côté, l’ESA est ravie: son prototype de télécommunications TEN a fait ses preuves sur le terrain. L’ensemble est aussi sophistiqué qu’utile et permet à un pays européen d’en aider un autre: une solidaire machine de guerre anti-Covid-19.

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