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Un squelette de mammouth en parfait état découvert à Paris

Trouvé en bord de Marne, ce squelette en parfait état représente une découverte et une aventure scientifiques exceptionnelles. Il pourrait aussi nous en dire plus sur l’homme de Neandertal. Enquête.

Vendredi 2 novembre, 10h21, gare de l’Est. Le premier média invité à constater en avant-première la plus étonnante découverte archéologique réalisée en France depuis des années a beau s’appeler L’Express, c’est un tortillard qui nous mène à Changis-sur-Marne (Seine-et-Marne). Un tortillard à remonter le temps, dont le terminus est l’ère glaciaire, au paléolithique.

L’aventure débute en juillet dernier, lorsque, à une cinquantaine de kilomètres de Paris, des scientifiques fouillent un site gallo-romain dans une carrière des bords de la Marne. En effectuant un sondage, ils relèvent des ossements d’apparence très anciens et de grande taille. Peut-être ceux d’un éléphant antique ou d’un mamouth, comme on en trouve parfois quelques fragments. Par acquit de conscience, il est décidé d’excaver une mince tranche de terrain afin d’en savoir plus. Et c’est là que les spécialistes tombent sur… le squelette d’un animal entier, dont beaucoup d’ossements sont toujours reliés entre eux. La bête n’étant alors qu’en partie mise au jour, on ne devait s’apercevoir qu’en octobre qu’il s’agissait d’un mammouth fort bien conservé. Le quatrième jamais découvert en France. Le dernier a été trouvé voilà plus d’un siècle, mais sans que l’on ait, à l’époque, les connaissances suffisantes pour étudier les pollens, les coquillages ou la nature du terrain, qui doivent fournir de précieux renseignements sur les conditions dans lesquelles ce géant a vécu puis trépassé.

L’événement est tel que le service d’archéologie de la Direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France décide de lancer l’une des fouilles les plus importantes de ce début de xxie siècle. Et la confie à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Palynologues, malacologues, paléoparasitologues, géomorphologues, archéozoologues, sédimentologues, paléontologues: toute une armée de savants principalement issus de l’Inrap, du CNRS et du Muséum accourt alors sur place pour mener cette enquête scientifique hors normes dans le plus grand secret, afin d’éviter tout risque de vandalisme.
Le 22 octobre est lancée la mise au jour de l’animal, après le dégagement de 400 mètres carrés de terrain autour du squelette enfoui à 2,50 mètres au-dessous de la surface du sol actuel. Grégory Bayle, qui dirige la fouille, s’enthousiasme: « Même si ses os ont été en partie déplacés, ce mammouth est presque entier. Certains archéologues ont passé leur vie à rêver d’une telle découverte sans avoir cette chance! » De fait, le hasard a compté, puisqu’il aurait suffi de sonder 1 mètre plus loin pour passer à côté de ce Mammuthus primigenius – ou mammouth laineux – de plus de 3 mètres au garrot, recouvert de poils et d’une épaisse couche de graisse au temps où le Bassin parisien n’était qu’une steppe herbeuse, et la Marne une rivière tumultueuse charriant des blocs de glace.

D’abord fascinés par ces molaires immenses, ces os démesurés, les scientifiques sont bientôt subjugués par… un bout de caillou trouvé à proximité d’une des défenses. « C’est ce silex qui donne tout son prix à notre découverte », explique l’archéozoologue Stéphane Péan. Il atteste en effet la présence de l’homme sur le site, et devrait permettre à terme de mieux comprendre qui étaient les néandertaliens contemporains de ce mammouth. S’agissait-il de charognards qui ont prélevé de la viande sur l’animal déjà mort, ou bien de chasseurs évolués ayant piégé la bête dans les vases de la Marne ? Il faudra des années d’exploitation des données recueillies sur place pour le savoir. « En attendant, cette découverte soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses », confesse l’archéologue Vincent Charpentier, de l’Inrap. Le squelette a-t-il été déplacé par la rivière ou par les hommes ? De quand date-t-il ? Entre – 15 000 et – 200 000 ans, la fourchette est large ! Pourquoi a-t-on trouvé sur place une troisième défense ? Cela signifierait-il que d’autres mammouths gisent dans les environs ?

Un géant surnommé « Helmut le Mammouth »

Si c’est le cas, le propriétaire du terrain peut se frotter les mains, car la moitié du trésor lui appartient. Un squelette de mammouth sibérien s’était vendu 260 000 euros en 2007. Dans les circonstances présentes, la valeur de la dépouille devrait plutôt se situer au-dessous de 100 000 euros. A moins que notre agriculteur, comme souvent, en fasse don. Quoi qu’il en soit, celle-ci, après moulage, sera mise rapidement à l’abri au Muséum, où l’animal est déjà étiqueté comme le « mammouth de Changis ». Mais pour Grégory Bayle et son équipe, qui l’ont exhumé puis côtoyé pendant des semaines, ce géant restera toujours celui qu’ils surnomment Helmut. Helmut le Mammouth.

Par Olivier Le Naire et Marcelo Wesfreid, L’Express.fr

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