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Pourquoi faisons-nous encore la file?

Stagiaire Le Vif

Dans une société où l’immédiateté règne en maître, l’individu n’hésite pas à faire la queue plusieurs heures pour s’acheter un smartphone ou assister à un concert. C’est « le paradoxe de la file d’attente ».

Patienter à la caisse d’un supermarché ou chez le médecin irrite bon nombre d’entre nous. Et pour cause : habitué à obtenir tout ce qu’il désire sans délai, notre cerveau développe une certaine accoutumance à l’instantanéité et supporte de moins en moins les baisses de rythme. Nous devenons accros à la vitesse, en somme.

En septembre dernier, pourtant, des Japonais désireux de s’offrir l’iPhone 6 en primeur avaient attendu… 2 semaines à proximité un Apple Store de Tokyo. L’été dernier, des dizaines de fans des One Direction s’étaient agglutinés devant les portes du Stade de France dès 4h du matin, pour être au premier rang lorsque leurs idoles entreraient en scène. À Lille, le premier fast-food Burger King de la ville avait provoqué une file de 200 personnes lors de son ouverture, fin janvier.

Un phénomène antagoniste surnommé « paradoxe de la file d’attente » par le quotidien français Le Monde.

La « queue chic »

« C’est le phénomène de la « queue chic », qui se limite à certains types d’achat. Il s’agit d’un événement que l’on gardera en mémoire et que l’on pourra raconter à ses proches », théorise Richard Larson, professeur à l’Institut de technologie du Massachusetts (États-Unis), université spécialisée dans les domaines de la science et de la technologie. Le consommateur n’hésitera pas à faire la file pour un produit qu’il pense rare, donc précieux, estime quant à lui Guillaume Gronier, un psychologue luxembourgeois. Un raisonnement parfaitement intégré par la firme américaine Apple, grand adepte de la « stratégie de la rareté » pour commercialiser au mieux sa marchandise.

Participer à l’Histoire

Dans certains cas, faire la queue serait une manière de devenir « acteur » de l’Histoire, d’y participer. Ainsi, lorsque la foule se déplace le 14 janvier, à l’aube, pour se procurer le « Charlie Hebdo des survivants », « c’est bien un petit morceau d’histoire qu’elle cherchait à acheter », avance Rémy Oudghiri, directeur du département Tendances et prospective chez Ipsos.

Sentiment d’appartenance

Patienter dans une file peut également s’apparenter à un processus de socialisation, entre individus aux centres d’intérêt « identiques ».

Elle est alors vécue comme une expérience collective, au cours de laquelle on échange volontiers, on sympathise, on crée des liens. Des personnes étrangères sont réunies autour d’un même désir, formant une sorte de « communauté temporaire », réunie par l’ensemble des valeurs véhiculées et/ou renvoyées par la marque, le groupe de musique, ou l’enseigne de fast-food.

Antoine Vidua

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