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Les statues de l’Île de Pâques pourraient disparaître

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Les emblématiques sculptures de pierre qui gardent le littoral de l’Île de Pâques pourraient n’être que de vulgaires blocs de pierre rectangulaires d’ici 100 ans, avertit un groupe d’expert.

Les têtes géantes, sculptées il y a plusieurs siècles par les habitants de l’île, représentent les ancêtres vivants du peuple polynésien de l’île de Pâques : les Rapa Nui. Elles sont classées au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Des dizaines de statues géantes « Moai » dominent les collines entourant la zone humide de l’île Rano Raraku, mais elles font face à une menace sérieuse, rapporte Reuters. Les habitants décrivent cela comme une sorte de lèpre, des taches blanches apparaissent à leur surface.

Causées par des lichens, un mariage de champignons et d’algues, ces taches sont en train de ronger les sculptures, les ramollissant jusqu’à obtenir une consistance argileuse, qui à terme, déforme leurs traits.

Les statues sont également abimées par l’érosion côtière, l’élévation du niveau des mers, les vents violents et le bétail en liberté. « J’imagine que dans un siècle, ces Moai seront essentiellement des figures rectangulaires », a déclaré Tahira Edmunds, conseillère auprès de la Société forestière nationale du Chili (CONAF), qui a travaillé au nettoyage des sculptures pour éliminer le lichen.

Sonia Haoa, archéologue originaire de l’île de Pâques, est en train de dresser un inventaire de son patrimoine, y compris des Moai. Elle estime qu’environ 70% du millier de statues présentes sur l’île sont touchés par les lichens.

Les statues de l'Île de Pâques pourraient disparaître
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Alors que la détérioration peut sembler choquante pour les visiteurs qui affluent vers cette île volcanique isolée, située à quelque 3 500 kilomètres du Chili, Sonia Haoa a déclaré qu’il était encore possible de les sauver, en effectuant un nettoyage laborieux et en les enduisant de produits d’étanchéité afin de réduire l’humidité et d’empêcher la roche volcanique poreuse de s’effondrer.

Les groupes de Moai les plus célèbres, tels que les Ahu Tongariki, 15 statues disposées le long d’une plate-forme au bord de la mer et ceux dispersés autour de la carrière de Ranu Raraku, la source de la pierre, sont déjà entretenus par des experts du patrimoine et des administrateurs de la communauté autochtone du parc national de Rapa Nui. Mais l’île compte au moins 30 000 sites archéologiques répartis sur 166 km2, dont la plupart sont exposés aux intempéries.

Protéger toutes les statues coûterait jusqu’à 500 millions de dollars. Une aide internationale serait donc nécessaire, selon les autorités locales et les experts.

En l’absence de fonds gouvernementaux spécifiquement consacrés à la préservation du patrimoine de l’île, la communauté consacre une grande partie de ses revenus tirés du tourisme aux mesures de réparation et de protection. Néanmoins, ces ressources financières ne seraient pas suffisantes.

Pour débloquer des fonds, le maire de l’île a mis au point une solution novatrice: réclamer le paiement de redevances aux nations dont les explorateurs ont pris possession de certaines statues, il y a plusieurs siècles.

Parmi eux se trouve la Hoa Hakananai’a, une statue basaltique de 2,13 mètres de haut, devenue l’une des pièces les plus populaires du British Museum depuis son retrait de l’île par des marins britanniques il y a plus de 150 ans.

Les autorités de l’île de Pâques et le gouvernement chilien ont envoyé une délégation à Londres en novembre pour demander le retour de la statue de quatre tonnes.

Pedro Edmunds Paoa, le maire de l'île.
Pedro Edmunds Paoa, le maire de l’île.© Reuters

Le maire, Pedro Edmunds Paoa, a suggéré à la place que le Hoa Hakananai’a puisse jouer le rôle d’ambassadeur de l’île de Pâques et que la Grande-Bretagne le conserve en échange de paiements réguliers pour assurer l’entretien de ses homologues. « Nous gagnerions beaucoup plus », a-t-il déclaré. Le musée a répondu qu’il était heureux d’envisager un emprunt à long terme du Moaï.

Sonia Paoa a accepté, affirmant que si le patrimoine de l’île de Pâques était plus que de simples statues, leur célébrité pourrait être la clé du succès. Ces statues, et le tourisme qui en découle, sont en effet quasiment la seule source de revenus sur l’Île. Il est donc impératif pour ses habitants de les sauver.

Le British Museum a déclaré qu’il était impatient de poursuivre la conversation « chaleureuse, amicale et ouverte » commencée à Londres avec une visite potentielle sur l’île de Pâques.

« Le musée est désireux de travailler en collaboration avec des partenaires et des communautés du monde entier et se félicite des discussions proposées sur les projets communs avec Rapa Nui », a déclaré le groupe dans un communiqué envoyé à Reuters.

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