Johnny, un "Guevedoces" témoigne pour la BBC. © capture d'écran BBC

L’étrange condition de ces garçons dont le pénis ne pousse qu’à la puberté

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Dans une zone reculée de la République Dominicaine, on observe un phénomène très particulier chez les enfants. En effet, un enfant sur nonante nait avec des organes génitaux féminins, et ce n’est qu’à partir de la puberté, que leur pénis se développe.

La BBC s’est intéressée à ces jeunes surnommés « Guevedoces », pour « pénis à 12 ans », dans sa nouvelle série Countdown to Life, diffusée ce 21 septembre. Parmi ces personnes, la BBC a recueilli le témoignage de Johnny. Il a été élevé en tant que fille vu qu’il n’avait pas d’organes génitaux masculins et présentait plutôt ce qui ressemblait à un vagin. Ce n’est qu’à l’approche de la puberté que son pénis a commencé à se développer et ses testicules à descendre. Johnny était appelé avant sa transformation Felicita. A l’école, il était habillé en fille, mais déclare ne jamais avoir été à l’aise lorsqu’on lui proposait de faire des activités de filles. « Je n’ai jamais aimé être habillé comme une fille et lorsqu’on m’offrait des jouets de filles, je ne m’y intéressais pas. Quand je voyais un groupe de garçons, je préférais aller jouer au ballon avec eux« , témoigne Johnny.

Carla, un autre enfant rencontré par les journalistes anglais, est sur le point de se transformer en Carlos à l’âge de 7 ans. Sa mère a vu le changement venir depuis un petit temps: « Quand elle a eu 5 ans, j’ai remarqué qu’à chaque fois qu’elle voyait un petit copain, elle voulait se battre avec lui. Les muscles de son torse ont commencé à se développer. Je pouvais voir qu’elle allait devenir un garçon », raconte-t-elle. « Je l’aime qu’elle soit une fille ou un garçon, cela n’a pas d’importance« , ajoute cette maman.

Comment peut-on expliquer ce phénomène pour le moins étrange ? C’est l’endocrinologue américaine Julianne Imperato-McGinley qui a débuté les premières recherches dans les années 1970 sur cette population.

A la conception, un embryon a normalement une paire chromosomes X chez les filles et une paire de chromosomes XY chez les hommes. Au cours des premières semaines dans l’utérus, l’embryon ne développe pas encore ses organes génitaux. Ce n’est qu’à environ 8 semaines de gestation que l’hormone qui définit le sexe se déclenche, si l’embryon est génétiquement programmé pour être un homme, le chromosome Y envoie un signal pour que les testicules et le pénis se développent grâce une enzyme (5-alpha-reductase) qui revêt comme fonction de convertir la testostérone en dihydrotestostérone.

Pseudohermaphrodites

Après avoir effectué de (douloureuses) biopsies de leurs testicules. Julianne Imperato-McGinley a découvert que la condition spéciale de ces enfants était liée à une carence de cette enzyme 5-alpha-reductase qui rend possible le développement du pénis. Ces enfants qu’on pourrait qualifier de pseudohermaphrodites ont donc des chromosomes masculins XY à la naissance, et ont l’apparence de filles, mais ce n’est qu’à la puberté, qu’une deuxième poussée de testostérone permet le développement d’organes génitaux masculins. Dans la plupart des cas étudiés, ces organes fonctionnent normalement et les « Guevedoces » vivent le reste de leur vie en tant qu’hommes même si certains d’entre eux désirent se faire opérer pour rester femmes. Il s’agit d’une condition génétique extrêmement rare, mais assez fréquente dans certaines parties de la République dominicaine.

Ce phénomène est aussi répertorié dans des villages de Papouasie-Nouvelle-Guinée, où ces enfants sont appelés « turnims », ou « ceux qui vont devenir des hommes ». En 2005, une anthropologue de l’université de Berkeley avait remarqué que contrairement en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où ces « enfants étaient rejetés et humiliés par leurs familles et par la société », en République dominicaine, « la transformation de l’enfant en mâle était marquée par une célébration joyeuse », note le site Slate.fr.

L’étude de ces enfants a permis le développement d’un médicament utilisé par des millions de personnes de par le monde. Le Dr. Imperato-McGinley ayant découvert que ces jeunes avaient des prostates particulièrement petites, des recherches ont été lancées qui ont abouti à la création du finastéride, un médicament qui bloque l’action du 5-alpha-réductase et permet donc de traiter l’hypertrophie de la prostate. Dans ses recherches, l’endocrinologue a aussi remarqué que ces garçons, même s’ils avaient été élevés en tant que filles montraient de fortes préférences hétérosexuelles.

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