© BELGA IMAGE

Génétique: l’ADN au service de la biodiversité

Une jeune spin-off namuroise utilise des technologies de pointe pour préserver la nature. Sa spécialité: l’ADN environnemental. Une méthode peu connue mais particulièrement prometteuse, entre autres pour la sauvegarde des espèces.

Repérer la présence d’espèces – y compris les plus rares – à partir d’un échantillon de terre, d’eau ou de sédiments? C’est possible grâce à l’ADN environnemental! Depuis près de deux ans, cette méthode innovante et encore peu répandue est mise en oeuvre en Belgique par e-biom, une spin-off de l’UNamur. « Lors de mes recherches scientifiques, je me suis rendu compte qu’on manquait d’outils précis pour inventorier la biodiversité », explique Jonathan Marescaux, docteur en sciences biologiques, cofondateur et CEO d’e-biom. « C’est ainsi que je me suis intéressé à l’ADN environnemental et qu’est née l’idée de créer e-biom afin de développer et commercialiser cette méthode. »

L’un des principaux avantages de la méthode est sa facilité de mise en oeuvre sur le terrain.

L’un des principaux avantages du prélèvement d’ADN environnemental est sa facilité de mise en oeuvre sur le terrain. Plutôt que faire appel à plusieurs experts et naturalistes pour analyser la biodiversité d’une zone, il suffit d’y envoyer une personne formée à la récolte des échantillons. Ensuite, une analyse unique de ceux-ci en laboratoire permet de recenser les espèces présentes (des bactéries jusqu’aux mammifères) grâce aux traces d’ADN qu’elles y ont laissées. « L’ADN environnemental permet ainsi de détecter plus facilement des espèces peu abondantes, alors qu’un naturaliste devrait faire preuve de beaucoup de patience pour les observer in situ », souligne Jonathan Marescaux.

Pour analyser la biodiversitéd'une zone, il suffit d'y envoyer une personne formée à la récolte des échantillons.
Pour analyser la biodiversitéd’une zone, il suffit d’y envoyer une personne formée à la récolte des échantillons.© GETTY IMAGES

La fiabilité des analyses réalisées grâce à l’ADN environnemental reste néanmoins dépendante de l’interprétation des résultats, donc d’un facteur humain. « On retrouve par exemple des traces d’ADN de saumon sauvage dans le Rhin en France, alors que cette espèce n’y est pas présente. L’explication est que cet ADN provient des excréments des humains qui consomment du saumon », enchaîne Jonathan Marescaux. « L’équipe d’e-biom est composée uniquement de scientifiques spécialisés en écologie, donc capables d’interpréter les résultats et de détecter de potentielles incohérences. »

Mesurer l’impact des entreprises

Un autre intérêt de l’ADN environnemental est son coût. Bien que le procédé reste onéreux pour les analyses à très petite échelle, la réduction des coûts est significative pour les missions de grande ampleur, notamment parce que l’ADN environnemental permet de limiter les déplacements et d’analyser plusieurs échantillons en même temps. Selon les cas de figure, e-biom utilise en parallèle d’autres outils complémentaires, comme les observations sur le terrain ou les méthodes de génétique des populations (étude de la distribution et des changements de la fréquence des versions d’un gène dans les populations d’êtres vivants, sous l’influence des migrations, de la sélection naturelle etc.).

Autant de dispositifs de pointe pour protéger l’environnement ou pour conserver et renforcer la biodiversité – y compris en milieu urbain. e-biom a d’ailleurs comme projet de développer des indicateurs afin de permettre aux entreprises de mesurer leur impact sur la biodiversité, un peu comme il en existe déjà pour le climat. La jeune société s’intéresse également à l’application de ses méthodes innovantes sur des échantillons de sols agricoles, dans l’idée de favoriser les cultures régénératives.

Traquer la Covid-19 dans les eaux usées

Grâce à ses compétences en matière d’épidémiologie environnementale, e-biom est devenu l’un des partenaires des autorités belges dans la lutte contre la Covid-19. L’entreprise est en effet parfois missionnée pour détecter des agents pathogènes dangereux pour la biodiversité et ces protocoles ont pu être transposés pour traquer le coronavirus dans les eaux usées de Wallonie. « Le virus est présent dans ces eaux et, au mois d’avril dernier, la SPGE (Société publique de gestion de l’eau) nous a contactés car elle s’interrogeait sur le risque potentiel que cela présentait pour le personnel des stations d’épuration », précise Jonathan Marescaux. « Par la suite, nous avons été missionnés pour effectuer des analyses deux fois par semaine et ainsi suivre l’évolution des traces de coronavirus dans les eaux usées. » Depuis septembre dernier, Sciensano coordonne ces analyses pour le territoire belge et e-biom est resté partenaire de cette mission. « Les expériences dans d’autres pays européens ont montré que le suivi des eaux usées peut fournir des informations sur la circulation du virus dans la population », poursuit Jonathan Marescaux. « L’intérêt de cet indicateur est d’offrir une vision macroscopique et complémentaire aux dépistages pratiqués sur les individus. » La surveillance des eaux usées permettrait aussi de détecter les phases de recrudescence du virus en avance sur le dépistage clinique.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire