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Cancer : des traitements sur mesure

Une médecine personnalisée commence à se développer avec de premiers succès. Cette approche sera au coeur de la prochaine journée d’information organisée par la Fondation contre le Cancer.

« Ces dernières années, d’immenses progrès ont été accomplis en cancérologie dont monsieur et madame tout le monde n’ont pas conscience, souligne le Dr. Didier Vander Steichel, directeur scientifique de la Fondation contre le Cancer. L’image qui est véhiculée dans le public n’est plus d’actualité. De surcroît elle est trop négative et alimente la peur. Or les avancées sont vraiment spectaculaires et touchent tous les domaines. Tout d’abord, une meilleure connaissance des cancers a permis la mise au point de thérapies ciblées. Ensuite, des progrès techniques liés au développement de l’informatique et à l’imagerie médicale jouent un rôle moteur dans le choix des traitements. Enfin, des améliorations pratiques sont également à signaler dans la prise en charge des malades. Nous développerons ces sujets lors de la journée d’information, pour remettre les pendules à l’heure ».

L’explosion de traitements ciblés

Elle n’en est qu’à ses débuts, mais l’ère des thérapies ciblées est bel et bien ouverte. Face à une maladie complexe, qui frappe chaque année plus de 12 millions de personnes dans le monde (selon l’OMS, en 2008, la Belgique occupait la cinquième place avec 306,8 cas diagnostiqués par 100 000 habitants), les traitements « standard » commencent à laisser la place aux traitements « profilés », adaptés aux caractéristiques génétiques du malade et surtout de la tumeur. « Nous comprenons mieux la maladie, poursuit le Dr. Vander Steichel. Dans le cancer du sein, par exemple, différents gènes peuvent s’exprimer d’une tumeur à l’autre. Cela a des conséquences sur le degré d’agressivité du cancer ou sur sa sensibilité aux différents traitements. Or, si l’on ne va pas vérifier l’expression des gènes dans les cellules cancéreuses, on risque de regrouper à tort des cancers différents dans une même catégorie, avec comme conséquence des traitements qui ne seront pas toujours appropriés ». L’expression génétique est donc l’une des voies majeures de la recherche et des progrès en cours.

Carte d’identité des tumeurs

Jusqu’ici, la découverte d’un cancer se faisait par analyse au microscope du tissu malin prélevé. Les progrès de la génétique nous font entrer dans une autre dimension ! Il est possible d’extraire l’ADN des cellules cancéreuses et de le séquencer entièrement. On peut alors détecter les mutations impliquées dans le déclenchement de la maladie cancéreuse. Le but est à la fois de mieux repérer les différences d’un cancer à l’autre et de déterminer un traitement parfaitement « sur mesure ». La réalisation des cartes d’identité génétiques des tumeurs est donc une priorité. De nombreuses équipes de chercheurs s’y emploient à l’échelle internationale et la Belgique participe à cet effort. C’est par exemple le cas du Professeur Christos Sotiriou à l’institut Jules-Bordet, qui s’est taillé une large réputation dans l’étude des cancers du sein. Comment cela se passe en pratique ? On va « regarder » à l’intérieur des cellules cancéreuses pour voir quels gènes sont activés et quels gènes sont au repos. De la sorte, on arrive à identifier des formes différentes de cancers pour lesquelles on ne remarque aucune différence à l’examen microscopique classique.

Ensuite, on couple ce diagnostic génétique à des informations cliniques. On regarde quels traitements ont été proposés (informations cliniques) et quelle a été la survie. Une fois ce travail d’analyse effectué, on peut tirer des conclusions. Cela permet par exemple, dans certains profils d’expression génétique qui signent une tumeur peu agressive, de se passer de chimiothérapie. « Face à certains cancers particuliers, la meilleure prise en charge consiste même parfois à se contenter d’une surveillance médicale attentive, sans commencer de traitement, analyse le Dr. Vander Steichel. Certaines formes de cancers de la prostate, de lymphomes ou de leucémies sont très peu agressives et se développent très lentement. Dans ces cas particuliers, un traitement aurait plus d’inconvénients que d’avantages. Il faut bien entendu surveiller l’évolution éventuelle de la maladie pour entamer un traitement si le cancer se « réveille ». Toujours en termes de choix de traitement, ces recherches permettront de déterminer d’emblée le type de chimiothérapie qui a le plus de chances d’être efficace, en fonction du « profil » génétique de la tumeur. Actuellement, on administre le traitement qui a statistiquement le plus de chances de succès chez tous les patients, sans tenir compte de ces différences de profil génétique. Si un échec est constaté chez un malade, c’est seulement alors qu’on essaiera d’autres combinaisons thérapeutiques ». A l’avenir, on pourra donc choisir dès le départ le traitement le plus efficace pour chaque patient…

La révolution de l’imagerie médicale

Le PET scan est un bel exemple des progrès de l’imagerie médicale, rendus possibles par les développements technologiques et informatiques. La radiographie classique, le scanner ou l’IRM, donne simplement des images anatomiques des organes. Sans rien indiquer sur la nature des anomalies repérées. La révolution du PET (Positron Emission Tomography) a consisté à injecter un sucre radioactif (la quantité de radioactivité est extrêmement faible et sans aucun danger) par voie sanguine et à repérer l’endroit où ce marqueur se concentre. Une concentration anormale signifie par exemple un tissu en forte croissance. En superposant ces informations à celles de la radiologie classique, on peut par exemple faire la différence entre une tumeur bénigne ou un tissu cicatriciel et un cancer. Cet examen va également permettre de repérer d’éventuelles métastases à distance du cancer d’origine. Toutes ces informations sont très importantes pour le choix du traitement. Et la prochaine révolution de l’imagerie médicale se profile déjà à l’horizon. Toujours à l’aide de marqueurs, il sera possible de repérer très précocement l’impact d’un traitement sur les cellules cancéreuses en visualisant le type de molécules synthétisées à l’intérieur même de ces cellules. C’est pourquoi les chercheurs parlent d’imagerie moléculaire. L’avantage sera un gain de temps énorme dans l’évaluation de l’efficacité du traitement. Actuellement, il faut souvent attendre plusieurs semaines avant de constater la diminution du volume tumoral. L’imagerie moléculaire donnera cette information après quelques jours à peine.

En conclusion

L’objectif de la médecine personnalisée est de donner le bon traitement, au bon patient, au bon moment, en fonction des caractéristiques biologiques et génétiques de chaque tumeur. Les premiers résultats sont prometteurs, mais la tâche reste immense. Et comme toujours, il y a le revers de la médaille. Le gain d’efficacité s’accompagne d’une complexité qui ne sera pas facile à gérer. Et la dimension économique ne doit pas être occultée : le coût de ces thérapies d’un genre nouveau est évidemment très élevé.

Barbara Witkowska

Journée d’information « Les grandes avancées en cancérologie », 8 juin au Diamant Center à Bruxelles,www.cancer.be

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