Carte blanche

Archéo-génétique : la plaisanterie a assez duré !

Aux yeux des médias, comme à ceux des humanistes, une mythologie nouvelle s’est imposée: l’origine de l’homme pourrait être expliquée par la Science! En décryptant les méthodes et les résultats obtenus en archéo-génétique, on observe au contraire que ces concepts nouveaux ne font qu’embrouiller les évidences acquises le plus simplement du monde par l’archéologie et la paléontologie : l’humanité forme une unité à travers le temps, exactement comme aujourd’hui à travers l’espace. La besoin d’une vérité nouvelle est passée d’une forme de religion à une autre. Ce glissement sémantique doit être compris, assumé et dénoncé

Que l’on nous démontre, dans un grand mouvement d’orgueil, que Denisova (Sibérie cinquante mille ans) et Atapuerca (Espagne quatre cents milles ans) appartiennent à la même espèce biologique coûte très cher, pour « prouver » des évidences mille fois démontrées en paléontologie et en archéologie : personne n’en a jamais douté. Ce sont les mêmes comportements et seuls ceux qui en tirent profits voudraient faire croire qu’un doute subsistait ! Nous savons tous qu’il n’existe et n’a jamais pu exister, une autre espèce humaine que la nôtre : toutes les populations actuelles le prouvent avec évidence lumineuse depuis des millénaires. Nous savons aussi que les métis démontrent des variations internes à l’espèce, et pas seulement humaine. Nous formons la même espèce biologique depuis au moins trois millions d’années, et les variations, à l’intérieur, furent infinies : elles ne s’arrêteront pas !

Pourquoi démontrer de telles évidences, à grands renforts de prestige et une obséquieuse considération : « nous allons tout vous dire » (de ce que nous savions déjà !). Depuis des dizaines d’années, nous savons tous que le cadre génétique ne code pas ce qu’il contient : il s’agit simplement d’une structure, mais vide !, dont l’éducation fait ce qu’elle veut, via la transmission culturelle dès les premiers mois d’un individu (Edelman, 2.000 ; Dean 2012 ; Otte, 2017, 2018).

Or, la qualité de cette information fait encore partie des modèles, précisément inconnus, car elle se situe en dehors des cadres académiques patentés (Lambert, 2003). Aucune importance : on veut nous vendre du rêve, du vent, et cela fonctionne très bien car le rêve est le seul élément vital dans l’évolution humaine de la conscience. Qu’importe : on crée des fantasmes aux noms mystérieux dans des laboratoires discrets, et ils sont désignés comme « scientifiques », donc « vrais » ! Ils arrivent tels quels dans des rédactions déjà acquises, avec la complaisance inverse de leur fonction réelle, puis aussitôt relayés à tous les médias du monde, sans discernement, sans jugement, sans même le droit de contester : cette science agit comme une Terreur moderne. Et nous les lisons, abusés plutôt qu’informés. Dès ce moment, la science bascule dans la mythologie, dont les « savants » ignorent même la nature, tout en l’utilisant, comme les Présocratiques, car ces mécanismes sont infiniment plus complexes que des molécules…Si la formation académique de ces gens-là leur interdit de comprendre les mécanismes sociaux : qu’importe puisqu’ils savent les manipuler ! Tout le reste est rejeté dans le flou des sciences humaines, où rien n’est vrai ni vérifiable, selon leur doctrine. Pire : il nous arrive d’y croire ! car les modèles structuraux sont encore tremblants, y compris chez les anthropologues !

Voilà comment fonctionne la métaphysique actuelle : faire croire ce qui n’a aucun sens, comme dans toutes religions, dont pourtant il nous aura fallu deux mille ans pour nous en débarrasser ! Pas d’importance : le rôle du savant a repris celui du prêtre, incontestable et indémontable ! Par exemple, dans la même page, un de ces évêques nouveau style, nous apprend : « nous ne pouvons plus procréer avec d’autres espèces humaines car nous sommes seuls depuis 30.000 ans » (Periodico de Atapuerca, 88, novembre 2018, p.14). Essuyez-vous les yeux et relisez cette phrase ! Depuis trente mille ans : plus de métis ! Aucun Chinois, Australiens, Polynésiens, de Tibétains, de Mongols, de Turcs, de Samoyèdes, d’Evenks (…) n’ont plus pu « procréer » qu’entre eux ! Car tous les autres, avant et ailleurs, avaient été éliminés : la Science vous le dit, vous l’écrit, et vous l’achetez ! Assez de délire !, je persiste et je signe : c’est tout faux ! Tous les préhistoriens du monde savent l’extrême durée de l’évolution culturelle dans chacune de leurs régions : des centaines de milliers d’années, voire des millions ; Chacun le sait et tout le monde se sent terrorisé par une science qui apparait comme une révélation divine : nous allons enfin être sûrs de notre propre destin, rien de moins !

Petit extrait à relire : La dimension métaphysique régulièrement associée à l’ADN, entité sacrée qui définit notre personnalité, incarne l’essence de la condition humaine, détient les recettes de l’immortalité et conditionne notre destin, contribue à apporter l’idée d’une finitude en biologie (…) .Ce serait bien la première fois dans l’histoire de l’Humanité qu’une discipline scientifique atteindrait un tel degré de complétude. Car la science est une entreprise qui se nourrit du doute et avance au prix d’une perpétuelle remise en question. À chaque fois qu’un problème nouveau trouve une solution, une foule de nouvelles interrogations surgissent ne faisant que reculer les limites de la connaissance et accroitre l’abîme de notre ignorance. Et c’est au moment où les paradigmes de la biologie moléculaire prennent l’eau de toutes parts qu’il faudrait arrêter d’autres modèles ? » (Lambert, 2003, p.292)

Voyez bien qu’une communauté de collègues biologistes réagisse avec logique et détermination, sans même avoir pris conscience de l’absurdité à laquelle ces méthodes concourent soit en archéologie soit en paléontologie. Leurs voix ne sont pas entendues car elles ne rapportent pas de sous, pas de prestige, de privilège. Tous les colloques de biologie moléculaire aboutissent à une impasse : ils ne peuvent pas savoir, pas de consensus possible. Alors, l’argument d’autorité l’emporte car, prédire le destin humain fait trembler de peur et rapporte beaucoup de notoriété, labos et universités incluses. Et les politiques sont si naïfs, si faciles à convaincre sur ce terrain-là…

Mais il existe une hiérarchie entre les sciences : celles de l’homme ne s’y trouve pas bien haut, alors que ce sont elles qui fournissent les données, qui les découvrent, les analysent et les publient ! Pourtant, toute religion possède quelque chose en commun : elle ne peut pas être mise en doute !

« Nous avons voulu montrer que la « science » et les pratiques qui y sont associées ne sont pas hors de l’idéologie, mais en son centre, et que leur objectivité ne les rend pas pour autant impartiales. Nous espérons ainsi permettre le doute, la critique, l’incertitude afin que la parole du profane retrouve son droit d’expression partout où l’autorité scientifique s’exerce sans légitimité démontrée. (Atlan dans Achard et al, 2003, p.284)

Laissons la parole à un scientifique, un vrai : « Il est plus facile de briser une particule qu’une idée reçue » (Albert Einstein). Efforçons-nous donc d’éviter que s’installent trop d’idées reçues…

Encore une couche : chacun sait ou devrait savoir que ce ne sont pas nos aptitudes qui nous déterminent mais nos acquisitions culturelles en constante progression dès notre conception intra-utérine, autant que dès nos origines paléontologiques (Boyd et Silk, 2004). Aucune « structure » biologique ne peut déterminer nos facultés, mais tout notre arsenal tiré de l’environnement social, c’est-à-dire de la culture, jamais des structures génétiques héritées qui ne sont que des cadres, que la culture remplit (Dean, 2012 ; Heinrich, 2015). Mais il s’agit de composantes d’une effroyable complexité : là pourtant se trouve précisément notre conscience, celle qui nous offre des choix infinis : heureusement ! Et nous revoici aux sources de toute science réellement « humaine » : notre aptitude à penser librement ; nous sommes loin d’humbles petits gènes, et c’est cette situation-là qu’il convient de décrypter, hors des laboratoires. Comme depuis Socrate : il s’agit d’assumer nos choix, de justifier nos valeurs et d’offrir de l’espoir à des « mécaniques » uniquement intellectuelles : tâches autrement plus ambitieuses et plus nobles qu’un regard porté au fond d’un tube à essai…

Marcel OTTE, Professeur émérite de Préhistoire, Université de Liège

Références utilisées

Achard P. (dir.), Discours biologique et ordre social, Paris, Seuil

Boyd R. et Silk J., 2004, L’aventure humaine. Des molécules à la culture, (traduction par Stéphane Ducrocq et Marcel Otte), Paris, Bruxelles, édit. De Boeck

Dean L.G., 2012, Identification of social processes underlying human cumulative culture, Science, 3335, p.1114-1118

Edelman G., 2.000, Biologie de la Conscience, Paris, Odile Jacob

Heinrich J., 2015, The secret of our Success: how human evolution, domesticating our Species and Making smarter, Princeton Univ. Press

Lambert G., 2003, La légende des Gènes, Anatomie d’un mythe moderne, Paris, Dunod

Otte Marcel (édit.), 2017, Des gènes à la Culture, Palevol, 16/2, Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, Paris.

Otte Marcel, 2018, L’audace de Sapiens. Comment l’humanité s’est constituée, Paris, Odile Jacob

Pellegrini Béatrice, 1995, l’Ève imaginaire. Les origines de l’homme, de la biologie à la paléontologie, Paris, Payot.

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