Vaccination: les généralistes submergés par les questions de patients complètement perdus

Vincent Claes
Vincent Claes Rédacteur en chef - Le Journal du médecin

Depuis quelques semaines, les généralistes sont assaillis de questions de la part de patients qui s’inquiètent de savoir comment et quand ils pourront se faire vacciner. Michel De Volder et Thomas Orban, les présidents de la FAMGB et de la SSMG, alertent les autorités : les généralistes sont débordés et ne peuvent plus se consacrer aux soins.

Les deux généralistes de terrain pointent une série de dysfonctionnements qui poussent les patients à s’adresser à leur médecin de famille pour comprendre ce qu’ils doivent faire. « Des patients francophones reçoivent un sms qui les dirige vers un site en néerlandais », illustre le Dr De Volder. « Le patient, souvent âgé et qui ne voit plus très bien, doit copier et introduire un code de 25 caractères pour pouvoir s’enregistrer dans le système. Ce n’est pas du tout convivial », commente le Dr Orban.

« Les autorités ne tiennent pas compte de la fracture numérique. Elles font comme si tous les patients âgés étaient capables d’utiliser internet, avaient un adresse électronique… », renchérit Michel De Volder. Les questions qu’ils adressent aux généralistes sont légitimes : « Quand est-ce qu’on va m’appeler pour ma vaccination ? », « Est-ce que vous pouvez me vacciner à votre cabinet? », « Comment vais-je me déplacer au Heysel ? », « Pourquoi ma femme, qui est plus jeune, a-t-elle déjà reçu une convocation alors que moi pas ? » « Je ne suis pas domicilié à Bruxelles, est-ce que je vais recevoir une convocation, pour aller où ? »…

Déficit de communication

Thomas Orban souligne que les sites d’information sur la vaccination qui ont été créés par le Fédéral et les régions n’ont pas été conçus pour être compréhensibles par la majorité de la population. « En outre, lorsqu’un patient appelle un numéro téléphonique censé l’aider, on le renvoie presque systématiquement chez son généraliste « qui pourra lui répondre ». » De plus, le président de la Société scientifique de médecine générale, qui se défend d’être anti-vaccin, constate que les informations proposées par les autorités sont parfois incomplètes. « Que sait-on, par exemple, de l’effet des vaccins dans vingt ou trente ans ? Comment bien comparer les qualités des différents vaccins ? Il y a une zone d’incertitude. Or, le généraliste doit pouvoir répondre aux questions des patients. »

« Nous sommes submergés par du boulot qui ne relève pas de notre travail. Nous avons d’autres choses à faire : écouter les patients, les soigner, prendre en charge leur santé… », rappelle le Dr De Volder, le président de la Fédération des associations de médecins généralistes de Bruxelles (FAMGB). « Comme nous l’avons déjà déclaré il y a déjà quelques mois, ce n’est pas aux généralistes qu’il revient de rédiger des certificats de quarantaine, des documents d’entrée et de sortie… Nous devons traiter des patients symptomatiques. La médecine générale est prête à faire son job. Nous sommes diplômés en médecine, pas en secrétariat. »

Revoir la stratégie vaccinale

Plus fondamentalement, les deux présidents regrettent que la médecine générale ne soit pas associée à la stratégie vaccinale. « Nous avons été mis de côté. Parfois nous sommes interpellés pour pouvoir donner notre avis à gauche et à droite sans vraiment recevoir un cadre formel. Tout est flou », pointe le président de la FAMGB.

« Nous sommes convaincus que si les généralistes avaient accès à la vaccination dans leurs cabinets, cette campagne se déroulerait beaucoup mieux. L’argumentation avancée par les autorités n’est pas valable. Dans d’autres pays, la vaccination est réalisée en médecine générale, voire, comme en France, dans les pharmacies. La seule raison est financière. L’Inami ne veut pas payer deux fois neuf millions de consultations en médecine générale pour vacciner toute la population. Des structures « étatiques » ont été mises sur pied et les autorités veulent les rentabiliser. Conséquences de cette politique : la campagne de vaccination prend du retard, des doses sont inutilisées, les hospitalisations aux soins intensifs et en unités Covid continuent d’augmenter… L’Inami doit comparer les coûts faramineux de l’exploitation de 400 lits de soins intensifs et le coût de la vaccination en médecine générale. En outre, les généralistes sont tout à fait capables de gérer des fioles de vaccin et de les conserver à la bonne température. Nous l’avons fait pour le H1N1 avec beaucoup de succès. A l’époque, le plan fédéral proposé par la ministre Onkelinx avait été refusé par le corps médical. Elle a eu le courage de revoir sa copie et de repartir d’une feuille blanche. Nous sommes aussi capables d’encoder les données dans Vaccinnet. Nous l’avons déjà fait dans les maisons de repos. »

Le message envoyé par les Drs Orban et De Volder aux autorités est très clair : il faut intégrer rapidement la médecine générale dans la stratégie vaccinale, à tous les niveaux.

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