Mélanie Geelkens

Une sacrée paire| 800 visiteurs chaque seconde sur Pornhub. Faut-il s’en étonner, alors que l’école, la famille taisent pudiquement la sexualité ?

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Le coeur sur la main, quand même, Jacquie et Michel. Dix films offerts. Les Milfs veulent des b***, Filles faciles à b*** Ski, sex and fun… Au choix.

 » Pour vous aider dans votre télétravail et votre confinement.  » Vérifier sa braguette avant la vidéoconférence, tout de même. Quelle générosité aussi, ce Marc Dorcel. #TousSolidaires, qu’il tweete, au-dessus d’un code promo pour commander des vidéos. Et Pornhub, qui rend l’accès gratuit à ses contenus premium en se fendant d’un  » Courage, la France !  » C’est beau, la solidarité. Serait-ce une larme d’émotion, là, coulant sur votre joue ? Ah non, c’est plus visqueux. Un postillon ayant bravé la distanciation sociale ? On dirait… Oh mais non ? ! Pardon, pardon. C’est que, dans le porno, tout finit toujours en pleine figure. Elles tirent la langue, en plus. Faut croire qu’elles aiment ça.

Bonnes actrices. Tellement douées que beaucoup finissent par croire que l’amour se pratique forcément selon ce scénario-là. Un coup de langue (sur une surface parfaitement épilée), pour commencer. Ils pourraient tout aussi bien engager des manchots, les réalisateurs, d’ailleurs : mystérieusement, les acteurs n’utilisent jamais leurs doigts. Mais ce serait sans doute moins pratique pour l’inévitable quatre pattes qui s’ensuivra, avant le bouquet facial final. Une telle uniformité positionnelle, à se demander pourquoi Mallanaga Vâtsyâyana s’était piqué de rédiger le Kama Sutra.

Désolée d’avoir spoilé la fin de La Boulangère a de belles miches. Ou peut-être était-ce Harry Plotteur. Ou Rodéo sur Juliette. Marrant, quand même : des millions de vidéos (18 milliards visionnées sur YouPorn en 2019, par exemple) et si peu d’originalité. Les 97 % de réalisateurs masculins de l’industrie du X devraient tenter un truc dingue, vraiment incroyable, comme un film tenant compte de la jouissance féminine.

Leurs rares consoeurs pourraient le leur expliquer, à quoi sert un clitoris, au-delà d’un décor pour gros plan gynécologique. Erika Lust, Lina Bembe, Nicky Miller, Ovidie (photo), Anoushka, Olympe de G., etc. Des membres, des trous, des trios, des enfilades, des cris… Leur  » porna  » filme également tout ça. Mais avec un  » a  » pour artistiquement. Des productions surtout plus subtiles, égalitaires, réalistes. Moins avilissantes et phallocentrées. Toutes les actrices, déjà, y sont consentantes. Et rémunérées comme leurs partenaires masculins. Certaines de ces réalisatrices s’adonnent même aux podcasts érotiques. La voix, plus excitante que l’envoi.

800 visiteurs chaque seconde sur Pornhub (chiffres d’avant-confinement). Faut-il s’en étonner, alors que l’école, la famille taisent pudiquement la sexualité ?

Des trucs de meufs, tout ça. Peut-être. Pas de raison qu’elles n’explorent pas non plus leur sexualité. Sur les plateformes pornographiques, entre un quart et un tiers sont des utilisatrices. D’année en année, leur proportion croît aussi rapidement que l’attribut d’Owen Gray.

Ils et elles consomment, donc. C’est un fait. n’en déplaise aux prudes, aux cathos, aux abolitionnistes, à certaines féministes, qui conçoivent toute forme de porno comme un asservissement. 800 visiteurs chaque seconde sur Pornhub (chiffres d’avant-confinement). Des moins de 35 ans, majoritairement. Faut-il s’en étonner, alors que l’école, la famille taisent pudiquement la sexualité ? Débrouillez-vous, les jeunes, pour développer votre apprentissage, construire vos fantasmes, rassurer vos performances, assouvir votre libido.

Donc, ils et elles se débrouillent. A la force du poignet, à la lueur de l’écran. Bien plus accessible que les revues d’autrefois. Grand bien leur (vous/nous) fasse. Pourvu de ne pas finir par croire que, dans la vraie vie, le plaisir s’achève forcément en pleine figure.

Belle bande

 » Tout ce qui tient la société, qui nous permet d’inscrire une temporalité dans la tête, de nous projeter, ce sont les femmes qui le font. Parce qu’elles sont majoritaires dans les équipes soignantes, aux caisses des supermarchés, dans le personnel qui nettoie dans les établissements travaillant encore, souvent dans la fonction publique. Tout ce qui nous permet d’envisager un après, de ne pas sombrer dans la désespérance, ce sont les femmes qui le font. Depuis toujours.  »

Christine Taubira, ex-ministre française de la Justice, sur France Inter, dans Le Grand Entretien.

Quarantine queen

Une sacrée paire| 800 visiteurs chaque seconde sur Pornhub. Faut-il s'en étonner, alors que l'école, la famille taisent pudiquement la sexualité ?
© DR

On l’appelle  » quarantine pop « . Le mouvement musical né du confinement. Des chansons pas forcément écrites depuis le déclenchement de la pandémie mais qui évoquent l’isolement, l’angoisse face au futur. Comme Supalonely, de la jeune Néo-Zélandaise (20 ans) Benee. C’est, dit-on,  » l’hymne du confinement  » : plus de 100 millions d’écoutes sur les plateformes musicales et 25 millions de vues sur YouTube. Sorti l’automne dernier, confidentiellement, le morceau parle d’une rupture amoureuse et de la détresse de celle qui reste en rade, seule, dans son minuscule appartement. Mais il a pris une nouvelle résonance. Parce qu’il incarne la vie confinée. Qu’on le doive à une femme n’est sans doute pas pur hasard.

C’est pas gagné

Qui bosse le plus à la maison pendant le confinement ? Les femmes, évidemment. Une étude Harris commandée par le secrétaire d’Etat français chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes et publiée dans Sud Ouest le 16 avril est implacable : dans 63 % des ménages confinés, c’est la femme qui fait à manger ; elle consacre 2 h 34 par jour aux tâches ménagères (l’homme est à 2 h 10) et même 2 h 44 contre 2 h 02 dans les couples avec enfant(s).

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